Adolescent, Jonathan Capdevielle se plaisait à imiter humoristes et chanteurs à la mode. Aujourd'hui, c'est au cœur d'une pièce singulière, un autoportrait fragile que le chant et l'imitation exultent. Adishatz / Adieu, met en scène l'itinéraire d'un garçon entre vie réelle et élans fantasmés. Sur scène, l'autofiction percute le documentaire, les chansons côtoient les conversations de famille, la culture pop explose et Jonathan Capdevielle se livre à la manière d'un carnet intime.
Brouiller les pistes, voilà la force d'Adishatz / Adieu. Jonathan Capdevielle est cette cassette vierge qui enregistre les mouvements du monde, le délirant comme le tragique. Jamais à court de modes d'expression, il excelle dans l'art du dédoublement de personnalité. Postures de clips, chansons nostalgiques et travestissements vont révéler sur le plateau un personnage ambivalent. La nostalgie, la solitude, la tradition et la famille, Jonathan Capdevielle partage avec nous sa mémoire folle, diablement géniale.
Pièce formidablement libératrice, Adishatz / Adieu est complexe, drôle, triste mais jamais tragique. Est-ce un homme ou une femme ? Est-ce une vie ou un rêve ? Est-ce mordant ou mélancolique ? Tout reste à définir.
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Lumière : Patrick Riou
Régie générale et régie son : Christophe Le Bris
Collaboration artistique : Gisèle Vienne
Regard extérieur : Mark Tompkins
Production : Bureau Cassiopée en coproduction avec le Centre Chorégraphique National de Montpellier Languedoc Roussillon, Centre Chorégraphique National de Franche-Comté (Belfort) et BIT Teatergarasjen (Bergen). Adishatz/ Adieu a bénéficié de l'aide de DACM, de l'équipe technique du Quartz, Scène Nationale de Brest, et du soutien du Centre National de la Danse (Pantin).
Présentation : Usine C avec le soutien du Consulat de France à Québec
par Daphné Bathalon
À la fois tour de chant et de paroles, Adishatz/Adieu est en fait un véritable tour de force. Le spectacle se divise en deux parties bien distinctes. Pendant plusieurs minutes, l’homme sur scène interprète laconiquement les grands hits des boîtes de nuit des années 90 : Reggie, Madonna, Daft Punk… et les chants pyrénéens. L’homme a tout du juke-box fatigué : il chante sans émotion, le visage neutre, donnant l’impression qu’un souffle pourrait le balayer. Lorsque le silence tombe, il ne semble pas savoir comment se confier à nous. Il se remet aussitôt à chanter. Puis la voix d’un père inquiet résonne à l’autre bout du fil, laissant enfin place à la parole.
Seul sur l’immense scène de l’Usine C, Jonathan Capdevielle paraît bien petit, il se défend pourtant à coup de tubes de discothèque et d’un extraordinaire talent vocal. Il fait siennes les voix de son père, de Nathalie et d’amis, des voix d’hommes, et de femmes surtout. La prise de son est si excellente que les voix habitent complètement la salle. Pendant un moment on doute même de l’origine de toutes ces voix : sortent-elles vraiment de la bouche de l’acteur ou sont-elles plutôt préenregistrées? Mais elles ont bien toute la même source. La maîtrise de Capdevielle impressionne, surtout lorsqu’il incarne à lui seul plusieurs personnages à la fois. La discussion entre amis à la sortie d’un bar, en fin de nuit, est d’un réalisme surprenant.
Avec un grand naturel, le comédien, imitateur, ventriloque et chanteur donne vie à tous ces personnages à travers leurs paroles. Il les entremêle habilement pour reconstruire des parcelles de conversations, comme des souvenirs émergeant de la brume, celle qui plane lourdement sur la scène. Chacune de ces conversations cache une fragile sensibilité, particulièrement vibrante lorsque Jonathan veille Nathalie, dans sa chambre d’hôpital. L’émotion, à fleur de peau, se transmet par les mots et les voix, tandis que le comédien se métamorphose tranquillement sous nos yeux, passant du jeune homme au kangourou gris et au jeans noir à la blonde platine trop maquillée. Le travestissement physique et vocal est total : tandis que les voix parlent d’une fille qui se meurt ou d’un père et son fils qui ne savent pas quoi se dire, la blonde platine prend des postures de vidéoclip, montre ses longues jambes ou ses fesses moulées par une robe criarde. Avec langueur, elle se meut au sol, puis autour d’une boule disco ou sous une lumière stroboscopique.
Autobiographie ou fiction? Adishatz/Adieu laisse songeur bien après la tombée du rideau : quelle était cette histoire que l’on vient de nous conter? Quelles voix ont résonné à travers cet homme? Pendant 50 minutes, Capdevielle nous offre un prodigieux voyage à l’intérieur de son univers musical et personnel.