En 2015, Eric-Emmanuel Schmitt est touché par la mise en scène de Lorraine Pintal de son adaptation scénique du Journal d’Anne Frank. Il était naturel que la directrice du TNM plonge de nouveau dans l’univers créatif de cet auteur à l’imagination foisonnante. Qui plus est, l’an dernier, lorsqu’il est venu présenter seul son Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran avec une simplicité aussi admirable qu’émouvante, une véritable histoire d’amour s’est cristallisée avec les spectateurs ! En fait, le Québec entier est sous le charme de ce philosophe, romancier, cinéaste et homme de théâtre, de ce penseur humaniste qui aime tant raconter des histoires pétries d’émotions et pétillantes d’intelligence.
Passionné de musique et d’opéra, Eric-Emmanuel Schmitt partage la scène avec l’envoûtante soprano Marie-Josée Lord, tous deux guidés par Lorraine Pintal, pour nous entraîner à la rencontre d’un génie sublime et précoce, Georges Bizet, qui n’a trouvé sa voie qu’à l’âge de 36 ans avec la création de Carmen : or, un infarctus le foudroie trois mois après la première. Ensemble, ils retracent le trajet bouleversant de ce génie musical qui disparaît trop tôt pour réaliser qu’il a révolutionné l’opéra et, surtout, qu’il venait de créer un nouveau mythe féminin.
Spectacle musical d'Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène Lorraine Pintal
Avec Marie-Josée Lord (soprano), Eric-Emmanuel Schmitt, Jean-Michel Richer (ténor), Dominic Boulianne (pianiste)
Crédits supplémentaires et autres informations
Conception Jean Bard, Marc Senécal, Erwann Bernard, Lionel Arnould
Assistance à la mise en scène Bethzaida Thomas
Mardis 19h30, mercredis au samedis 20h, certains samedis 15h
Parterre | 79,90$ |
Corbeille | 79,90$ |
Balcon | 79,90$ |
Handicapé | 79,90$ |
Taxes et frais de service inclus |
Une production du Théâtre du Nouveau Monde et Didier Morissonneau
Après avoir fait ses preuves au TNM avec son Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran la saison précédente, Éric-Emmanuel Schmitt réitère l’expérience sur scène avec Le Mystère Carmen, un théâtre musical rédigé de sa main. Porté à la scène par Lorraine Pintal, ce spectacle mêle réalité et fiction, théâtre et opéra, musique classique et projection multimédia pour brosser un portrait assez fidèle de la courte existence et de l’œuvre de cet enfant prodige que fut George Bizet en un peu moins de deux heures.
C’est avec un regard serein et assumant sa fière prestance que l’auteur traverse la salle pour se rendre aux côtés de Dominic Boulianne, pianiste des plus investis, avant de commencer le récit. Jamais monotone, le ton de Schmitt suit le flot de l’émotion qui l’habite au profit d’une narration dynamique fort appréciée. Gardant ainsi l’intérêt de l’auditoire pendant toute la représentation malgré quelques balbutiements, il permet à tous de rester au fait de l’histoire principale même si les paroles chantées sont parfois plus difficiles à comprendre pour les oreilles de spectateurs découvrant l’opéra. Cela dit, la performance du ténor Jean-Michel Richer autant que celle de l’élégante soprano Marie-Josée Lord ne sont pas à négliger, considérant l’enthousiasme de la foule suite à chacune de leur prestation. Si les deux interprètes se font attendre un certain temps avant leur première prestation, Richer fait son entrée en révélant un joli charisme qui séduit instantanément. Quant à sa partenaire, Lord est tout simplement scintillante sous les projecteurs. Récoltant des applaudissements avant même d’avoir poussé sa première note, celle-ci semble trouver l’assurance qu’il lui faut au fur et à mesure pour, finalement, réussir à livrer une Carmen à la hauteur des attentes.
Tantôt authentique tantôt très théâtrale, l’interprétation des artistes offre de beaux contrastes clairs entre humanité et lyrisme qui font se conjuguer le drame biographique et la poésie avec une magnifique fluidité.
Tantôt authentique, tantôt très théâtrale, l’interprétation des artistes offre de beaux contrastes clairs entre humanité et lyrisme qui font se conjuguer le drame biographique et la poésie avec une magnifique fluidité. Une initiative payante de Pintal qui attire une certaine empathie du public à l’égard du malheureux Bizet. Présentant également cette dualité, les costumes de style classique conçus par Marc Sénécal restent à l’image des soirées de concert de l’époque sans faire nécessairement tourner les têtes. À l’éclairage, Erwann Bernard donne le ton à l’action dramatique en suggérant des teintes très colorées qui ajoutent en intensité et font voyager jusqu’en Orient. À l’inverse, les décors de Jean Bard sont plus discrets. D’un blanc immaculé, la petite scène circulaire sert autant de belle tribune aux chanteurs que d’une arène de combat qui donne droit à des scènes de confrontation où la beauté règne sur la violence. À cela s’ajoute le travail de Lionel Arnould, concepteur vidéo, qui habille l’espace scénique avec une chaleureuse touche d’onirisme. Occasionnant un certain détachement du récit narré, cette initiative libère les spectateurs du lourd poids de la réalité. Une fois l’histoire de Schmitt terminée, tous sont invités à accepter le destin tragique du célèbre compositeur dans la plus grande quiétude.
Tour à tour, les quatre interprètes accueillent avec humilité les sincères applaudissements d’un public debout. La qualité d’une plume riche, mais accessible d’un orateur humain et passionné nouvellement découvert au théâtre retient également l’attention. Orchestré avec toute la rigueur d’une femme de théâtre d’expérience, Le Mystère Carmen devient un véritable divertissement capable de rallier grands amateurs d’opéra et simples curieux avides de s’y initier.
01-03-2019