La vie bouscule parfois le théâtre. À la mi-août, le TNM s'est vu dans l’obligation d’annuler les représentations du spectacle La Douleur de Marguerite Duras, mis en scène par Patrice Chéreau, en raison des problèmes de santé de la comédienne française Dominique Blanc.
Patrice Chéreau, réputé comme l’un des metteurs en scène de théâtre et d’opéra les plus importants sur la scène internationale actuelle, est aussi comédien d’exception et présente des lectures-spectacles à travers le monde. Touché par la condition fragile de sa comédienne Dominique Blanc et par le vide que son absence allait créer sur la scène du TNM, Patrice Chéreau a accepté de venir interpréter Coma de Pierre Guyotat, un ouvrage autobiographique paru aux éditions du Mercure de France en 2006 qui évoque les angoisses existentielles de la création, de l’écriture et de la dépression.
Photo : Ros Ribas
Le cinéma de Patrice Chéreau du 25 au 28 octobre
La Reine Margot jeudi 25 octobre à 19 h 15
Intimité vendredi 26 octobre à 17 h
Son frère samedi 27 octobre à 16 h
Persécution samedi 27 octobre à 18 h
Gabrielle en présence du cinéaste dimanche 28 octobre à 18 h
Également le documentaire
Une autre solitude, de Stéphane Metge, le dimanche 28 octobre à 16 h
En direct du TNM, Catherine Perrin rencontre Patrice Chéreau et lance les États généraux sur la culture : à quoi ça sert les artistes?
Mercredi 31 octobre dès 9h, devant public, à la Première Chaine de Radio-Canada
Sur scène, Lorraine Pintal s'entretient avec Patrice Chéreau, avec une période d'échanges avec le public
Jeudi 1er novembre à 11h30, entrée libre
1 h 30, sans entracte
par David Lefebvre
Cet automne, le Théâtre du Nouveau Monde a l’insigne honneur d’accueillir en ses murs un grand homme de théâtre, d’opéra et de cinéma contemporain, Patrice Chéreau. Dans son désir de transmettre et de partager la parole magnifique d’immenses auteurs, dont Dostoïevski et Duras, le comédien et metteur en scène français invite le public à découvrir ici les mots de Pierre Guyotat, à travers un récit introspectif intitulé Coma. Cette histoire, largement autobiographie, aborde la dépression sévère de l’auteur au début des années 80, ainsi que sa sensation de perte de liberté. Entre les désirs de voyager, les moments d’internement en hôpital psychiatrique et la dépendance à certaines pilules, il se voit littéralement en communication avec l’univers, les animaux, l’humanité ; il réfléchit sur l’importance de la création et sur cette langue qui finit par le dépasser. Puis, épuisé par ses moments d’écriture compulsive et son état dépressif, il sombre dans un coma, duquel il finira par s’extirper ; une lente remontée des enfers.
Il est donc aisé de comprendre pourquoi Patrice Chéreau a choisi de porter Coma à la scène. Ce texte, que Guyotat fait rédiger en le dictant durant sa convalescence ou peu après, est empreint d’une oralité nette, palpable. Au travers des fragments de souvenirs, de rencontres, de voyages, d’expériences, de solitude et de rêves, on navigue en pleine « crise existentielle et littéraire », vers une quête de l’absolu.
Fatale, peut-être ; nécessaire, assurément.
Coma, dont la mise en scène est signée par Thierry Thieû Niang et qui fut rarement présenté depuis sa création, se veut hybride, soit entre la lecture et le jeu. Sur une scène totalement nue, hormis une chaise, et éclairée presque faiblement, Chéreau joue autant Guyotat qu’il le lit, texte toujours en main. S’il hésite lors de son entrée, aux abords du cercle de lumière, il occupe ensuite avec une aisance de plus en plus tangible l’ensemble du plateau. Cette lecture théâtralisée, particulière et dépouillée, presque pure dans son essence, crée une rencontre unique entre le public, Patrice Chéreau et le texte. On se laisse porter par ce récit fragmenté, à la poésie organique, aussi simple qu’intense, emplie de souffrance. Pourtant, même si certains passages font éclater notre imagination et nous happent plus ardemment, la lecture se veut quelques fois pesante, dense, voire assommante. Est-ce à cause de la langue singulière et sombre de Guyotat?
Ou alors celle de la forme du spectacle, qui, chevauchant deux styles différents, n’arrive pas à émouvoir ou à accrocher comme elle devrait le faire?
D’une touchante vulnérabilité, Coma est la quête d’un auteur de quelque chose d'ultime, qui livre bataille à la dépression et à la mort et qui en réchappe. Un combat mené contre et pour l'art tout à la fois, de la torture qu'elle provoque jusqu'à la rédemption qu'elle procure.