Au coeur de cette comédie cruelle, une troupe de théâtre joue et rejoue, dans un continuum abêtissant et interminable, un spectacle intitulé Le Royaume des animaux, dont l'action se déroule dans une steppe aride et impitoyable. Prisonniers de leurs étaux de poils et de plumes, les acteurs de la troupe s'affrontent dans les coulisses, ployant sous le poids de leurs rêves perdus avant d'être fauchés par l'industrie culturelle.
Aux commandes de cette mise en abyme du théâtre dans le théâtre, Angela Konrad explore le déclin de l'Art et la déchéance des rapports humains. La metteure en scène, qui s'est illustrée par ses univers absolus et sa franchise implacable, puise dans une forme narrative construite avec précision par l'auteur allemand Schimmelpfennig, reconnu un peu partout dans le monde pour sa grande dextérité dramaturgique. Derrière leur chaos animal, on assiste, avec une douloureuse tendresse, à une fable féroce et terriblement humaine.
Assistance à la mise en scène William Durbau
Décor Anick La Bissonnière
Costumes Linda Brunelle
Design ébénisterie Loïc Bard
Lumière Cédric Delorme-Bouchard
Conception sonore Simon Gauthier
Maquillages et coiffures Angelo Barsetti
Vidéo Catherine Béliveau, Jean Décarie et Kenny Lefebvre
Assistance aux costumes Marie-Audrey Jacques
Assistance à la scénographie Carol-Anne Bourgon-Sicard
Assistance lumière Juan Mateo Barrera Gonzalez
les vendredis - 5@7 Vendredi c'est Grilled-cheese !
15 septembre - Soirée des Noctambules
18 septembre - Activité L'Heure du conte
L'HEURE DU CONTE
Eve Landry
Pour une huitième année, le Quat’Sous contribue à la vie culturelle des familles! Pendant que vous assistez à la représentation dans la grande salle le dimanche après-midi, vos enfants, petits-enfants, filleuls ou neveux de 5 à 9 ans assistent à un spectacle de contes, donné par des artistes professionnels dans la salle de répétition. Le conte est suivi d’une pause-collation et se termine par une activité de bricolage animée par Dominique Loiselle.
Activité gratuite pour les enfants des spectateurs
Réservation requise
Avant la première 25$
En prévente jusqu’au soir de la première représentation de chacun des spectacles.
À compter de la première 36$
2 pour 1 - 36$
Les samedis et dimanches, selon les disponibilités, le soir même au guichet.
Groupe (10 et +) 21$
* Ajoutez 3$ pour les achats au téléphone et en ligne
Une coproduction du Théâtre de Quat’Sous et de LA FABRIK
Un article du quotidien français Libération mentionnait en 2002 que le dramaturge allemand Roland Schimmelpfennig fait partie d’une génération «qui joue à renverser le théâtre, pattes en l’air pour voir si ça bouge encore». Sans en dire autant pour la présente production montée au Théâtre de Quat’Sous, Le Royaume des animaux rugit suffisamment pour nous extirper de nos bulles de confort.
Dans le paysage québécois, l’univers de l’auteur a connu d’agréables rendez-vous avec Une nuit arabe à l’hiver 2007 au même Quat’Sous (avec Gaétan Nadeau) avec comme maître d’orchestre Theodor Cristian Popescu. Au Théâtre Prospero en 2014, Mireille Camier avait monté le très bon Le Dragon d’Or, traitant du sort des immigrants. Ici, sous la direction d’Angela Konrad, une matière aussi corrosive que celle du Royaume des animaux s’inscrit parfaitement dans la continuité des autres propositions théâtrales de sa compagnie LA FABRIK. Chacune d’entre elles témoignait d’une grande acuité (Variations pour une déchéance annoncée, Auditions ou Me, Myself and I, sans oublier son décapant Macbeth, inspiré par la « tradaptation » de Michel Garneau).
