Texte, mise en scène et interprétation Nathalie Claude
Une femme, solitaire et nostalgique d’une certaine époque, récrée pour son divertissement un salon littéraire. Ses invités : le Poète dandy, la Mécène buveuse et l’Artiste de cabaret sont des automates de grandeur humaine, articulés et dotés de parole, aux mécanismes fascinants et rendant parfaitement l’illusion de la vie. Elle s’applique en leur compagnie à ressusciter l’art de la conversation, cultivé dans ces mythiques réunions d’artistes et d’intellectuels du XVIe siècle jusqu’au milieu du XXe. Bien qu’ils respectent les règles d’or du Salon : écoute active, cohérence, brièveté, tact et sens de la répartie, les automates par leur nature préprogrammée s’en tiendront toujours à une seule ligne de pensée. Dans ce contexte, qui triomphera ? Une confrontation burlesque de toute éternité.
Fruit de la collaboration entre le talentueux Raymond Marius Boucher (qui signe également le décor et les accessoires du Salon) et Simon Laroche, artiste en arts électroniques, la création des automates a nécessité plus d’un an et demi de travail acharné aux concepteurs et à leurs équipes. Raymond Marius Boucher a fait naître du néant ces êtres de chiffons et d’acier à l’esthétique conforme aux premiers automates présentés dans les cabinets de curiosité ; doté de la technologie dont Coppélius ne disposait pas, Simon Laroche les a animés grâce à son mystérieux savoir en robotique ; Angelo Barsetti leur a donné visage plus humain ; Judy Jonker les a habillés de somptueux costumes d’époque ; Céline Bonnier, Patrice Coquereau et Marie-France Lambert leur ont prêté leur voix et leur immense talent d’interprète.
Conception des automates Raymond Marius Boucher et Simon Laroche
Robotique Simon Laroche
Voix des automates Céline Bonnier, Patrice Coquereau, Marie-France Lambert
Décor et accessoires Raymond Marius Boucher
Costumes Judy Jonker
Maquillages et coiffures Angelo Barsetti
Conception sonore Isabelle Lussier
Éclairages Claude Cournoyer
Assistance à la mise en scène et régie Colette Drouin
Direction de production Lucie Mineau
Direction technique Geoff Levine
Une présentation de Momentum en coproduction avec l’Usine C
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par Mélanie Viau
Qu’est-ce qui vous pousse à aller passer une soirée au théâtre ? Le besoin de traverser le miroir dans lequel vous voyez votre reflet ? Le désir de faire activer votre système neurologique afin qu’en vous s’opère le mouvement ? Ou bien est-ce la folle envie d’en avoir plein la vue, d’ouvrir les portes des images intérieures afin d’éclaircir les mystères qui nous habitent ? Ici, dans Le Salon Automate, vous risquez fort bien d’outrepasser ces motivations car sa créatrice, Nathalie Claude, vous interpelle de beaucoup plus loin. Exploratrice des méandres de l’inconscient, le leur, le nôtre, la momentumienne signe ici le dernier solo de sa « Trilogie de la folie » avec une matière atemporelle depuis son avènement, d’une réalité banale et inquiétante, soit le robot, le robot en relation avec l’humain. Un projet audacieux, il va sans dire, autant dans le coeur du concept que dans le rendu esthétique, et pourtant, on en sort avec l’étrange sentiment d’avoir frappé un mur, quelque part, on ne sait où. En eux ou en nous ? Que s’est-il passé au juste ?
Passés la porte d’entrée, vous débarquez de plein fouet dans cet univers anachronique et mystérieux qui vous a rendu le spectacle si alléchant. Des robots en cage s’y trouvent, des oiseaux, trois androïdes coiffés et vêtus somptueusement à la victorienne, et une femme. Une femme dans son salon en cage, son salon de fantasmes littéraires, de discussions stupides, décoré d’autoportraits, habités d’autoportraits, avec sur le sol des verres à champagne cassés par dizaines et derrière, un sombre atelier. Le décor dans son ensemble raconte l’histoire de cette ingénieuse névrose, et c’est avec d’immenses bravos que nous saluons toute l’équipe de conception, ceux qui ont su donner à nos yeux, avec un superbe souci du détail, les visions et métaphores nourries par Nathalie Claude depuis presque trois ans. Mais voilà, une fois émerveillé par la présence de la machine, on demande à ce qu’elle prenne part au spectacle comme le souhaitait Craig avec la super marionnette. C’est qu’ici, il y a plus complexe que ces robots (même s’il nécessite trente-quatre servomoteurs pour les manipuler de manière à ce qu’ils agissent le plus « humainement » possible) : la psyché humaine. Et s’il vous paraît étrange que l’Artiste de Cabaret, le Poète Dandy et la Mécène Buveuse soient si semblables dans leurs différences, c’est qu’ils proviennent tous du même esprit clivé, soit celui de leur hôtesse de maison.
Photo : Rolline Laporte
Car c’est une femme tuberculeuse vivant en plein phénomène d’inquiétante étrangeté qu’incarne Nathalie Claude. Et elle le fait sans concession. L’originalité et l’extraversion lui vont à merveille, et le rapport qu’elle entretient avec ses objets aux répliques préprogrammées sert à lui seul à exprimer la profondeur du concept. Malheureusement, le texte appuie très fort sur l’explication de la présence des machines parlantes et autonomes dans les réunions du vendredi, réunions animées par des questionnements sur le non-sens de la mort animée et celui, tout puissant, de l’esprit. Le rythme tient difficilement le cap (les robots n’ont pas la spontanéité de l’homme !), l’exposition empiète sur le discours, on sent la situation tourner en boucle et la fin venir par défaut. Mais il reste que la réflexion directement suscitée autour du progrès de la technologie à nos côtés et à celui entourant la solitude maladive fourmille et grandit et part dans tous les sens si on se laisse prendre au jeu. Et pour cela, on peut évoquer l’acte créateur passionné et passionnant, la prise de parole propre et la curiosité de poser un autre regard sur ce qui anime notre machine psychique et physique. On parle d’un engagement théâtral vivement affirmé.
Il se peut que vous ressentiez ce je-ne-sais-quoi qui dérange à la sortie, vous encourageant de laisser choir toutes attentes spécifiques face au phénomène créateur. De laisser agir l’humain de lui-même et le suivre dans l’incontrôlable.