Sur scène : une table, une chaise, un verre. Entre les trois : un homme qui se livre et se délivre pour nous faire partager son parcours entièrement voué au théâtre. Réduit à l'essentiel, l'art de Pippo Delbono se met complètement à nu. Entre pudeur et impudeur, le comédien-dramaturge déroule le fil de sa vie : la maladie, le deuil dans la solitude et la découverte du théâtre qui lui a permis de « redevenir vivant » quand il perdait pied. Au passage, il convie ceux qui l'accompagnent, ses complices de toujours : Gianluca le trisomique, Nelson le clochard ou Bobo le sourd-muet avec lequel il a « redécouvert le monde ».
S'inspirant des textes de Pasolini, Sarah Kane et Shakespeare, le dramaturge évoque l'amour, la mort et la scène. Ce sont alors le cri et la rage qui explosent et qui viennent toucher le spectateur en plein cœur.
À mi-chemin entre l'italien et le français, la confidence et la conférence, les silences éloquents et les mots crus, Pippo Delbono fait tomber le masque, dans un moment d'abandon bouleversant.
Assistance technique : Pepe Robledo
Production : Compagnie Pippo Delbono
Présentation : Usine C
à venir
par Daphné Bathalon
C’est sous les dehors d’une conférence que se présente le nouveau spectacle de Pippo Delbono qui a tenu à l’affiche à l’Usine C du 26 au 29 octobre. Le créateur, dont il ne s’agit pas de la première visite à Montréal (il avait présenté Questo Buio Feroce au FTA en 2009) est seul en scène pendant toute l’heure et demie que dure Récits de juin.
Juin, ce mois revient sans cesse dans le récit que Delbono fait de sa vie, depuis le moment de sa naissance jusqu’au jour où il a appris qu’il souffrait du sida. Cette histoire, dit-il, débute dans un petit village en Italie, et se poursuit à travers ses voyages et sa découverte du théâtre, un peu par hasard. En français, en italien, il nous parle de la tentative de suicide d’un ami, de la maladie, de l’amour, de la trahison... des éléments marquants qui ont changé sa manière de percevoir le monde. Il nous raconte, avec un sens aigu du rythme et du conte, comment il a eu les idées pour ses spectacles et comment sa vie a de tout temps influencé son art.
Avec humour et un accent italien franchement charmant, quoique parfois difficile à comprendre, Pippo Delbono n’a besoin que de quelques minutes pour piquer la curiosité du public. Il s’adresse aux spectateurs comme à des amis, parlant du décalage horaire, de son arrivée à Montréal, de ses prochaines destinations et même de Pepe, à la régie. Néanmoins, et malgré toute la sympathie que le personnage nous inspire, il est difficile de demeurer concentré sur la pièce et de voir comme un tout le récit de vie et les extraits de spectacles que Delbono nous interprète pour certains totalement en italien. Ces extraits explosent littéralement dans nos oreilles tant la différence est marquée entre le récit-conférence, au ton posé et doux, et les fragments de pièces que Delbono crie ou hurle à pleins poumons.
La barrière de la langue ne nous empêche pas, bien sûr, de sentir la rage qui transcende les textes, mais on voudrait aussi comprendre les mots et les influences des auteurs dont il s’est inspiré : Pasolini, Sarah Kane, Shakespeare. Par ailleurs, le passage des confidences aux extraits entraîne à chaque fois des instants de flottement où l’artiste doit réajuster son micro. Heureusement, Delbono paraît totalement à l’aise sur scène et improvise avec naturel.
Récits de juin donne envie de voir les autres productions du créateur, mais fatalement c’est un spectacle qu’il vaut mieux voir en connaissant bien l’univers et le travail de Delbono si on ne veut pas se sentir un peu exclu des confidences.