Madeleine et Antoine Villardier conversent plaisamment dans le coquet salon de leur hôtel particulier. À la veille de Noël, ils font l’inventaire des cadeaux qu’ils ont choisis pour leurs invités. Tout est prêt pour un agréable réveillon entre amis lorsque soudain... Malédiction! Madeleine se rend compte qu’elle a un invité en trop ou qu’il lui en faut un de plus, faute de quoi ils seront treize à table.
Pour conjurer le sort, elle cherche éperdument une solution, tout en sauvegardant, il va de soi, les bons usages. Elle s’évertue ainsi à trouver un invité ou à en décommander un, mais chaque fois qu’elle croit avoir réussi, le hasard chambarde ses plans… jusqu’à ce que survienne inopinément une volcanique romancière sud-américaine née à Shanghai.
Si ce boulevard écrit par Marc-Gilbert Sauvajon il y a plus de 50 ans s’est inscrit au répertoire, il le doit à sa mécanique impeccable et à sa vivacité dramatique exemplaire. Treize à table est fréquemment reprise et a été reconnue par la critique comme une comédie d’une grande qualité avec ses dialogues pétillants comme le champagne dont s’abreuvent sans modération les convives des Villardier en cette veille de la Nativité. Dans un style plein de vivacité qui ne perd jamais l’humain dans la mécanique théâtrale, le metteur en scène Alain Zouvi met en valeur un art particulier qui nécessite abattage, vérité, contrôle. Avec des comédiens expérimentés comme Linda Sorgini, Carl Béchard, Frédéric Desager, Évelyne Rompré, Karine Belly, Normand Carrière et Guillaume Champoux, le rire sera au rendez-vous car la comédie parisienne Treize à table exige précision, virtuosité et métier.
Assistance à la mise en scène Pascale D'Haese
Décors Geneviève Lizotte
Costumes Elen Ewing
Éclairages Luc Prairie
Musique originale Christian Thomas
Accessoires Alain Jenkins
Maquillages Suzanne Trépanier
Coiffures Pierre Lafontaine
Mardi au vendredi 20h
Samedi 16h et 20h30
Une production du Théâtre du Rideau Vert
par Marie-Pierre Bouchard
Trinquer à treize
Une dramaturgie truffée de malentendus autour d’une bagatelle, des personnages aux traits caricaturés et grossis à la loupe, un feu roulant de dialogues comiques et des cachoteries qui éclatent au grand jour. Grâce à la qualité exceptionnelle d’une distribution qu’il a soigneusement choisie, Alain Zouvi s’offre une partie de plaisir pour sa troisième mise en scène et nous propose, par le fait même, un spectacle impeccable où esclaffements et quiproquos sont à l’honneur.
Il n’y a pas lieu de débattre autour de l’idée selon laquelle la comédie serait considérée comme un genre moins ceci ou plus cela. Treize à table s’inscrit dans la tradition du théâtre de boulevard parisien, mais il s’agit aussi d’une pièce de répertoire fréquemment reprise depuis sa création en 1953, en raison de la qualité remarquable de sa dramaturgie et de ses dialogues.
Bien que le genre soit ici parfaitement assumé, Alain Zouvi parvient pourtant à amener sa troupe un peu plus loin dans l’excès sans dénaturer l’oeuvre. Il en résulte une mise en scène juste assez éclatée, frôlant les limites de l’extravagance loufoque. Il va sans dire qu’il s’agit là d’un spectacle exigeant pour les acteurs - et quels acteurs! Zouvi explique avoir choisi les comédiens parce qu’il aime chacun d’eux profondément, d’abord, mais aussi parce qu’ils ont tous un talent rare pour briller malgré les conditions rigoureuses qu’exige ce type de comédie. S’il leur impose un rythme soutenu et une cadence sans le moindre temps mort, il les dirige avec brio, manifestement, car pendant près de deux heures, ils sont littéralement en feu et nous en mettent plein la vue.
Méconnaissable en bourgeoise extravertie et superstitieuse, Linda Sorgini exprime ici le paroxysme de son potentiel comique, mimiques et perruque en prime, sans décrocher un seul instant de l’accent parisien plus que pointu des années cinquante. Carl Béchard, avec sa démarche souple et élégante, est parfait en gentleman raffiné et apparemment sans histoire; d’abord un peu effacé sous l’exubérance de son épouse, il se révèle finalement sournois comme un chat! Évelyne Rompré est absolument époustouflante en jeune femme de la haute société complètement bourrée: du bonbon! Frédéric Desager est tout aussi génial et désopilant dans le rôle de l’ami médecin bon vivant. Finalement, Anne Casabonne campe efficacement son rôle de mystérieuse Sud-Américaine avec toute la sensualité qu’on lui connaît, malgré une certaine difficulté à maintenir avec constance son mélange d’accents espagnol et parisien. Les scènes entre Casabonne et Béchard sont délectables de fluidité, comme s’ils se livraient à un tango en guise de duel.
La pièce se déroule en temps réel dans un lieu unique, et les personnages évoluent donc dans un seul décor, contrainte de plus en plus rare au théâtre et qui peut s’avérer passablement ennuyeuse. Mais la vivacité de la mise en scène permet d’oublier ce détail. Par ailleurs, on a aussi droit à d’intéressants tableaux humains sur le plan visuel, notamment les vêtements noir et blanc classiques portés par tous les personnages et qui contrastent avec le rouge voluptueux dont est vêtue la torride étrangère incarnée par Casabonne.
Ainsi, la superstition insignifiante autour du chiffre 13 permettra pourtant de lever le voile sur quelques infidélités et un épisode insoupçonné du passé. Le texte est vif, parfois redondant, mais ainsi va la convention de ce type de comédie. Le public s’amuse ferme, même en sachant que ça va finir en queue de poisson.
Pour le divertissement et le plaisir de voir des comédiens chevronnés s’en donner en coeur joie, joignez-vous au banquet! Treize à table arrive d’ailleurs à point pour se mettre dans l’ambiance des Fêtes, alors que le champagne coule à flot dans ce réveillon où les invités ont un esprit festif hors du commun.