Cette adaptation théâtrale du célèbre roman d’Agota Kristof nous révèle des enfants d’une candeur troublante, à l’intelligence rusée et inventive, qui tentent de survivre aux affres d’une guerre impitoyable.
Scénographie Catherine Vidal
Adaptation de la scénographie Romain Fabre
Costumes Angela Vaags
Lumière Alexandre Pilon-Guay
Musique et régie Francis Rossignol
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Une production du groupe Bec-de-lièvre en codiffusion avec le Théâtre de Quat'Sous
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Dates antérieures
Du 13 au 31 janvier 2009, salle intime du Théâtre Prospero
par Aurélie Olivier
Paru en 1986, Le grand cahier, roman de l’auteure hongroise Agota Kristof, est pour le moins controversé. Encensé par certains, honni par d’autres, il ne laisse personne indifférent. Racontant comment deux frères jumeaux, malmenés par leurs semblables dans un pays en guerre, parviennent à s’endurcir pour résister à l’horreur, l’auteure dépeint avec brio l’humanité dans ce qu’elle peut avoir de plus terrible.
Ce n’est certes pas la première fois que le roman est adapté au théâtre, mais la version que propose la comédienne et metteure en scène Catherine Vidal, est particulièrement réussie. Dans le rôle des jumeaux, Renaud Lacelle-Bourdon et Olivier Morin sont remarquables. Abandonnés par leur mère qui ne parvient plus à les nourrir, ils apprennent à vivre sans amour, dans la crasse et la misère, aux côtés d’une grand-mère brutale. Chaque jour, ils notent dans un grand cahier les exercices qu’ils s’imposent pour endurcir leur corps et leur âme, pour survivre, somme toute, à la cruauté qui les cerne. Le ton mécanique, presque désincarné, qu’ils adoptent, leur démarche de petits soldats, montrent que l’émotion et la subjectivité ne font plus partie d’eux. On serait tenté de dire qu’ils sont déshumanisés, mais ceux qui les entourent ne le sont-ils pas encore plus?
À l’aide de simples artifices (une pomme de terre plantée sur un barreau de chaise, un masque en carton, une mimique), les deux comédiens évoquent aussi toute une série de personnages secondaires qui entrent en relation avec les deux enfants : Grand-mère, Bec-de-lièvre, l’Officier étranger, le curé, la servante de la cure, etc. Un exercice difficile qu’ils accomplissent avec virtuosité.
Les thèmes abordés dans le spectacle sont particulièrement lourds : maltraitance, meurtre, pédophilie, ondinisme, zoophilie… Chaque seconde on sombre un peu plus dans l’horreur. Heureusement, Catherine Vidal a choisi d’évoquer plutôt que de montrer. De plus, l’humour et l’inventivité de sa mise en scène nous permettent de garder une distance salvatrice et de quitter la salle sans avoir totalement perdu foi en l’être humain. Un spectacle à voir, pour public averti.