Un homme est alité, mourant. Il est encore jeune, à peine au début de la trentaine. Il veut être seul et que l’on ferme la porte. Il veut être seul pour recevoir la visite de la mort, être le seul homme à affronter la mort de son vivant et à la regarder en face. Il la connaît déjà au fond, il a vécu avec elle, en concurrence avec elle, lui offrant des milliers d’âmes sur les champs de batailles, dans les ruines des villes assiégées. Il veut lui raconter tout cela, lui dire qu’Alexandre le Grand n’est pas encore vaincu.
Il s’extirpe des draps de son lit pour dévoiler les pans de sa mémoire encore bruissante de souvenirs et de sensations. Mais la lumière éblouissante de sa chevauchée infinie et toujours assoiffée de nouveaux espaces comporte aussi sa part de noirceur. C’est l’ombre de la mort qu’il voit peu à peu envahir sa chambre.
Écrit en 2002, Le Tigre bleu de l’Euphrate se déploie en dix parties dans une langue aussi fiévreuse que maîtrisée dans sa précision, dans la force et la beauté de son éloquence et dans l’orchestration fine de ses motifs poétiques. Elle confère une voix singulière, intime et bouleversante à un homme déjà conscient de sa dimension mythique.
Texte Laurent Gaudé
Mise en scène Denis Marleau
Avec Emmanuel Schwartz
Crédits supplémentaires et autres informations
Collaboration artistique et conception vidéo Stéphanie Jasmin
Assistance à la mise en scène Carol-Anne Bourgon-Sicard
Scénographie Stéphanie Jasmin et Denis Marleau
Lumière Marc Parent
Musique Philippe Brault
Maquillage et coiffure Angelo Barsetti
Costumes LInda Brunelle
Assistance au décor Stéphane Longpré
Design sonore Julien Eclancher
Coordination et montage vidéo Pierre Laniel
Les mardis et vendredi 19h, mercredis, jeudis, 20h, samedis 16h
Avant la première 26$*
En prévente jusqu’au soir de la première représentation de chacun des spectacles.À compter de la première 36$*
2 pour 1 36$
Les samedis à 16h, selon les disponibilités. Pour en bénéficier, présentez-vous au guichet à partir de 15h.Groupe (10 et +)
Étudiants 21$
Adultes 23$
TARIFS SPÉCIAUX
L'autre et moi - 1 lecture 18$* 4 lectures 58$
Notre bibliothèque - À vos livres10$** Ajoutez 3$ pour les achats au téléphone et en ligne
ACTIVITÉS PARALLÈLES
Les discussions
Timides, passionnés ou curieux, vous êtes attendus juste après la représentation pour converser avec Olivier Kemeid et les artistes de la pièce à laquelle vous venez d’assister. Découvrez les anecdotes, mystères et réflexions qui ont jalonné le parcours créatif du spectacle.
À te regarder, ils s’habitueront 12 septembre
Sous la nuit solitaire 21 novembre
La déesse des mouches à feu 13 mars
Le Tigre bleu de l’Euphrate 1er mai
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Pour une neuvième année, le Quat’Sous s’engage à favoriser la vie culturelle des familles ! Pendant que vous assistez à la représentation dans la salle le samedi après-midi, vos enfants, petits-enfants, filleuls ou neveux de 5 à 9 ans assistent à un spectacle de contes. Celui-ci est suivi d’une pause-collation et se termine par une activité de bricolage animée par Dominique Loiselle.
À noter : pour la saison 17/18, l’activité a maintenant lieu le samedi après-midi.
À te regarder, ils s’habitueront 16 septembre avec Sylvain Rivard
La déesse des mouches à feu 17 mars avec Marie-Christine Lê-Huu
Le Tigre bleu de l’Euphrate 5 mai avec Mireille Tawfik
Activité gratuite pour les enfants des spectateurs
Réservation requise
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Les penseurs nocturnes
Participez à une discussion chaleureuse animée par notre directeur artistique dans laquelle fusent les bonnes idées, les avis précieux, les angles inédits. Ce sera l’occasion d’approfondir les thèmes abordés dans le spectacle grâce à des invités spéciaux qui aiguiseront notre regard sur le monde.
