En 1988 Lorraine Pintal a écrit, mis en scène et interprété Madame Louis 14, un solo théâtral dans lequel elle devient la marquise de Maintenon qui nous raconte les grands moments de sa vie. Née Françoise d’Aubigné (1635-1719), le parcours de cette femme est remarquable : issue de petite noblesse, sans richesse, elle devient la tutrice des enfants de Louis XIV, ensuite sa maîtresse, puis son épouse. Françoise d’Aubigné voit le jour en prison, avant d’être recueillie par une tante qui la fait éduquer dans les couvents de l’époque. À seize ans, elle rencontre l’écrivain humoriste Paul Scarron et accepte de l’épouser. Madame Scarron tient salon, se cultive en rencontrant les amis artistes de son mari, agrandit son réseau de relations et tisse des liens avec une autre Françoise, Madame de Montespan, qui pense à elle comme gouvernante des enfants illégitimes du Roi. Elle acquiert par la suite les titres et le château de Maintenon où elle élève les bâtards royaux. En avril 1683, elle épouse secrètement le roi de France et de Navarre, à l’époque « le plus grand roi du monde ». Elle finira ses jours à Saint-Cyr, l’école pour jeunes filles qu’elle a fondée afin que les femmes acquièrent un savoir, condition essentielle dans un rapport éclairé au pouvoir.

Lorraine Pintal a créé un nombre impressionnant de spectacles de théâtre, mettant en scène des œuvres du répertoire québécois ou classique, en passant par les textes contemporains. Aussi réalisatrice à la télévision, metteure en scène au théâtre et à l’opéra, animatrice à la radio et comédienne, Lorraine Pintal assure la direction générale et artistique du Théâtre du Nouveau Monde depuis 1992. La création de Madame Louis 14, en 1988, a fait date par l’originalité de son sujet. À l’époque, non seulement Lorraine Pintal avait elle-même écrit, joué et mis en scène cette œuvre, mais elle avait su s’entourer d’une équipe de concepteurs pour lui donner une esthétique où s’alliaient à merveille les éclairages, la scénographie, les costumes et le son. Après un impressionnant succès critique, le spectacle a tourné en France et au Canada. Une vingtaine d’années plus tard, Denise Filiatrault fait preuve d’audace en invitant Lorraine Pintal à reprendre son rôle de Madame Louis 14 au Théâtre du Rideau Vert. Personnage important de son époque, la marquise de Maintenon dépeint les rapports entre les femmes et le pouvoir à travers le récit de son destin exceptionnel, au cœur de l’histoire de France.

par Olivier Dumas

Crédit photo : François Laplante Delagrave

Entre ses mises en scène remarquées au TNM, institution théâtrale qu’elle dirige depuis les années 1990, et sa voix que l’on peut entendre à la radio tous les dimanches, Lorraine Pintal a mis en veilleuse ses talents de comédienne et d’auteur. Pour son retour sur les planches du Rideau Vert, la grande dame du théâtre nous surprend agréablement avec la reprise de Madame Louis XIV.

Créé à la salle Fred-Barry en 1988 par le Théâtre de la rallonge, le solo écrit, joué et mis en scène par  la polyvalente artiste avait laissé une très forte impression à l’époque. À tel point que Denise Filiatrault lui a demandé de le reprendre près de 25 ans plus tard. Encore une fois, il faut lui reconnaître son flair pour faire revivre certains trésors du passé.

Dans cette pièce de 80 minutes, le public assiste aux confidences de la marquise de Maintenon. Le personnage hors du commun a été le témoin privilégié d’une époque fastueuse de l’histoire de France à l’aube du Siècle des Lumières. Née Françoise d’Aubigné, cette femme pauvre, née dans une prison, devient la tutrice des enfants de Louis XIV, pour ensuite partager son lit et devenir son épouse. Auparavant, à l’âge de seize ans, elle se marie au vieil écrivain Paul Scarron, une union qui lui permet de rencontrer plusieurs artistes et gens influents qui, petit à petit, l’amèneront dans les bras du « plus grand roi du monde ».

Pour le théâtre québécois, la décennie 1980 a été une période charnière quant à l’émergence de différents spectacles solos où la parole et le geste se déployaient librement dans une virtuosité artistique qui n’ont rien perdu de leur intérêt en 2011. Par ailleurs, leurs univers musicaux ne craignaient ni l’expérimentation ni l’audace. Les effets sonores imaginés par Philippe Ménard pour la première version de Madame Louis XIV, reconstituée par Simon-Pierre Gourd, interviennent de manière ingénieuse afin de donner ici et là du relief au monologue. Avec un plafond de scène en miroir, installée à 45 degrés, et quelques accessoires symboliques, la scénographie recrée un équilibre harmonieux entre l’infinie solitude d’une femme et la luxueuse évocation d’un milieu faste et voluptueux. Avec sa perruque volumineuse, son visage poudré et sa toilette sophistiquée, la protectrice de Lafontaine et Molière demeure l’une de ces figures intrigantes et inspirantes pour les passionnés d’histoire et des costumes d’époque.

Crédit photo : François Laplante Delagrave

La mise en scène solennelle du spectacle constitue une étonnante surprise alors que Lorraine Pintal nous avait habitués ces dernières années à des univers plus contemporains aux langages plus éclatés (particulièrement les œuvres de Réjean Ducharme ou de Claude Gauvreau). Dans cette mise à nu passionnelle, le récit est découpé en douze segments comme autant de confessions d’amour à fleur de peau auxquelles Lorraine Pintal sait rendre toute la teneur charnelle. À cette réussite visuelle, s’ajoute un texte d’une poésie frémissante qui s’écoute avec sensibilité et recueillement.

La seule petite réserve de cette brillante production demeure le ton déclamatoire parfois trop linéaire de la comédienne. Peut-être dans un trop grand désir de démontrer et rendre crédible l’élévation sociale de cette aristocrate érudite et raffinée, les phrases sont prononcées avec beaucoup d’emphase et sans grandes nuances. L’émotion y perd donc parfois au détriment des effets dramatiques.

Un quart de siècle après sa création, Madame Louis XIV demeure l’une des ces expériences théâtrales fortes et puissantes qui nous habitent longtemps après la tombée du rideau. Le retour sur scène de la directrice artistique du TNM laisse espérer d’autres belles aventures.