Texte de Georg Büchner
Adaptation et mise en scène Brigitte Haentjens
Avec Marc Béland, Paul Ahmarani, Catherine Allard, Pierre-Antoine Lasnier, Raoul
Fortier-Mercier ou Victor Croteau, Gaétan Nadeau, Sébastien Ricard, Évelyne Rompré, Paul Savoie
Brigitte Haentjens reprend à la demande générale, son Woyzeck créé en mars dernier à l’Usine C, une mise en scène audacieuse et marquante, servie par une distribution hors-pair qui a passionné tant le public que la critique.
Sans avoir, sans savoir et sans aucun pouvoir, Woyzeck se voit dépossédé de son corps et exploité suivant une série de stratagèmes subtils et pernicieux. Woyzeck manque cruellement de moyens pour se soulever contre un ordre social qui l’opprime et l’humilie. Il ne lui reste que Marie, la mère de son enfant. Et c’est pour elle qu’il améliore sa solde en se soumettant à des expériences médicales. Mais Marie, femme
ardente, ne peut résister au charme du tambour-major. Woyzeck, éperdu de jalousie, publiquement bafoué, la poignarde à mort.
Pièce culte, Woyzeck a intrigué plusieurs des grands metteurs en scène, dont Brigitte Haentjens. Celle qui depuis toujours s’intéresse à l’humain dans toute sa complexité ainsi qu’aux thèmes de l’oppression, du féminin et du politique, plonge tête première dans ce drame intemporel et social qui émeut autant qu’il bouscule.
Complices : Colette Drouin, Mélanie Dumont, Anick La Bissonnière, YSO, Claude Cournoyer, Alexander MacSween, Angelo Barsetti, Catherine La Frenière, Jean-François Landry, Frédéric Auger
Une production Sibyllines
Présentée en codiffusion avec Usine C
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Dates antérieures
Du 17 mars au 4 avril 2009, Usine C
par Sara Fauteux
Ce n’est pas impunément que l’on entreprend l’adaptation d’une œuvre telle que Woyzeck. Il semble en effet que le milieu du théâtre ait souvent beaucoup de scrupules à se réapproprier ses textes cultes. Mais dans le cas qui nous occupe, nous ne pouvons que saluer l’audace et le talent de ceux qui se sont attelés à la tâche délicate d’adapter ce texte phare de la dramaturgie moderne. Brigitte Haentjens et ses acolytes ont effectué un travail remarquable en réussissant à rendre la pièce plus accessible pour le public québécois sans en altérer l’essence en rien.
En effet, Haentjens et ses nombreux collaborateurs ont non seulement adapté la langue pour la rendre plus proche de celle parlée au Québec, mais y ont également intégré plusieurs éléments de la culture locale. Ces références en chansons et en allusions nous permettent de mieux saisir les enjeux réels de ce texte qui date du 19e siècle en interpellant notre sensibilité culturelle. Ce Woyzeck ouvrier et paumé, cette Marie fille-mère dont il est amoureux et tous ces pauvres « boss », sergent, capitaine et docteur, en mal de pouvoir et exerçant sur le pauvre Woyzeck une domination aliénante sont en effet d’une pertinence incroyable ainsi transposés dans le Québec des années 50.
Marc Béland, qui incarne le personnage principal de la pièce, est égal à lui-même, interprétant avec justesse ce personnage aux aspects mystiques, irrévocablement marginal, à part. Mais il n’est pas le plus spectaculaire de cette distribution particulièrement heureuse. Paul Ahmarani, Paul Savoie, Sébastien Ricard, qui interprètent respectivement le Docteur, le Capitaine et le Tambour-major, sont tous les trois excellents et colorent la représentation de leurs prouesses. Évelyne Rompré dans le rôle de Marie est sensuelle et frondeuse à souhait et nous fait découvrir ce personnage méconnu.
Le travail effectué sur l’espace à la mise en scène et à la scénographie (Anick La Bissonnière) est particulièrement réussi et crée un effet magnifique. La scène est vaste et vide, traversée par une structure en tunnel suspendue d’un rouge vif. Ce dénuement et la musique en direct d’Alexandre MacSween installent une ambiance à la fois sombre et effrayante. On y perçoit une tension constante. Même dans le comique, la fête, même lorsqu’on y danse, y chante, nul ne peut ignorer la souffrance profonde de Woyzeck et la tragédie insoutenable de tout esprit ainsi dépossédé de son existence.