En janvier 2011, Junkyard/Paradis, la dernière pièce de Mélanie Demers, a fait salle comble. L'Usine C et l'Agora de la danse s'associent pour la présenter de nouveau, à la demande générale. Entre grâce et désolation, se dessine sur scène un univers où les forces s'opposent. Car chez Mélanie Demers les premières impressions se dissipent souvent au profit des secondes. Le jeu d'enfants devient jeu de pouvoir. Le passage vers la mort se transforme en ticket pour la vie. Et le jardin d'Éden se mue en jardin de débris. Ponctuée d'envolées lyriques et de plongées cauchemardesques, Junkyard/Paradis joue avec le visible et l'invisible, avec le toujours présent et l'évanescent. On s'y interroge sur ce qui est précieux ou futile, sur ce qui fait de nous des individus ou de vulgaires pions, et sur notre capacité à déceler un peu de beauté au milieu de la décharge de nos vies.
Depuis la fondation de sa compagnie Mayday en 2007, la chorégraphe québécoise Mélanie Demers met son talent au service d'une danse qui a de l'âme. Ses œuvres aux échos surréalistes impressionnent par leur poésie crue et forte, questionnant l'état du monde et les responsabilités individuelles. La chorégraphe compte déjà une quinzaine de créations à son actif dont Les angles morts et Sauver sa peau. Ses œuvres connaissent un rayonnement international avec des présentations dans une trentaine de villes en Europe, en Amérique, en Afrique et en Asie. En 2010, Junkyard/Paradis fut notamment programmée aux Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis (France).
Conception sonore : Jacques Poulin-Denis
Lumières : Alexandre Pilon-Guay
Assistante aux répétitions : Anne-Marie Jourdenais
Travail de voix : Sabrina Reeves
Production : Mayday en coproduction avec les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis (France) et l'Agora de la danse (Montréal). Junkyard/Paradis a bénéficié de résidences de création à l'Usine C (Montréal), au festival Operaestate Veneto (Bassano) et au CCN de Caen/Basse-Normandie, et du soutien de Circuit-Est centre chorégraphique.
Présentation : Usine C et Agora de la danse
par Mélanie Thibault
La chorégraphe Mélanie Demers a d’abord présenté cette œuvre aux rencontres chorégraphiques internationales de Seine St-Denis et a déjà séduit la foule de l’Agora de la danse en début d’année passée. Junkyard/Paradis est en reprise cette fois sur la grande scène de l’Usine C pour deux soirs.
L’orateur assigné de cette danse pour le moins théâtrale laisse entrevoir, en début de performance, le ton annoncé pour la soirée, en nous souhaitant la bienvenue, en s’excusant du retard, puis en annonçant l’ouverture avec un « Welcome to paradise » alors que ses pensées luttent, et les paroles fournissent digressions et désordre… L’ignoble et le sublime ont tôt fait de cohabiter.
L’humour laisse penser que rien ne semble vraiment grave dans ce rassemblement biscornu et en même temps happe, laissant planer que tout porte au pire, malgré le rire comme voie de secours. Les chorégraphies sont techniquement irréprochables, mais certaines tirent parfois en longueur. Le rythme ne se perd pas trop malgré tout, puisque les séquences sont savamment imbriquées, alternant les moments plus dansés et les instants plus théâtralisés.
La chorégraphe semble exceller dans les images fortes et les mots qui portent, deux voies qui posent des réflexions et qui viennent éclairer des mouvements plus hermétiques. Qu’il s’agisse d’amour ou de situation politique, le flamboyant et l’absurde sont portés efficacement. Les cinq danseurs ont une énergie communicative ; plusieurs réactions spontanées chez les spectateurs laissent croire que le plaisir est pour le moins partagé.