Au cœur de l’hiver, dans une ambiance de cabaret, de vaillants artistes relèvent le défi de la lecture à vue de textes qu’ils n’ont jamais lus, accompagnés de musiciens qui se prêtent eux aussi au jeu de l’improvisation. Ensemble, tous marchent sur le fil délicat tissé par les lectures choisies au hasard.

Le combustible de ce happening brûlant est puisé dans une bibliothèque collective à ciel ouvert. Les résidents du quartier sont invités à déposer un livre dans l’une des boîtes installées dans les environs du théâtre. Neufs ou usagés, classiques ou pratiques, les ouvrages se transforment en terrain de jeu.

Tous les livres retourneront ensuite dans les boîtes à livres du quartier, prolongeant la rencontre en un dialogue continu entre le théâtre, la littérature et la ville.

À noter : il est impératif d’apporter un livre pour entrer!

Happening de lecture à vue mené par Christian Lapointe
Avec Mathieu Arsenault François Édouard Bernier, Sarah Berthiaume, Émilie Bibeau, Marie Brassard, Fabien Cloutier, Sébastien David, Evelyne de la Chenelière, Myriam de Verger, Sophie Desmarais, Frédéric Dubois, Alain Farah, Marie-Thérèse Fortin, Maude Guérin, Catherine Lalonde, Ève Landry, Antoine Laprise, Justin Laramée, Didier Lucien, Olivier Morin, Marcel Pomerlo, Elkahna Talbi, Inès Talbi Musique Stéphane Caron et Frédérick Desroches

Pour trois soirs de suite, du 24 au 26 janvier 2018, la scène du Quat’sous s’est à nouveau couverte de livres pour la 2e année du happening de lecture à vue Notre bibliothèque – À vos livres!

Crédit photos : Théâtre Blanc/Théâtre Quat'Sous

Au milieu d’une montagne de livres, dont plusieurs apportés par les spectateurs eux-mêmes, l’œuvre complète de Molière côtoie aussi bien de la psychopop que des livres de cuisine, la sélection du Reader’s Digest, la poésie de Ferron ou le roi boiteux de Ronfart. JK Rowling se frotte à Euripide tandis que des livres de voyage appellent le public sous d’autres cieux.

À la façon impromptue du cabaret littéraire, mais sans les tables ni les chaises, la coproduction du Théâtre Blanc (Québec) et du 140 (Bruxelles) offre un réjouissant cocon de lecture au cœur même des froides soirées d’hiver. En fond de scène, un feu de camp numérique et un sofa invitent à la détente. Les artistes défilent sur scène, à raison d’une demi-heure chacun; ils apportent leur touche et leurs couleurs à la sélection de livres et à leur lecture. Accompagnés par deux musiciens, qui improvisent à l’oreille ou répondent aux demandes particulières des lecteurs et lectrices, ils sont 24 à oser la lecture à vue au fil des soirées.

Tour à tour, les artistes se penchent sur la montagne de livres, le regard allumé par un titre, la curiosité titillée par une couverture, ou même la moue blasée face aux souvenirs de lectures scolaires obligatoires. Leurs mains se tendent, volontaires, plongent au cœur de cette montagne littéraire dont l’image ne peut que rappeler les tristes autodafés de l’histoire. Certains ne peuvent se limiter à quelques livres et en grappillent autant que leurs mains peuvent en attraper. D’autres s’attardent à chaque titre, laissant leur mémoire dériver au gré d’anecdotes. Tous se prêtent volontiers à l’exercice, malgré la nervosité inhérente à une première lecture, que ce soit la voix étranglée par l’émotion, comme l’auteure Sarah Berthiaume, ou l’esprit joueur, comme la comédienne Inès Talbi qui se lance le défi de toujours lire la page 24, peu importe s’il s’y trouve une image… ou la version allemande de Lettres à un jeune poète!

Notre bibliothèque, c’est l’occasion de lire ce texte qu’on se promet de lire depuis des années, de revenir sur ce roman qu’on n’a jamais terminé, de se plonger dans ces livres qu’on ne lira jamais… ou même de se moquer d’auteurs ou de styles qu’on n’apprécie pas. Ainsi, Fabien Cloutier s’offre du Euripide « pour pouvoir dire [qu’il a] joué du Euripide au Quat’sous » et du Molière « pour le plaisir d’haïr ça ». Mais même un lecteur aussi espiègle que lui se fait prendre au jeu de la bibliothèque, livrant pour terminer une lecture sentie et sensible du manifeste du FLQ.

L’ambiance en salle du Quat’sous est détendue, ouverte, les spectateurs y entrent et en sortent au gré des lectures, et on a bien envie, alors qu’on s’était dit qu’on n’y resterait que deux petites heures, de rester là jusqu’à la fin de ce trop court marathon de 12 heures. Les demi-heures sont inégales, tantôt portées par une lecture inspirée, tantôt abandonnées en cours de route par manque d’intérêt ou de pertinence. Mais le charme littéraire opère tandis qu’on se laisse bercer par le simple plaisir des mots.

26-01-2018