Après le succès de Junkyard/Paradis présentée la saison dernière à l’Usine C, Mélanie Demers revient avec Goodbye et poursuit son questionnement sur l’état du monde et les responsabilités individuelles.
Construit comme un implacable guide de l’adieu, Goodbye met en scène la multitude de petites morts que nous vivons quotidiennement. Et surtout notre réflexe à nous inventer et nous réinventer pour survivre aux imperceptibles deuils qui peuplent nos jours. En remontant le sens, en démontant et démontrant les ficelles de la représentation et en jouant de ses codes, les quatre protagonistes tissent, sur le plateau, le lien entre la création d’une œuvre et la création du monde.
Monstre doué d’instinct et d’intelligence, échappant au pouvoir de ses créateurs, Goodbye se multiplie et se fractionne, se répète et se fragmente pour se perdre dans son propre labyrinthe. Avec cette nouvelle pièce, Mélanie Demers invite le public à remettre en cause ses certitudes et sa façon d’appréhender le spectacle. Maîtrisé et captivant.
Depuis la fondation de sa compagnie Mayday en 2007, Mélanie Demers crée des œuvres politiques et poétiques qui résonnent autant comme des appels au secours que des invitations à la transformation. Épris d’une grande liberté d’esprit et de préoccupations très contemporaines, ses spectacles connaissent un rayonnement international avec des présentations dans une trentaine de villes en Europe, en Amérique, en Afrique et en Asie.
Mélanie Demers est l’une des quatre artistes en résidence à l’Usine C pour les trois prochaines saisons.
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Musique originale Jean-Sébastien Côté
Lumières et direction technique Alexandre Pilon-Guay
Travail de voix Sabrina Reeves
Assistante aux répétitions Anne-Marie Jourdenais
Crédits photo : Mathieu Doyon, Xavier Curnillon
Coproduction Festival TransAmériques
Résidences de création Garage Nardini, Compagnie Marie Chouinard, Usine C, Circuit-Est centre chorégraphique et Centre de Création O Vertigo
par Véronique Voyer
Plus qu’un au revoir
Chorégraphiée par Mélanie Desmers, la pièce Goodbye identifie les trois seules choses qui importent dans la vie, c’est d’ailleurs une danseuse qui questionne le public à ce propos : « tout ce qui compte, c’est la mort, l’amour et la mort de l’amour, non? ». Ces trois thèmes ne font qu’un au final, même s’ils se fuient, se chassent et s’attirent comme des aimants.
C’est sur un sol quadrillé noir et blanc que la partie commence. Un jeu d’échecs grandeur nature où le spectacle ne commence pas, si on se fit aux dires des danseurs. « Ah non! C’est pas ce que vous pensez là, c’est pas vraiment ça le spectacle… » Entre fausse représentation et authenticité, les danseurs cherchent sans trouver tout en offrant des figures de style amoureuses, des images de haine, d’espoir et de perte qui parlera à tous ceux qui ont eu le malheur d’aimer et de finir par ne plus aimer.
Présentée avec humour, cette danse reste sombre, car elle dissèque la mort d’un amour qui se bat pour vivre. Le combat des amoureux prend la forme d’un élan où chacun court l’un vers l’autre et l’humain devient un taureau qui charge l’instant d’une seconde avant de fondre dans un baiser dont l’intensité est parfaitement chorégraphiée. Si le combat est fluide entre l’homme et la femme qui danse, lorsqu’elles sont deux dames à s’affronter, tout devient pervers et bien plus violent ; le mouvement communique un besoin de vengeance, comme si l’une cherchait à marquer le territoire qui n’appartient à personne, au fond.
La danse compose la majeure partie de ce spectacle qui n’est pas dépourvue de chants et de paroles. De cet amalgame multidisciplinaire se dégagent des moments de grâce, lorsque, par exemple, le jeune homme fredonne une chanson des Beatles. Ce qu’il entonne pour retrouver les mots ou l’air devient subitement tragique à la seconde où il met le doigt dessus : « Oh! Darling I never mean to do you no harm » et c’est bien ça le pire. La mort de l’amour, c’est comme le dicton sur l’enfer, c’est un lieu pavé de bonne intention. Le danseur se surprend à hurler le temps d’une pirouette alors qu’il perd le contrôle du Oh Darling! a cappella. C’est d’un cri meublé de quelques pas où son corps convulse de douleur qu’il hachure cette phrase du Fab Four.
L’effet de répétition est saisissant, autant sur le plan chorégraphique que dans l’histoire de cette pièce qui se répète inlassablement, entre la vie et la mort de l’amour.
par Gabrielle Brassard (FTA, 2012)
« Il n’y a que trois choses vraiment importantes dans la vie : l’amour, la mort, et la mort de l’amour ». Voilà le credo de la nouvelle création de danse et de théâtre de Mélanie Demers, présentée à l’Agora de la danse dans le cadre du FTA du 6 au 8 juin.
Les interprètes, Brianna Lombardo, Chi Long, Jacques Poulin-Demers (qu’on a récemment vu dans Tout à vous de cœur, de Katia Gagné), ainsi que la chorégraphe, se livrent à un exercice de style qui déconstruit le thème de l’amour, mais aussi celui du rapport avec le public.
Dans un décor épuré, constitué d’un plancher en échiquier et de chaises de bois, les danseurs y évoluent en paires, parfois en trio. Le seul homme de la troupe exécute avec chacune des danseuses une performance, pendant que les autres observent ou dansent ailleurs sur la scène. Poulin-Demers apporte une touche humoristique à cette œuvre parfois un peu décousue. Des séquences se répètent avec des danseuses différentes, des bribes de textes sont également reprises, récitées dans un autre contexte et par d’autres interprètes. Mais à chaque fois, la pièce évolue dans d’autres directions.
Véritable mélange de danse et de théâtre, les textes bilingues de Goodbye évoquent l’amour et la mort, mais interpellent aussi le public. Quand ils ne dansent pas, les comédiens brisent le quatrième mur pour parler directement au spectateur. La fin est particulièrement réussie, grâce à Demers qui nous dit au revoir pendant près de dix minutes, sans pour autant nous faire quitter la salle.
Une certaine poésie se dégage de cette œuvre hétéroclite dans sa forme, particulièrement quand les filles dansent en trio. Le rythme est souvent brisé, alternant les numéros de danse, de théâtre, et même de chansons, mais le fil conducteur est bien présent, soit celui des valeurs humaines.
Mélanie Demers, fondatrice de la compagnie Mayday, présente ici une création ludique, et a choisi de s’amuser avec ses thèmes et de faire jouer ses danseurs. Rafraichissant et original.