Adaptée en français par la metteure en scène et Dominique Quesnel, l’histoire focalise sur les conditions difficiles vécues par les interprètes, autant sur les plans physiques, émotifs que financiers. Pendant un peu plus de 90 minutes, le sixième art est exposé dans toutes ses misères et grandeurs d’artifice et de cruauté. Mais la gravité du propos laisse la place à des pointes d’ironie et de sarcasme tout au long de cette intrigue corrosive. Par ailleurs, l’humour noir empêche le récit de trop sombrer dans la démonstration manichéenne.
Les lumières s’éteignent. Gaétan Nadeau et Philippe Cousineau émergent d’une porte côté cour de la salle avant de prendre place sur la scène. Les deux acteurs se lancent quelques phrases anodines qui créent un certain malaise voulu par eux. Ils se déshabillent complètement, dos à nous, effectuent quelques étirements sans rien cacher de leurs bourrelets, revêtissent perruques et habits symbolisant des créatures de la faune (de jolis costumes de Linda Brunelle). Dans un procédé de mise en abîme, le public assiste alors au spectacle ironiquement intitulé Le Royaume des animaux, dans lequel ce tandem joue en compagnie de trois autres partenaires. L’action se déroule dans une steppe aride. Cousineau se réincarne sous nos yeux en zèbre plutôt inquiétant, tandis que Nadeau se transforme en lion loufoque. Surgissent successivement l’antilope (Marie-Laurence Moreau), la genette (Lise Roy) et un échassier des pays tropicaux (Alain Fournier). Le plateau baigne alors dans de superbes éclairages bleus qui évoquent l’atmosphère de certains opéras dirigés par le metteur en scène Robert Wilson.
Les textes ayant exploité la métaphore du règne animal pour expliciter les rapports de force et de domination entre les êtres ont souvent donné des résultats éblouissants. Le moraliste La Fontaine (avec ses fables) et l’écrivain socialiste Orwell (La Ferme des animaux) ont démontré avec clairvoyance la cupidité des individus. L’auteure québécoise Jovette Marchessault a revalorisé les injures injustement lancées aux bêtes par ses semblables dans des joyaux méconnus de notre dramaturgie (Les Vaches de nuit et La Saga des poules mouillées). Dans cet esprit, ce segment central de la production du Royaume des animaux, où le quintette est affublé d’habits de poils et de plumes, demeure le plus captivant. Grâce à des répliques acérées, les rires fusent. La langue truffée d’expressions très québécoises expose les revers d’un métier traitant parfois ses artisans comme des numéros interchangeables.
Par la suite, le ton change radicalement, comme un signe annonciateur de la fin de leur contrat. Dans son appartement, Frank (le zèbre) reçoit un metteur en scène (Éric Bernier). Celui-ci a une allure androgyne avec ses jeans noirs et ses cheveux longs. Curieusement, l’intérêt pour la pièce connaît alors une baisse de tension importante. Les lamentations de l’un et de l’autre ne possèdent pas l’intensité des instants précédents, en plus de tomber dans certains clichés et redites du genre. Dans Auditions, Konrad avait beaucoup mieux disséqué les couches de tensions et de frictions susceptibles d’exploser entre des artistes. Toutefois, c’est la seule faiblesse majeure de l’ensemble. Fort heureusement, le dénouement dévoile à la fois l’absurdité et le tragique de la situation. Visuellement, la métamorphose des acteurs en aliments et accessoires de cuisine rappelle l’esprit de certains tableaux de Magritte.
Les membres de la distribution (qui ont participé, sauf Bernier, à l’une ou l’autre des réalisations de Konrad) font preuve d’une grande audace. Gaétan Nadeau confère à son lion une verve très drôle et cabotine, alors qu’Alain Fournier et Philippe Cousineau montrent tous deux des facettes plus touchantes. Leurs deux camarades féminines, Marie-Laurence Moreau et Lise Roy, étonnent davantage par leurs compositions inattendues, ludique pour la première et très féroce dans l’expression de son désarroi pour la seconde. Moins présent, Éric Bernier joue lui aussi de manière crédible.
Accompagné de la musique très puissante de Wagner qui ajoute des dimensions de gravité et de violence, ce Royaume des animaux ébranle des certitudes et provoque certains frissons.