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Du 11 mars au 5 avril 2014 + supplémentaires 9-10-11 avril
AlbertineAlbertine, en cinq temps
Texte de Michel Tremblay
Mise en scène Lorraine Pintal
Avec Émilie Bibeau, Lise Castonguay, Lorraine Côté, Éva Daigle, Monique Miller, Marie Tifo

Il y a trente ans, Michel Tremblay a écrit un des grands textes du théâtre contemporain en plaçant face à elle-même une femme aux différents âges de sa vie. Entre l’Albertine de trente ans désemparée d’avoir presque battu à mort sa fille de onze ans et celle de soixante-dix ans qui, apaisée, entre en foyer d’accueil, Tremblay trace cinq lignes de vie pour dessiner l’arc de toute une existence déchirée entre la culpabilité et la rage. Dans l’atmosphère suspendue du crépuscule — entre les flamboyances du couchant et le lent lever de la lune pourpre d’été — les Albertine, inspirées par l’écoute attentive de leur sœur Madeleine, nous livrent la cantate de leur propre vie transfigurée par l’âpre lyrisme d’une langue à la fois terrible et caressante.

Lorraine Pintal voulait depuis longtemps mettre en scène ce chef-d’oeuvre de notre dramaturgie afin de montrer toute la lumière qui émane du trajet de cette femme qui, en accédant à la conscience de son propre destin, saisit tout le tragique de la condition humaine. En réunissant pour cette oeuvre chorale des comédiennes de Québec et de Montréal, elle a assemblé une fabuleuse distribution emportée par la présence souveraine de Monique Miller.


Costumes Sébastien Dionne
Scénographie Michel Goulet
Éclairages Denis Guérette
Maquillage Jacques-Lee Pelletier
Assistance à la mise en scène Bethzaïde Thomas
Photo Jean-François Gratton / une communication orangetango

Durée 1h50 sans entracte

Aussi présenté au Trident à Québec du 14 janvier au 8 février 2014

Une coproduction du Théâtre du Trident et du TNM


TNM
84, rue Sainte-Catherine Ouest
Billetterie : 514-866-8668

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 Critique
Critique

par Sara Fauteux


Crédit photo : Yves Renaud

Monter Albertine en cinq temps aujourd’hui, c’est aborder un personnage dont les chroniques du Plateau Mont-Royal et les quelques 150 mises en scène de la pièce nous ont révélé toutes les facettes. Les enjeux de la pièce sont en effet tellement clairs qu’il n’y a nul besoin de l’actualiser pour qu’on ressente l’universalité du destin tragique de cette femme.

Dans cette mise en scène de Lorraine Pintal qui reprend l’intégralité du texte et réactive la langue si particulière de Tremblay, l’impuissance d’Albertine nous parle d’une époque bien sûr, mais aussi d’une condition humaine qui nous apparait encore comme cruellement pertinente.

Impressionnante et magnifique, la partition de Tremblay présente le personnage d’Albertine à différents moments de sa vie, parvenant ainsi très habilement à explorer la profondeur de sa détresse et de sa rage. Il est fascinant de se voir devenir le témoin de ces femmes, une Albertine heureuse à cinquante ans, une Albertine blasée et acerbe à 60 ans, une Albertine enragée, impuissante à 40 ans, une Albertine apeurée et tristement résignée à 30 ans… À 70 ans, Albertine jette sur ces femmes un regard parfois amusé, parfois douloureux.

Le jeu des comédiennes n’appuie pas le fait qu’elles incarnent toutes une facette d’un même personnage. Elles semblent plutôt chercher à définir l’essence de chacune de ces Albertines. Le texte fait d’ailleurs très bien le reste du travail et les différences radicales entre l’une et l’autre deviennent porteuses d’une grande richesse. Les six actrices de la production sont toutes excellentes, mais c’est surtout dans la cohérence de la proposition visuelle que le spectacle devient franchement intéressant.

Les costumes de Sébastien Dionne, simultanément surprenants et parfaitement ancrés dans chaque époque qu’on traverse, déploient un réseau de sens qu’on prend plaisir à déchiffrer. Autour de la blanche et minuscule chambre dans laquelle Albertine nous apparait au début de la pièce s’élève une structure architecturale aux lignes pures, d’une blancheur immaculée. Ce décor dans lequel les escaliers se multiplient de manière labyrinthique évoque autant les escaliers du Plateau Mont-Royal que la maison de campagne dans laquelle séjourne l’Albertine convalescente de 30 ans. Le magnifique travail de Michel Goulet est en même temps l’élément le plus fort du spectacle et un piège que la mise en scène n’a pas su esquiver tout à fait. Dans les dédales de ces escaliers, Lorraine Pintal a mis en scène beaucoup d’allées et venues inutiles qui alourdissent parfois la représentation. Heureusement, c’est tout de même le texte qui domine ici.

Et ce que l’on entend le plus, c’est la quête d’absolu d’Albertine, désespérante et touchante. Un absolu qu’on évoque si peu souvent aujourd’hui, même au théâtre, et qui, peut-être, nous manque un peu chez les personnages contemporains qui sont aussi blasés que nous.

21-03-2014