Assis derrière une table, le comédien Thierry Raynaud vide des centaines de verres à vodka. Gorgée après gorgée, parole après parole, il livre une performance saisissante et intransigeante qui restitue la puissance des mots de Kolik, un texte sans complainte ni complaisance.
Thierry Raynaud, complice d'Hubert Colas depuis 1994, se transforme devant nous en matériau brut qui sonde l'intériorité, perce à jour l'intimité et dissèque la pensée.
Kolik constitue la dernière partie de Guerre, un triptyque de l'écrivain contemporain allemand Rainald Goetz. Alors que le premier volet est consacré à la guerre dans la société contemporaine et le second au conflit dans la sphère familiale, le dernier acte de l'œuvre met l'individu face à lui-même au moment de sa mort.
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Assistance à la mise en scène : Sophie Nardone
Son et régie générale : Frédéric Viénot
Régie générale : Nicolas Marie
Vidéo : Patrick Laffont
Production : Diphtong Cie en coproduction avec Comédie de Reims - Centre Dramatique National (Reims), Théâtre Garonne (Toulouse), Centre Pompidou (Metz) et Théâtre des Salins - Scène nationale (Martigues).
Kolik a bénéficié du soutien du CENTQUATRE, du festival actOral et de montévidéo.
Présentation : Usine C avec le soutien du Consulat de France à Québec
par l'équipe de MonTheatre.qc.ca
Le geste est simple et pour le moins significatif. Un homme choisit sa mort en enfilant une centaine de verres de vodka, face au spectateur, en dialogue avec lui-même, heurté par la vie, assoiffé d’en sortir. Un solo poignant et sans complainte interprété par Thierry Raynaud, dont on se souviendra longtemps tant les mots sont pleins.
Plus le corps du personnage se remplit de vodka, plus il confronte sa propre vie au vide tout en résistant. Une table, des verres qui s’alignent et s’empilent une fois la boisson absorbée. Dès le départ, la rage prend le dessus pour se nicher ensuite dans l’explication d’une existence menée sous tension et progresser vers la divagation, pour le moins construite. Le reflet de l’homme ivre, qui semble une illusion d’optique au départ, se dessine et prend de l’ampleur dans un tracé fluorescent et grandissant, comme la mort qui s’impatiente. L’image projetée dans l’obscurité résulte de chaque mouvement de l’interprète, laissant au passage des traces de lumière en décalage, une impression qui s’apparente fidèlement à l’état d’ivresse.
L’auteur allemand, Rainald Goetz, aura choisi de limiter la structure de ses phrases à l’essentiel, comme un testament craché, crié, qui happe et qui tranche. Kolik est la dernière partie de son triptyque Guerre. Après avoir sondé le conflit des guerres dans la société contemporaine, puis celui de la sphère familiale, c’est l’individu qui est abordé dans Kolik. La pièce dure une heure dix minutes et défile à toute allure, au gré des verres de vodka qui se déverse dans le corps du personnage et bien au-delà, le texte de Goetz comme seul ami, subversif.
C’est une première pour Kolik à Montréal, dommage que le spectacle n’ait été présenté que deux jours. Le metteur en scène français, Hubert Colas, est devenu un incontournable dans l’univers théâtral, sans compter la complicité installée depuis 1994 avec l’acteur Thierry Raynaud.
Un véritable matraquage de mots emplit la salle de l’Usine C qui sombrera même un moment dans le noir absolu pour mieux sentir le vertige alcoolisé, désespéré du buveur. La répétition inscrite dans le texte de Goetz frappe comme un témoin de la souffrance de l’homme, de l’absurdité de cette souffrance qui même avec l’acharnement, se résout, comme l’individu, au sens de l’auteur, ne peut pas vaincre le modèle social. Extrait.
« Il boit
Moi
Encore
Mais pourquoi
Question pourquoi Mot
Réponse ordre rigoureux
Question pourquoi ordre rigoureux des mots
Réponse rigueur maximum dans exercice du test matériau
Question pourquoi Test de résistance Mot
Réponse Haine
Mot-réponse tais-toi
Mot tais-toi aï aï
Mot-réponse Discipline
Je répète Haine
Je ne demande pas Pourquoi
Je dis Matériau je dis c'est bien
Mot-réponse Haine
Je dis haine
Haine haine
Il boit. »