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Du 25 avril au 20 mai 2017
Le jeu de l'amour et du hasard
Texte Marivaux
Mise en scène Alain Zouvi
Avec Marc Beaupré, Henri Chassé, Bénédicte Décary, David Savard, Philippe Thibault-Denis, Catherine Trudeau

On tombe amoureux et voilà que chez l’être aimé le moindre mot, la plus brève hésitation, l’inflexion la plus nuancée deviennent l’objet d’infinies spéculations, déclenchant à leur tour une kyrielle d’états émotifs contradictoires. De toute l’histoire du théâtre, l’auteur qui le mieux a exprimé ces folles gradations et dégringolades du sentiment amoureux, c’est Marivaux. Et il l’a fait avec une inégalable élégance comique, une verve éblouissante et une vérité dont la fraîcheur ne se dément jamais. Épris de la tradition théâtrale classique, Alain Zouvi nous transporte dans un jardin à la française pour redonner vie à un siècle où l’amour découvrait qu’il pouvait défier l’ordre social.

De crainte que ce dénommé Dorante que son père lui a choisi pour époux ne la rebute, Sylvia, pour le recevoir, échange son identité et ses vêtements avec sa suivante. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que son fiancé a eu la même idée. Arrive ce qui doit arriver : Sylvia est épouvantée par Arlequin qu’elle croit être son promis, mais se surprend à s’éprendre du valet qui l’accompagne. Les identités véritables vont finir par se révéler, mais pas de la façon attendue: au risque de perdre l’homme qu’elle aime, Sylvia décide d’exiger de Dorante une preuve d’amour complètement insensée dans un monde où aristocrates et valets mènent des vies parallèles.

Pour jouer cette partition virtuose, Bénédicte Décary et David Savard, Catherine Trudeau et Marc Beaupré interprèteront ce célèbre quatuor amoureux sous le regard aussi amusé que bienveillant d’Henri Chassé.


Section vidéo


Assistance à la mise en scène et régie Pascale D'Haese
Scénographie Jean Bard
Costumes Judy Jonker
Conception d'éclairages Nicolas Ricard
Musique originale Christian Thomas
Accessoires Alain Jenkins
Maquillages Jacques-Lee Pelletier
Photo Jean-François Gratton

Durée 2h

Production TNM


TNM
84, rue Sainte-Catherine Ouest
Billetterie : 514-866-8668

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Critique

Après une transposition moderne des rapports de domination dans le monde du travail avec le despote Caligula d’Albert Camus et une incursion dans une Chine imaginaire aux prises avec un capitalisme féroce dans La Bonne Âme du Se-Tchouan de Bertold Brecht, le Théâtre du Nouveau Monde termine sa saison régulière dans la légèreté. Pièce la plus connue de son auteur et la plus jouée, Le Jeu de l’amour et du hasard écrite par Pierre Carlet de Marivaux constitue un divertissement agréable sous la gouverne d’Alain Zouvi.








Crédit photos : Yves Renaud

Présentée pour la première fois en 1730, l’œuvre en trois actes et en prose du dramaturge français joue sur deux tableaux. Elle respecte les codes de bienséance de l’époque avec son dénouement heureux, mais se permet aussi de remettre en question (un peu) les conventions. Les rapports entre les classes sociales sont exposés par les inversions des rôles entre les valets et leurs maîtres. Près de quatre siècles plus tard, les dialogues gardent leur éloquence grâce à des répliques pétillantes («Lui dirais-je que m’appelle Arlequin? Non cela rime trop avec coquin»).  

Pendant environ une heure et quarante-cinq minutes, le public assiste aux péripéties de quatre amoureux. Orgon (Henri Chassé) souhaite que sa fille Silva (Bénédicte Décary) épouse le fils de l’un de ses amis. Peu encline au mariage, la prétendante obtient l’autorisation de s’accoutrer avec les tenues de sa servante, la truculente Lisette (Catherine Trudeau). Elle veut observer attentivement les comportements de Dorante (David Savard), l’homme qui lui est destiné. Mais elle ignore que celui-ci a eu exactement la même idée de changement d’identité avec son serviteur Arlequin (Marc Beaupré) en se renommant Bourguignon. Pendant ce temps, Lisette déguisée en Silva et Arlequin sous les habits de Dorante commencent aussi à se courtiser. Orgon et son fils Mario (Philippe Thibault-Denis) s’amusent devant le déroulement de cette double intrigue amoureuse. Les masques tombent et chacun reprend tranquillement sa place, dans la bonne humeur et le respect de l’ordre établi.

Si les pièces de Marivaux ne connaissent pas autant de versions différentes que celles de Molière qui pullulent sur les scènes québécoises, elles reviennent occasionnellement à l’affiche. En 2013, Carl Poliquin avait dirigé une autre production du Jeu de l’amour au Théâtre Denise-Pelletier. Auparavant, Alain Zouvi, et son père, Jacques, ont tous deux incarné Arlequin à des époques différentes. Au TNM en ouverture de la saison 2004-2005, Claude Poissant s’était risqué dans un morceau du répertoire plus sombre de l’écrivain avec plus ou moins de bonheur dans La Fausse Suivante (avec, entre autres, Henri Chassé). Si certains femmes et hommes de théâtre, dont le grand Patrice Chéreau, ont cherché chez Marivaux à extirper toute la cruauté des relations humaines qui se dissimulent derrière le vernis des convenances, la présente réalisation du Jeu de l’amour et du hasard revêt une atmosphère assez bon enfant et mise surtout sur les effets comiques, parfois près de l’esprit de la commedia dell’arte. Le choix artistique fonctionne ici, d’autant plus que Zouvi porte une attention soutenue à la direction de ses interprètes. L’histoire se déroule à la même période que celle du texte, soit au 18e siècle. Toutefois, le spectacle ne tombe pas dans une vision trop muséale, trouvant ainsi un équilibre entre un certain classicisme et un regard plus intemporel sur les rapports affectifs.

Le décor de Jean Bard, constitué de deux énormes haies aux deux extrémités du plateau, apporte un décorum à l’ensemble. Sans trop d’éléments clichés (sauf les chants d’oiseaux entendus du début à la fin et les paysages de ciel qui semblent davantage être des effets décoratifs), l’exécution scénique se permet tout de même des exubérances maîtrisées. Connu d’abord comme comédien, Alain Zouvi se distingue désormais comme metteur en scène par un sens du timing déjà présent dans ses réalisations antérieures, dont le boulevard Treize à table de Marc-Gilbert Sauvajon, au Théâtre du Rideau Vert.
   
En valets, Catherine Trudeau et Marc Beaupré s’en donnent à cœur joie dans le burlesque, en se jetant dans une étendue d’eau, ou encore en prenant des tonalités plus comiques dans leurs voix. Alors que ce tandem démontre un sens indéniable du comique par un jeu très physique, David Savard et Bénédicte Décary incarnent l’autre couple d’amoureux dans la sobriété, mais de manière habitée. Par sa grâce et son raffinement, Décary dégage une sensualité similaire à celle dont elle imprégnait sa Célimène dans Le Misanthrope monté précédemment par Michel Monty au Rideau Vert. Dans des personnages plus effacés en retrait de l’action principale (ou plutôt ici des deux chassés-croisés), Henri Chassé et Philippe Thibault-Denis se révèlent également crédibles.

Parmi les seules faiblesses, mentionnons la musique originale composée par Christian Thomas qui paraît plutôt anecdotique en rapport au propos et à l’esprit de la pièce. Autrement, cette lecture du Jeu de l’amour et du hasard se regarde et s’écoute avec plaisir.      

02-05-2017