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Du 27 octobre au 21 novembre 2014, mardi au jeudi 20h, vendredi 19h, samedi 16h dimanche 9 novembre 15h
Chaîne de montageChaîne de montage
LIRE L'ENTREVUE DE LINDA LAPLANTE
Texte Suzanne Lebeau
Mise en scène Gervais Gaudreault
Avec Linda Laplante

Un réveille-matin. Un grille-pain. Un ordinateur. Tant d’objets du quotidien qui ne révèlent que le silence d’une confortable routine. Un mutisme qui cache à l’intérieur tout un vacarme. Celui des usines qui fonctionnent nuit et jour, des machines qui frappent sans cesse, des femmes anonymes, abusées, martelées, anéanties.

Juarez est une ville frontière dans l’état de Chihuahua au Mexique, une ville hors normes, bastion des cartels de la drogue et un des points frontaliers les plus transités de la planète.

À la frontière du désert, des maquiladoras ont envahi le paysage. Ces usines d’assemblage, propriétés de grandes compagnies internationales, n’engagent pratiquement que des femmes. Ce triste spectacle de l’industrialisation sauvage en cache un autre. En 1993, à Juarez, on retrouve le corps d’une jeune fille à moitié enfoui dans le sable. Morte, violée, étranglée. Depuis, tous les jours, toutes les semaines on retrouve d’autres corps de jeunes filles, de jeunes femmes. On en a retrouvé plus de 400 en dix ans dans une impunité totale.

Par ce poème tragique, l’auteure Suzanne Lebeau porte avec lucidité le sort de ces femmes à notre conscience, laissant à chacun le soin de déterminer qui est le vrai coupable de cette machination perverse. Une œuvre bouleversante dont la puissance de l’écriture interroge notre monde.


Assistance à la mise en scène Marie-Eve Huot
Décor Stéphane Longpré
Costume Sarah Lachance
Lumière Dominique Gagnon
Environnement sonore Diane Labrosse
Voix Marcela Pizarro Minella
Coiffure et maquillage Pierre Lafontaine
Régie générale Nicolas Fortin
Direction technique Alexandre Brunet en collaboration avec Dominique Gagnon

Les Noctambules
Discussion animée par la journaliste Marie-Louise Arsenault, l’activité est un moment d’échange et de complicité entre les artistes, les spectateurs et certains invités spéciaux, sur les différents thèmes abordés dans le spectacle
6 novembre

L'heure du conte
Pour une sixième année, le Quat’Sous contribue à la vie culturelle des familles! Le dimanche après-midi, pendant que parents ou grands-parents sont à la représentation dans la grande salle, les enfants de 5 à 9 ans assistent à un spectacle de contes, donné par des artistes professionnels, dans la salle de répétition.
Activité gratuite pour les enfants des spectateurs
Réservation requise: 514 845-7277
9 novembre - Des contes de Suzanne Lebeau avec la comédienne Marie-Eve Huot

Une création du Théâtre de Quat’Sous et du Carrousel, compagnie de théâtre


Quat'Sous
100, ave. des Pins Est
Billetterie : 514-845-7277

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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Yanick Macdonald

Ciudad Juárez, ville frontière du Mexique, ville industrielle, ville pauvre, ville marquée par la violence, la prostitution et la disparition ou le meurtre de nombreuses femmes. Près de 400 corps de femmes ont été retrouvés en 10 ans, en ville ou dans le désert qui l'entoure, et cela dure depuis 1993, année de la signature de l'ALENA (coïncidences? questionne l'auteure). Depuis 2001, on ne retrouve plus de corps, mais les disparitions continuent. Une histoire d'horreur contemporaine, dont le monde occidental a parfaitement conscience, s'indigne parfois, mais ne fait rien pour l'empêcher. Au contraire, les usines continuent d'y être relocalisées parce que la main-d’œuvre y est abondante et peu chère.

Au Québec, une femme est hantée par ce qui se passe dans cette ville, par les femmes que Juárez dévore. Tout y ramène son esprit, tous les objets de son quotidien, peut-être manufacturés dans les maquiladoras de Juárez, ces usines pour femmes. « Aucun des objets n'est innocent, mais lequel est coupable? » se demande-t-elle... Sa conscience n'est pas tranquille, et la nôtre ne devrait pas l'être non plus, c'est du moins ce que semble à toute force vouloir nous faire comprendre la pièce de Suzanne Lebeau, mise en scène par Gervais Gaudreault.

L'auteure de Chaîne de montage, porte un regard plein de tendresse sur ces filles, entre 12 et 35 ans, que les policiers et les politiques mettent bien peu d'effort à retrouver. Sa réflexion porte le souffle du désarroi, un sentiment qu'elle communique bien au public, mais plus souvent sa pensée s'égare dans tellement de directions (les cartels, les snuff movies, la corruption, la société de consommation, Bombardier, le quotidien des ouvrières de Juárez, les villas des patrons, TripAdvisor...) que notre attention s'y perd totalement. Le style narratif choisi par l'auteure n'aide pas non plus à se sentir ému ou touché par le déversement ininterrompu de réflexions, de statistiques, de confidences et d'accusations. Véritable logorrhée, le discours fait feu de tout bois sans jamais trouver de prises solides et d’arguments frappants à même de secouer nos émotions. Les phrases courtes, la parole hachée... les idées passent à toute vitesse, aucune n’est approfondie. Si cela représente bien la pensée humaine papillonnant d’un sujet à l’autre, l'impact est à peu près nul chez le spectateur.

Un haut mur fait de bidons d'eau traverse la scène. Frontière faite d'objets manufacturés, ce mur qui bouche tout l'horizon est un rappel constant, mais peu subtil, du silence qui règne dans notre société de consommation sur les effets dévastateurs d’une demande de production toujours plus grande. Clin d’œil plus intéressant : quand le mur s'écroule, il le fait dans un fracas épouvantable, très loin du silence officiel qui entoure les disparues de Juárez.

Linda Laplante donne corps au monologue hachuré, par moments décousu, sa respiration épousant le rythme de la pensée de la femme. La comédienne a vraiment peu de matériel à sa disposition avec ce texte qui manque singulièrement de caractère, bien qu’il ne manque pas de bonnes intentions. On voudrait que le récit du cauchemar des habitants de Juárez soit insupportable, que cette violence exposée, mise à nu, énumérée, soit insoutenable, mais elle devient rapidement ennuyeuse. Chaîne de montage donne en effet la désagréable impression de vouloir nous enfoncer l'indignation dans la gorge en nous assénant des questions cent fois entendues sur la culpabilité occidentale et la responsabilité individuelle. Le ton est lourd, emprunté. Le texte se révèle pourtant touchant quand l'auteure délaisse le discours moralisateur contre les patrons, les gouvernements, les consommateurs et les entreprises multinationales pour se pencher sur la vie et la mort de toutes ces femmes. Le récit se fait plus personnel et résonne alors avec un peu plus de profondeur, hélas vite balayée par une compassion trop appuyée.

Chaîne de montage rate malheureusement sa cible, ne réussissant ni à indigner, ni à émouvoir. Le spectacle ne laisse aux spectateurs que le vague sentiment de s'être fait faire la leçon. On en sort plutôt résigné devant l'impossibilité de changer quoi que ce soit au sort injuste et cruel réservé aux femmes de Juárez.

01-11-2014