De et avec Daniele Finzi Pasca
Il y a dix ans, l’Usine C accueillait Daniele Finzi Pasca, alors inconnu à Montréal, avec Icaro un solo bouleversant d’humanité qui a fait salle comble pendant des semaines. Après plus de 700 représentations à travers le monde, Daniele Finzi Pasca, dorénavant célèbre pour ses magnifiques créations au Cirque Éloize (Nomade, Rain, Nebbia) et au Cirque du Soleil (Cortéo), nous fait l’immense joie de reprendre ce grand moment de théâtre à l’Usine C.
Un patient arrivé depuis peu dans un hôpital fait connaissance avec son compagnon de chambre. Pour vaincre l’insomnie et la solitude, ensemble ils entreprennent un voyage imaginaire. Ils se révoltent contre le destin qui les cloue entre les draps d’un lit d’hôpital. Cette pièce, écrite durant un séjour en prison que l’auteur a purgé en Suisse pour objection de conscience, témoigne de la lutte contre le pouvoir, la maladie, l’odeur de la mort. Une lutte entreprise par hasard par un homme et par un clown. La force évocatrice des paroles devient protagoniste et le clown est l’artisan de petits miracles, de fugues exceptionnelles.
Icaro, une ode bouleversante à l'imaginaire et à l'amitié. À voir et à revoir!
Musique originale : Maria Bonzanigo
Lumières Marco Finzi Pasca
Remerciements : Commissione Culturale del Canton Ticino + Ville de Lugano + Fondation P.Lucchini + Pro Helvetia + I.T.S. Fribourg
Une production de Teatro Sunil
Une présentation de Usine C
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Dates antérieures
19-20 février, Th. Outremont
par Olivier Dumas
Comme le bon vin, les grandes pièces de théâtre ne perdent pas de leur saveur ou de leur force avec les années. Présentée pour la première fois à Montréal il y a une dizaine d’années, Icaro, un quasi-solo conçu et interprété par Daniele Finzi Pasca, avait été couvert d’éloges par la presse et le public. Ainsi, les attentes étaient très élevées en franchissant les murs de l’Usine C pour cette énième reprise. Heureusement, la magie opère toujours. Pur moment enchanteur, ce spectacle se veut un hymne rassembleur sur la liberté, la fragilité de l’existence humaine et la place des marginaux dans nos sociétés.
Daniele Finzi Pasca s’est fait surtout connaître par ses mises en scène au Cirque Éloize (dont Rain et Nebbia) et au Cirque du Soleil (le féérique Cortéo). Avec Icaro, création de sa compagnie Teatro Sunil, il revient à une forme plus dépouillée, où l’acteur joue avec les artifices du théâtre pour mieux nous éblouir et nous rejoindre.
Classique, le canevas demeure d’une redoutable efficacité. Nouvellement arrivé dans un hôpital, un patient à l’allure clownesque rencontre son compagnon de chambre (choisi par l’artiste parmi les spectateurs). Pour vaincre l’insomnie et une réalité aliénante, il se lance avec son nouveau partenaire dans un voyage imaginaire, illustration d’un désir de rébellion contre le destin qui le retient sur un lit d’hôpital.
Créé au moment d’un séjour en prison que l’auteur a purgé en Suisse pour objection de conscience, le spectacle, à priori ludique et enfantin, traite de graves réalités avec une finesse et une drôlerie toujours pertinente. Dénonciation du pouvoir, de la répression, de l’enfermement et de la mort, cette parole s’écoute avec une attention soutenue qui s’accompagne pendant près de deux heures de rires éclatants, de répliques attendrissantes.
On pourrait longtemps s’attarder sur toutes les qualités d’Icaro, qui frappe autant le cœur que la tête, qui nous fait rire, frémir, pleurer et grincer des dents. Par ailleurs, la candeur du ton, la véracité de l’histoire et le savoir-faire d’un homme-orchestre qui a assimilé tous les codes de l’art circassien frappent l’imaginaire. En équilibre constant entre l’improvisation, due à la présence d’un spectateur différent chaque soir sur scène, et la rigueur de la structure, le récit aboutit à un modèle exemplaire. Même après plusieurs centaines de représentations, Finzi Pasca prend un plaisir contagieux à interagir avec l’auditoire avec autant de fraicheur que de spontanéité.
La seule réserve à souligner concerne la durée de la pièce qui s’étire un peu durant le dernier quart d’heure. L’auteur et comédien semble avoir de la difficulté à boucler la boucle lorsqu’il raconte les péripéties vécues avec un cirque itinérant, peu de temps avant la tombée du rideau. Ce segment de l’histoire, pour être intéressant, atténue malheureusement l’apothéose sur laquelle la pièce aurait pu se terminer; par la fuite de l’hôpital, le récit menait tout naturellement à une conclusion encore plus émouvante.
Daniele Finzi Pasca nous révèle avec son intemporel Icaro et son Teatro Sunil une vision inspirante et inspirée de l’art et de la vie. Il s’agit d’un grand moment de théâtre à voir et à revoir avec nos yeux d’enfant.