Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 9 au 21 janvier 2017, 19h30 sauf samedis 17h30
Auditions ou Me, Myself and I
Adaptation, conception et mise en scène Angela Konrad
Avec Stéphanie Cardi, Philippe Cousineau, Dominique Quesnel, Marie-Laurence Moreau, Lise Roy

Créé en janvier 2015 et présenté alors à guichet fermé dans la salle de répétition du Théâtre de Quat'Sous, Auditions ou Me, myself and I invite les spectateurs à assister à une audition fictive pour Richard III de Shakespeare. Celle-ci est menée par une metteure en scène dont les névroses finissent par égaler celles du personnage de la pièce. Assoiffée de pouvoir et investie d'un égo surdimensionné, elle finit par constituer l'obstacle majeur à sa propre création. Cherchant à séduire acteurs et actrices, n'hésitant pas à mener des intrigues et à étaler son savoir d'une façon contreproductive, elle finit par se suffire à elle-même après avoir massacré symboliquement un certain nombre d'acteurs et d'actrices.

Dévoilant sans fard les rouages de la création théâtrale, le catastrophique processus d'auditions révèle une judicieuse réflexion sur les rapports de domination et la quête de pouvoir.


Assistance à la mise en scène William Durbau

les vendredis - 5@7 Vendredi c'est Grilled-cheese !

Avant la première 25$
En prévente jusqu’au soir de la première représentation de chacun des spectacles.
À compter de la première 36$
2 pour 1 - 36$
Les samedis et dimanches, selon les disponibilités, le soir même au guichet.
Groupe (10 et +) 21$
* Ajoutez 3$ pour les achats au téléphone et en ligne

Une production de LA FABRIK en codiffusion avec le Théâtre de Quat’Sous


Quat'Sous
100, ave. des Pins Est
Billetterie : 514-845-7277

Youtube Facebook Twitter

Dates antérieures (entre autres)

Du 20 au 31 janvier 2015

 
______________________________________
            
Critique

critique publiée en 2015


Crédit photo : Marc-André Goulet

Ces jours-ci au Quat’sous, le public est convié dans un lieu duquel il est normalement exclu : la salle de répétition, cet endroit un peu mystérieux où les idées fusent et où les créations prennent forme entre les mains du metteur en scène et de son équipe. Dans la belle et lumineuse salle de répétition du Quat’sous, les spectateurs se font témoins attentifs et plutôt voyeurs d’un processus de création qui tourne rapidement à la tyrannie.

Une metteure en scène, Ricki (incarnée avec beaucoup de justesse par Dominique Quesnel), rêve de monter Richard III sur une grande scène. Richard III rêve aussi, il rêve d’abattre tous les obstacles dressés entre lui et la couronne. Ricki et lui sont prêts à toutes les bassesses pour réaliser leurs ambitions : courtiser, charmer… pour mieux manipuler, dominer, détruire. Metteure en scène et tyran s’enfoncent tous deux dans les dérives d’un vicieux jeu de pouvoir où l’exploitation de la vie des autres pour ses propres fins paraît toute naturelle.

Dominique Quesnel, pleinement en maîtrise de son personnage, magnétise les spectateurs, tout comme Richard fascine son entourage. Ricki domine d’abord son environnement et fait faire tout ce qu’elle veut à son équipe, puis, peu à peu, elle dérape, dépasse les limites, cherche à écraser, humilier, pervertir les gens autour d’elle jusqu’à ce que tous l’abandonnent à ses névroses, même sa mère, la laissant, enfin vêtue de ses atours royaux, régner seule sur une scène vide, un royaume déserté. Quesnel parvient même à émouvoir dans cette scène finale.

Après son étonnante reprise de La Cerisaie sous le titre Variations pour une déchéance annoncée en novembre 2013, la metteure en scène Angela Konrad s’attaque avec bonheur à l’une des pièces les plus montées du répertoire de Shakespeare. Avec cette adaptation libre de Richard III, dont elle signe aussi la conception et la mise en scène, Konrad joue habilement des différents niveaux de mise en abîme, allant jusqu’à faire jouer par un acteur le rôle d’une actrice nommée… Dominique Quesnel. À plus d’un moment, les frontières entre les personnages de Shakespeare, les personnages d’acteurs passés en audition et les acteurs eux-mêmes sont brouillées.

Le génie de cette production de la compagnie La Fabrik réside en effet dans le captivant et constant jeu de miroirs entre la fiction dans la fiction, et la réalité, qui miroite en périphérie. Ainsi, la cour perverse que livre Richard à Lady Anne, tout juste veuve (de la main même de Richard!), reflète parfaitement la cour que fait Ricki à la jeune actrice qui l’incarne pour la gagner au projet de création. La couronne, symbole ultime du pouvoir détenu par le roi sur ses sujets, traîne en salle de répétition. Et si Micki, l’acteur engagé pour jouer l’effroyable duc de Gloucester, est celui qui arbore le plus souvent ce signe de royauté, le réel maître du jeu se tient, comme dans la pièce, en marge de la scène, hors de la lumière des projecteurs, mais dictant gestes, émotions et paroles aux acteurs de l’histoire. Les parallèles sont encore plus captivants lorsque la mère de Ricki se présente en audition pour jouer Elizabeth, mère infortunée de Richard. Les scènes entre Lise Roy et Dominique Quesnel sont à l’image des échanges entre Richard et sa mère ; ce sont lors de ces scènes que Ricki et son pendant shakespearien se dévoilent le plus.

En plus de porter un regard aiguisé sur les relations de pouvoir entre les acteurs, comme matière première de la création, et le metteur en scène, en tant qu’ultime souverain, Konrad aborde par la bande les contraintes de la création elle-même : contraintes de temps, d’argent et de lieu, auxquelles sont confrontés les artistes, au point d’en venir à chercher un concept de création « qui ne coûte rien ». Celui derrière Auditions ou Me, Myself and I brille en tout cas de bien belles idées.

26-01-2015