En 1913, Le Sacre du printemps, chorégraphié par Vaslav Nijinski au Théâtre des Champs-Élysées de Paris, a l’effet d’une bombe sur le milieu intellectuel et artistique de l’époque. Cent ans plus tard, l’ombre du legs de cet artiste plane encore… Génie de la danse du début du XXe siècle, Nijinski sombre dans la folie, à l’instar de grands créateurs dont l’œuvre est toujours déterminante.
S'inspirant des Cahiers du danseur, mais également de textes d'écrivains du XXe siècle (Artaud, Nietzsche, Beckett, Gauvreau, etc.), la proposition de Bernard Meney et Estelle Clareton réunit théâtre et danse. Les mots et les gestes, réminiscences déconstruites de fantasmes et bribes poétiques de fêlures, traduisent ici le vertige de la chute intérieure d’une icône de la modernité.
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Dramaturgie Isabelle Leblanc
Costumes Marilène Bastien
Conception des éclairages François Marceau
Conception sonore Éric Forget
Maquillages Angelo Barsetti
Activités parallèles
- Conférence et projection du film documentaire Vaslav Nijinski, une âme en exil en présence du spécialiste français et cotraducteur des Cahiers de Nijinski, Christian Dumais-Lvowski, le 22 octobre à 19 h;
- Discussion publique avec les artistes du spectacle et animée par Christian Dumais-Lvowski : le 24 octobre après la représentation;
- Exposition d'oeuvres de la collection des Impatients et s'inspirant de Nijinski dans le hall du Théâtre de Quat'Sous.
Une production de Danse-Cité
en collaboration avec Créations Estelle Clareton
et en codiffusion avec le Théâtre de Quat’Sous
par Geneviève Germain
Le danseur et chorégraphe russe Vaslav Nijinski a laissé sa marque dans le milieu de la danse grâce à sa virtuosité et à ses sauts exceptionnels. Il est également reconnu pour sa contribution à l’œuvre Le sacre du printemps d’Igor Stravinsky, un ballet révolutionnaire présenté en 1913 au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, lequel a suscité de vives réactions de la part des spectateurs. Artiste talentueux et novateur, Vaslav Nijinsky est aussi un homme qui sombre dans la folie en 1919, après une courte carrière d’à peine dix ans. Avant de basculer complètement, Vaslav Nijinski écrit plusieurs cahiers dans lesquels il transpose ses impressions et ses réflexions. Loin de la toute-puissance et du mythe de ses sauts, ses cahiers sont remplis de sentiments contradictoires, témoignant sans doute des premiers symptômes de sa schizophrénie.
Le texte de la pièce Je ne tomberai pas Vaslav Nijinski découle d’une adaptation des cahiers du danseur et aussi de citations d’autres écrivains du 20e siècle. Cet amalgame donne forme à une trame narrative qui n’en est pas une puisqu’il n’y a aucun chemin linéaire entre le début et la fin de l’histoire qui nous est présentée. Les phrases se suivent et se contredisent dans un discours déroutant et parfois chaotique. Évoquant par moment des images lourdes de sens, telle « je vais danser la guerre », et se ralliant à une forme résolument poétique, telle « on m’a dit que j’étais fou, je croyais que j’étais vivant », la dramaturgie d’Isabelle Leblanc peut perdre n’importe quel spectateur qui ne connaît pas les prémisses de la pièce ou le parcours de Nijinski. Ceci dit, le texte transmet efficacement toutes les idées contradictoires et les convictions éphémères d’un homme qui a peur de tomber, qui se sent tomber.
Dans sa propre mise en scène, Bernard Meney incarne Vaslav Nijinsky. Seul, ou encore si peu accompagné par des personnages sans noms et sans voix qui traversent momentanément la scène dénudée, l’ancien danseur et comédien interprète ce personnage avec force, sensibilité et constance. On croit à ses errements et à la lente déchéance de son esprit. Les mouvements sont toutefois minimalistes, mis à part quelques effusions de sauts, nous laissant un peu perplexes devant ce spectacle présenté par Danse-Cité. On tente de suivre le récit, de s’attacher au personnage, mais les paroles décousues, même si elles sont habilement livrées, nous font perdre le fil et du même coup notre intérêt. Il faudra attendre la quinzaine de minutes de la fin de la pièce pour finalement le voir danser, accompagné par les quatre personnages errants et muets dans une impressionnante chorégraphie contemporaine d’Estelle Clareton. S’il y a un véritable moment qui vaut tout le déroutement du début, c’est celui où la danse prend le dessus.
Alors que Nijinsky cherchait déjà en 1913 à bousculer les codes, l’équipe de création de Je ne tomberai pas Vaslav Nijinski a pris le risque de ne pas emprunter une forme convenue, ou attendue, pour témoigner du legs de cet artiste et de la folie qui le priva de son art. Dans une forme certes déconcertante, la pièce a le mérite de surprendre et de mettre en scène des interprètes fort talentueux. Il est toutefois fortement recommandé de se familiariser avec l’histoire de Nijinsky avant la pièce, le cas échéant l’incompréhension est quasi garantie.