Du 30 novembre au 15 décembre 2007
Kiss Bill
Spectacle de Paula de Vasconcelos
Avec Nathalie Zoey Gauld, Sylvie Moreau, Alexandre Goyette, Claude Godin
et trois danseurs
Dix ans après Lettre d'amour Tarantino, Paula de Vasconcelos poursuit son dialogue virtuel avec le cinéaste américain tout en faisant un clin d'œil à son univers brutal à la fois esthétique et fascinant. Avec Kiss Bill, la metteure en scène et chorégraphe bien connue des montréalais questionne la place de la violence dans le monde, dans une œuvre aux couleurs vives portée par une riche partition musicale et fidèle au credo de Pigeons International : privilégier cette fusion du langage textuel et corporel où se côtoient, dans une forme d'écriture scénique originale et féconde, le théâtre et la danse. Fougueux et piquant de lucidité.
Concepteurs Raymond-Marius Boucher, Michel Beaulieu, Anne-Marie Veevaete
Une production de Pigeons International en codiffusion avec l'Usine C
Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: (514) 521-4493
par Marie-Julie Desrochers
À partir d'une esthétique de la violence machiste et amorale, est-il possible de danser, danser... jusqu'à la romance ? Paula de Vasconcelos, dans sa plus récente production, une réappropriation romantique théâtrale et dansée du film culte de Quentin Tarantino, Kill Bill, tente de répondre par l'affirmative à cette question. Le résultat, qui étonne par sa douceur presque fleur bleue, est audacieux.
La chorégraphe mise sur un thème fort populaire dans le milieu théâtral québécois cette saison, celui de la métamorphose (La Métamorphose, Rhinocéros) : le film de Tarantino, d'une part, devient oeuvre de théâtre et de danse, d'autre part, son propos violent est effacé au profit d'un message de bonheur global. Cela, sans compter la transformation importante qui traverse tous les acteurs et des danseurs; d'abord vils et sans scrupules, se transformant les uns après les autres en êtres spirituels et danseurs féériques. Le décor n'y échappe pas non plus. Oriental et dénudé au départ, il laisse place, au fil de la pièce, à une faune, une jungle fertile, verte, éclatante, d'où se font entendre des chants d'oiseau, le souffle de la bise ; une nature pure, enchanteresse.
La transformation la plus éclatante est sans contredit celle du personnage principal qui, de femme-objet, sexy, offerte à tous, devient une véritable déesse, intouchable et toute puissante, capable de redonner à l'humanité sa dignité. Ainsi, le personnage et les danseurs rampent-ils tous vers elle, dans une scène presque caricaturale, dans l'attente d'un geste rédempteur, qu'elle leur offre, souriante, gracieuse. Le tout se conclut par un baiser final, offert par cette « belle au bois », qui, assurément, sous la relecture de Paula de Vasconcelos, est bien éveillée.
Le tout prend, justement, après quelque temps, les allures d'un conte pour enfants où tout serait parfait - ce qui en agacera sans doute certains. Mais les liens tissés avec l'univers de Tarantino, qui lui aussi glisse à tout moment dans une forme d'amplification, d'exagération, permettent aux spectateurs de comprendre que le projet de Paula de Vasconcelos n'est pas de corriger légèrement ou de remettre sur la bonne voie le cinéaste, mais plutôt d'inverser complètement son projet afin d'arriver à esthétiser la douceur et la pureté extrême. Le message est simple, la façon dont il est livré aux spectateurs aussi. La danse, ici, ne pourra certainement être taxée d'hermétisme.
La performance de Sylvie Moreau, d'une justesse et d'une polyvalence remarquables, contribue grandement à faire accepter le tout. Productrice amorale, danseuse, chanteuse; l'actrice parvient à lier tous les univers explorés par Kiss Bill. Une scène qui survient en début de pièce lui permet d'ailleurs de faire une démonstration spectaculaire de sa capacité à investir la scène, à utiliser son corps pour jouer entièrement, alors qu'elle est appelée à tuer symboliquement, de façons toujours différentes, son compagnon de jeu, Alexandre Goyette, pendant plusieurs minutes.
03-12-2007
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Crédit photo : Paul-Antoine Taillefer