La Compagnie internationale d'Athènes - la CIA ! - devait présenter Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare mais voilà que les comédiens, les décors et les costumes n'ont pu arriver jusqu'ici. Seuls six techniciens ont réussi à atterrir… Alors, que faire ? Et bien, jouer tout de même ! Avec les moyens du bord, faits d'un bric-à-brac de sacs-poubelles et d'objets disparates, les six hommes se glissent dans la peau de tous les personnages, de l'artisan farfelu jusqu'à la majestueuse reine Titania ! Dans un chaos jubilatoire, venez découvrir en famille le royaume des fées comme vous ne l'avez jamais vu, un Puck aussi funky que déluré et des amoureux quelque peu étonnants…
Traduction et assistance à la mise en scène : Marie-Paule Ramo
Régie de plateau et rôle de philostrate : Philippe Jasko
Régie son et lumière : Thibault Ducros
Conception de l'éclairage David Finn
Conception sonore Alexander MacSween
Une présentation de l'Usine C
Production déléguée MCNN-Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre créé dans le cadre de l’édition 2005 du Festival Dedans-Dehors dans l’Essonne
par David Lefebvre
Six hommes font irruption sur scène pour nous annoncer que la troupe, dont ils sont les techniciens attitrés, ainsi que les décors, costumes et accessoires, n'ont pu décoller d'Athènes, cause de grève. Il n'en faut pas plus pour qu'ils nous proposent de jouer eux-mêmes le spectacle qui devait être présenté. Sans faire ni une ni deux, s'arrangeant de bricoles et costumes qu'ils trouvent en coulisse, les voilà dans la peau des Thésée, Égée, Démétrius, Lysandre, Héléna, Puck et compagnie, personnages d'une des plus grandes comédies du grand Will, Le songe d'une nuit d'été.
En attendant le songe, pièce créée en 2007 par Irina Brook et quelques comédiens «avec qui elle avait envie de travailler», ne devait être présentée que cinq fois lors de petits festivals en France, dans des parcs, des stationnements, pour un public peu familier avec le théâtre. L'engouement fut tel que le spectacle continua son chemin et roule ainsi sa bosse depuis trois ans, un peu partout à travers l'Europe et le monde. Ce qui plait, on le comprend plutôt bien lors de la représentation : la pièce est sans prétention et de type populaire, dans sa plus noble définition. Sa (fausse) spontanéité fait éclore de nombreux éclats de rire. Elle est d’une plaisante simplicité, d’une attachante pauvreté et démontre une certaine liberté festive. Inutile de nier ces quelques qualités, qui rapprochent le public du texte de Shakespeare. Malheureusement, ce Songe a les défauts de ses qualités.
La rapidité avec laquelle les «techniciens» ouvrent le bal, en sachant par coeur les répliques, les positions, le jeu de lumière, et ce, sans réelle direction en direct, nous fait oublier la prémisse du spectacle. Comme si celui-ci avait été répété, finalement, des dizaines de fois, créant ainsi un paradoxe. Ils sont fort ces régisseurs... la magie du théâtre, et de Shakespeare, possiblement. Les comédiens ne se permettent peu ou pas de décrochage, le jeu est précis, trop peut-être. Et on y croit, sans y croire. Les hommes jouant des femmes sont prompts sur les embrassades de toute sorte ; au premier degré, le comique de la situation fait son effet, mais il serait étonnant de croire que ces hommes, entre eux, agiraient ainsi. La base de l’histoire imaginée par Brook est alors oubliée, ou devient superficielle : les acteurs prennent ainsi une totale possession de la scène. Ce qui cause une mise en abîme dans une mise en abîme. C'est pourtant lors de l'Acte 5, où la troupe des Artisans d'Athènes présente la tragédie de Pyrame et Thisbé, devant le duc Thésée, que l'on sent la réelle folie et la créativité d'une telle entreprise : le grivois prend une place amusante, on se poignarde à coup de siphon, le mur parle et le lion se déchaine d’une féroce naïveté. La modernité insufflée à la pièce s’avère profitable à plusieurs niveaux, dont pour certains personnages, comme celui de Puck, plus funky que fantastique.
Il se dégage une certaine fraîcheur de cette version du Songe d'une nuit d'été. Presque burlesque, dans l’ombre de Brecht, le tout est malheureusement d’une décevante convenance. Là où la troupe aurait pu pousser les clichés à son paroxysme, on ne trouve que farce et petite comédie. Le plaisir de jouer se sent tout de même au centre de cette création, qui trouve possiblement son réel public lors des représentations extérieures, dans son plus simple appareil, à la manière, peut-être, de La Roulotte.