Des femmes qui souhaitent sincèrement élever leur esprit par la fréquentation de la littérature se font embobiner par de minables écrivassiers… L’imposture intellectuelle : pour son premier Molière, voilà un sujet de comédie qui ne pouvait que plaire à Denis Marleau, dont on connaît l’humour excentrique, la rigueur de pensée et l’audace technologique… Pour cette production, aussi contemporaine que les idées de Molière en son temps, créée à l’été 2012 au Château de Grignan — où a vécu Madame de Sévigné, grande admiratrice de la pièce — le metteur en scène s’adjoint la complicité de virtuoses dont Carl Béchard, Henri Chassé, Sylvie Léonard et, en Philaminthe, la toujours renversante Christiane Pasquier.
Que faire contre une mère entichée d’un pseudo-poète et qui veut, en plus, vous le faire épouser ? C’est le problème d’Henriette, que sa mère, l’impérieuse Philaminthe, veut marier à Trissotin, un vieux scribouilleur de sixième ordre vaguement repoussant. Henriette se sent perdue au sein des femmes de sa famille qui ont rejeté les bons plaisirs de la vie au profit de félicités intellectuelles de qualité douteuse. Car, en plus de sa mère, elle a contre elle sa soeur Armande et sa tante Bélise — une délirante fêlée qui ne veut rien savoir des hommes tout en étant persuadée qu’ils sont tous épris d’elle. Et Chrysale, son père, plutôt mou, a depuis longtemps baissé les bras… Fourberies, cocasseries, tartufferies, rien ne nous sera épargné !
Maquillage et coiffure Angelo Barsetti
Assistance mise en scène et régie Martin Émond
Musique Denis Gougeon
CollaboratriceStéphanie Jasmin
Costumes Ginette Noiseux
Éclairages Marc Parent
Photo Stéphanie Jasmin, Olivier Schmitt
1 h 50, sans entracte
En tournée au Québec
- Mardi 13 novembre, salle Albert-Rousseau, Québec
- Vendredi 16 et samedi 17 novembre, Maison de la culture de Gatineau
- Vendredi 23 novembre, salle Desjardins-Telus, Rimouski
- Mardi 27 novembre, salle André-Mathieu, Laval
- Jeudi 29 novembre, Centre culturel de Drummondville
- Mardi 4 décembre, salle Maurice O’Bready, Sherbrooke
- Mardi 11 décembre, salle J.-A. Thompson, Trois-Rivières
Une coproduction Ubu compagnie de création, Les Châteaux de la Drôme, Le Manège.Mons/Centre dramatique.
Dates antérieures
Création - du 28 juin au 18 août devant la façade du Château de Grignan, en France
par Olivier Dumas
À première vue, l’association entre Denis Marleau et Molière paraît étonnante. Présentée au Théâtre du Nouveau Monde après un séjour fructueux en France, la production des Femmes savantes se veut un divertissement léger, mais de haute tenue.
L’auteur du Malade imaginaire et des Précieuses ridicules constitue une valeur sûre pour l’institution de la rue Sainte-Catherine. Seulement dans les dix dernières années, plusieurs de ses pièces (toujours les plus connues) ont vu à un moment ou l’autre une relecture, parfois surprenante (l’excellente École des femmes l’an dernier en début de saison, sous la houlette d’Yves Desgagné), parfois plus traditionnelle dans leur approche de ce répertoire classique du 17e siècle. Il n’y a pas que le TNM qui apprécie les qualités indéniables de la plume de Molière : le Théâtre Denise-Pelletier et le Festival Juste pour rire, entre autres, ont régulièrement puisé dans le corpus du très apprécié dramaturge. Par contre, on peut se poser une question fort pertinente, à savoir cette figure emblématique du théâtre français n’est pas trop souvent montée au détriment d’autres écrivains qui jettent un regard aussi pertinent sur la société et le monde. Mais ceci est une autre histoire.
Écrite en 1672, soit un an avant sa mort, l’avant-dernière œuvre du satiriste représente l’une de ses plus achevées, mais pas nécessairement sa plus intéressante d’un regard contemporain. Moins pétillante que Les Précieuses ridicules dont elle reprend en partie le canevas, et moins dynamique que Les fourberies de Scapin, la pièce Les femmes savantes n’a tout de même pas pris une ride avec sa raillerie mordante. Entre les mains de Denis Marleau, elle est transposée dans l’esprit champêtre de la France des années 1950. Un contraste saisissant pour le maître d’œuvre de la compagnie, plus reconnu pour ses univers sombres et pervers (Thomas Bernard, les tragédies shakespeariennes).
Avec ses robes fleuries conçues par Ginette Noiseux, ses chapeaux, ses vespas et sa fontaine où les différents personnages jouent avec l’eau à plusieurs moments durant le spectacle, le décor devient le lieu d’un amusant ballet verbal. Le parti-pris résolument féministe du metteur en scène semble un choix audacieux en songeant au texte qui ne ménage pourtant pas les travers de ces pédantes enragées par la grammaire et les sciences ; plane l’ombre de Simone de Beauvoir avec sa révolution entamée avec Le deuxième sexe durant la même période de transposition de l’histoire.
Pendant près de deux heures, les répliques savoureuses fusent, dominent le haut du pavé dans une atmosphère plus de la musique de chambre que la symphonie tonitruante. Jamais le public ne s’ennuie devant ce feu roulant d’action soutenue également par des projections jolies en arrière-scène, souvent la façade d’un château ou les détails d’une robe, mais qui n’apportent pas grand-chose à la proposition. Le spectacle bénéficie surtout d’une distribution de grand talent, d’égales valeurs et à la diction parfaite. La prononciation ne fait jamais défaut. Parmi les brillantes interprétations, mentionnons la verve et l’exubérance contagieuse de l’échevelé poètereau incarné par un Carl Béchard en grande forme. Henri Chassé dévoile une fois de plus la finesse de son jeu en Chrysalde. Avec son illustre talent pour la comédie, Sylvie Léonard rend sa Bélise savoureuse alors que Christiane Pasquier explore une fois de plus son côté impérial. Noémie Godin-Vigneau fait ressortir avec sensibilité les dilemmes d’une romantique prise entre l’amour et la raison.
La trame sonore composée par Denis Gougeon, figure marquante de la musique contemporaine québécoise, se révèle toujours excellente et agréable pour les oreilles. Elle s’inspire des airs entendus à l’époque de la création de la pièce. Une belle découverte!
Après l’enchantement médiatique à sa création aux Fêtes nocturnes de Grignan à Drôme en juin dernier, la production des Femmes savantes amorce agréablement la nouvelle saison du TNM.