Du 20 janvier au 7 février 2009 à 18h
Retour à l'accueil Imprimer cette page Archives Accueil Facebook del.icio.us

RafalesRafales

Texte et mise en scène José Babin, librement inspirée des nouvelles maritimes de Maurice Arsenault, José Babin, Albert Belzile, Brigitte Harrison, Alain Lavallée, Christianne St-Pierre.
Avec José Babin, Julie Duguay, Alain Lavallée, Claire Normand

Faisant suite à leur récente création Cargo qui a circulé au Québec, en Asie et en Europe, notamment au Festival d’Avignon, le Théâtre Incliné propose avec Rafales une visite dans le cimetière des « Affreux ». Petits contes cruels des gens de la côte où la poésie, l'humour et le tragique se côtoient. Une forme visuelle qui allie théâtre, danse, ombres contemporaines, marionnettes et sculptures scéniques.

Lumières, ombres et marionnettes Alain Lavallée
Décor Morgan Nicolas (sculptures scéniques), Luc Rondeau (toiles)
Costumes Luc Rondeau
Musique et bruitisme Nicolas Letarte
Masques Claude Rodrigue
Conseiller à la dramaturgie Maurice Arsenault
Assistance à la mise en scène Nadine Walsh
Son live Benjamin Proulx
Régie Geneviève Gagnon

Une création du Théâtre Incliné et du Théâtre populaire d’Acadie, en coproduction avec L'USINE et Marionnettissimo (France). Créée en résidence au TPA (Nouveau-Brunswick), à L’USINE (France) et à l’Usine C (Québec).

Usine C

1345, avenue Lalonde
Billetterie: (514) 521-4493

par Daphné Bathalon

Quel lent voyage nous allons faire mon âme et moi*
*Titre tiré d’un poème de Saint-Denys Garneau.

Depuis la fosse commune où nous sommes installés, on nous invite à un court voyage – un bien trop court voyage – au pays des morts. Ces morts, dont personne ne se souvient, luttent contre l’oubli afin de ne pas totalement disparaître. Jusqu’au 7 février 2009, le Théâtre incliné, en association avec le Théâtre populaire d’Acadie, présente Rafales à l’Usine C, sa nouvelle création. C’est une invitation à une étrange expédition qu’il ne faut assurément pas manquer.

Des objets rejetés par la mer jonchent la scène. Hétéroclites, ils sont liés pourtant aux quatre morts que nous rencontrons et leur servent d’ancrage. Ils s’y accrochent, car les rafales frappent la côte, emportant chaque fois quelques morceaux de la falaise et du cimetière qui s’y trouve. « Tenez bien vos os », lance l’âme qui dirige toutes les autres. Dès le début de la pièce, elle dicte les règles des morts : « 1. Tenez bien vos os; 2. Souvenez-vous, vous êtes les derniers à vous souvenir de vous; 3. Gardez votre place, c’est la mort et c’est définitif. » Le ton est donné. Chacun leur tour, les personnages racontent leur mort, toujours violente et triste.

Au milieu du bruit des vagues et des puissantes rafales de vent, on se sent facilement transportés au bord de cette falaise qui tombe peu à peu dans la mer. Quant à l’ingéniosité du décor et des accessoires, elle permet à notre imagination de faire ce qu’elle fait de mieux : imaginer les paysages et les évènements qu’on nous raconte ou qu’on évoque. En effet, les comédiens parlent peu, mais c’est pour mieux céder la place à la musique, aux jeux d’ombres et aux marionnettes qui narrent à leur place les meurtres, viols, noyades et disparitions. Malgré l’omniprésence de la mort, Rafales n’est pas une pièce sombre : la mort, bien que cruelle et définitive, n’y est pas horrifiante. Au contraire, si aux âmes errantes elle paraît simplement longue et routinière, à nos yeux, grâce à la mise en scène inventive de José Babin, elle est plutôt poétique et ludique. Les voiles de navire deviennent des toiles pour le théâtre d’ombres ; des valises s’ouvrent pour devenir une maison portative ; un simple crâne se transforme sous nos yeux en noyé balloté par les flots.

Par ailleurs, la danse et le jeu corporel sont également mis à contribution. Les personnages, qui ne semblent pas toujours avoir le contrôle de leurs corps en mouvement, effectuent d’intrigants ballets au rythme d’une ritournelle plusieurs fois répétée. Ces déplacements chorégraphiés, ainsi que la trame sonore (musique, sons de vagues, d’oiseaux, de vent, silence sous-marin), créent une atmosphère particulière, loin du monde des vivants, dans lequel le public s’immerge totalement.

Nous n’en émergeons que lorsque les morts réalisent que leur lutte contre l’oubli est vaine, pire, qu’elle les maintient prisonniers. Alors, depuis notre siège, nous les regardons entreprendre leur ultime voyage. Comme Charon, ils empruntent une barque de fortune pour fendre les flots et affronter les rafales tandis que disparaissent les derniers vestiges du cimetière des affreux, où étaient enterrés tous ces morts que l’on a voulu oublier.

26-01-2009
Retour à l'accueil