À te regarder, ils s’habitueront 19 septembre
La déesse des mouches à feu 20 mars
Le Tigre bleu de l’Euphrate 8 mai
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Les 5 à 7 du vendredi
Dans l’ambiance d’un 5 à 7 bien décontracté, célébrez la fin de la semaine et échangez avec artistes, amis et collègues à la bonne franquette. Et si l’esprit est vif et aiguisé, mais que le ventre est vide, l’équipe du Quat’Sous vous propose quelques petites gourmandises à grignoter.
Tous les vendredis, les soirs de représentations
Une coproduction du Théâtre de Quat'Sous et de UBU, compagnie de création
Critique et public louent régulièrement le grand talent d’acteur d’Emmanuel Schwartz, lui qui recevait en 2017 un prix des critiques pour son interprétation de Tartuffe au TNM.
Son interprétation d’Alexandre le Grand dans Le tigre bleu de l’Euphrate ne vient que confirmer que l’acteur se classe dans une catégorie à part. Il brûle les planches du Théâtre de Quat’sous dans cette adaptation du texte de l’auteur français Laurent Gaudé. Denis Marleau, qui signait aussi l’adaptation du Tartuffe, offre à son unique interprète un plateau de choix.
« Qu’on scelle cette porte et me laisse en paix. J’ai un invité d’exception. » Ainsi Alexandre, grand conquérant et bâtisseur d’empires, chasse-t-il son entourage loin de sa couche où, il le sait, se terminera bientôt son existence. Mais Alexandre accueille la mort presque en amie, espérant qu’elle mettra un terme à cette faim inextinguible qui le transperce et le guide depuis sa naissance.
Pendant cette lente et douloureuse agonie, l’homme se remémore ses victoires, ses ennemis, ses combats et les visages qui ont marqué sa marche triomphante vers l’Asie. Schwartz donne corps au désir insatiable qui flambe en Alexandre, tout son être parcouru par une tension constante qui tantôt l’écrase au sol, tantôt le grandit. Avec lui, on est projeté toujours plus loin sur la route des conquêtes.
Le texte de Gaudé ne se veut pas un récit historique, mais sa poésie revisite à sa manière les grandes étapes de la vie du conquérant. On respire avec Alexandre les vents chauds et parfumés de Babylone, on entend les clameurs du combat, on voit fuir l’ennemi… Finement dirigé par Marleau, Schwartz déploie une véritable force d’évocation qui nous transporte bien au-delà des murs de toile et de la couche à laquelle est cloué le guerrier.
Sur les murs s’esquissent les paysages parcourus par Alexandre et son armée grâce à de subtiles projections de Stéphanie Jasmin. Leurs contours nous échappent constamment, comme la force vive file entre les doigts de plus en plus faibles de l’agonisant. Les mains de celui-ci agrippent, se crispent, se tendent ou s’échouent dans les draps au fil des réminiscences. Schwartz incarne dans son corps aussi bien que par sa voix tout ce qui se presse en Alexandre au moment de rencontrer la mort, le corps dévoré par une fièvre immense. Il fait de la figure mythique un homme, aussi bien le monstrueux tyran porté par l’ambition et la revanche que l’être sensible en proie au doute et en quête de repos.
Fiévreux, exalté ou déjà englué dans l’inéluctable froideur de la mort, Emmanuel Schwartz livre un combat remarquable. La présence vibrante de l’acteur et sa parole aux rythmes et phrasés modulés par le récit donnent chair non seulement au personnage, mais aussi à tous ceux qui croisent sa route, et même à la mort à qui il se confie aussi bien qu’il la défie.
Spectacle exigeant, Le tigre bleu de l’Euphrate fait brillamment résonner les mots de Gaudé et donne vie à un personnage plus grand que nature en le présentant tel qu’il est, humain, vulnérable, avec ses peines, ses regrets et sa peur de la mort, de l’oubli, face à une dernière conquête qu’il ne peut gagner.
29-04-2018