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Du 16 au 18 janvier 2013, 20h
WorseIt's Going to Get Worse and Worse and Worse, My Friend
De et avec Lisbeth Gruwez

Après la saisissante présentation de Birth of Prey la saison dernière à l’Usine C, Lisbeth Gruwez revient avec sa nouvelle création, It’s Going to Get Worse and Worse and Worse, My Friend et démontre que le mot se révèle la plus puissante des armes.

Comment le langage s’empare-t-il du mouvement ? Comment le corps parle-t-il ? Tels sont les questionnements de cette création, inspirée des discours enflammés des politiciens et des grands tribuns qui galvanisent les foules, délivrant des messages de paix ou des déclarations de guerre.

Sur scène, nous assistons à une véritable chorégraphie du politique qui mêle séduction, persuasion et intimidation. Aux paroles du télévangéliste ultraconservateur Jimmy Swaggart qui retentissent sur le plateau, répondent les mouvements précis et tranchants de Lisbeth Gruwez, bientôt élevés en transe aussi hypnotique que terrifiante.

À l’heure où les discours haineux resurgissent un peu partout sur la planète, It’s Going to Get Worse and Worse and Worse, My Friend se révèle d’une clairvoyance saisissante.

En collaborant avec le chorégraphe et plasticien Jan Fabre, Lisbeth Gruwez s’est affirmée comme l’une des interprètes les plus iconoclastes de sa génération. À travers As Long as the World Needs a Warrior’s Soul, Je suis sang ou le solo Quando l’uomo principale è una donna, elle a imposé son énergie explosive alliée à une parfaite maîtrise technique pour devenir cette « guerrière de la beauté ». Depuis 2007, elle crée ses propres chorégraphies à travers sa compagnie Voetvolk, fondée avec le musicien et compositeur Maarten Van Cauwenberghe.


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Composition et son Maarten Van Cauwenberghe
Style Veronique Branquinho
Conseil artistique Bart Meuleman
Lumières Harry Cole
Photo Luc Depreitere
Remerciements à Tom de Weerdt

Production  Voetvolk vzw
Coproduction  Grand Theater Groningen, Troubleyn/Jan Fabre, Theater Im Pumpenhaus et AndWhatBeside(s)Death
Diffusion  Key Performance


Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: (514) 521-4493

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 Critique
Critique

par Véronique Voyer

Traduire le geste en mots


Crédit photo : Luc Depreitere

À la bordure d’un rectangle de lumière, Lisbeth Gruwez observe la salle avec désinvolture. Elle n’est ni dans l’ombre, ni sous les projecteurs, elle se campe dans le clair-obscur. Seule sur scène, sa position intensifie son sourire en coin et son air de défi.

Le solo débute en douceur, l’atmosphère sonore est ponctuée de syllabes hachurées. D’une main ferme, elle lisse l’espace comme on balaie les graines sur la table après le diner. Ses vêtements rappellent le conformiste de ce geste : chemise blanche boutonnée jusqu’en haut, pantalons bien repassés, souliers noirs cirés. Puis, le mouvement revient, se dédouble, se quintuple et évolue en danse viscérale et physique qui implique tout le corps.

Sous le titre, It’s Going to Get Worse and Worse and Worse, My Friend, Lisbeth Gruwez questionne la manière dont le langage s’empare du mouvement. Pour ce faire, la musique de son copain Maarten Van Cauwenberghe rencontre les discours enflammés du télévangéliste ultraconservateur Jimmy Swaggart et de quelques politiciens notables. Déclaration de guerre ou message de paix, on ressent l’énergie du discours sans pouvoir percevoir les mots.

La deuxième partie du spectacle impressionne par la précision des mouvements de la Flamande. Nous laissant en suspens, elle attend. Subitement, elle amorce un mouvement qui est interrompu par un « WAIT » retentissant. Alors qu’il est classique de chorégraphier des mouvements sur le tempo de la musique, Lisbeth Gruwez innove et pratique l’inverse. Ses mouvements font office de tempo et des mots remplacent la musique. La règle est établie, un mot précis succède à tel ou tel geste. Ainsi, elle se met à construire des phrases, et le mouvement devient sujet verbe ou complément, traduit simultanément. L’exercice demande une précision extrême et Lisbeth se montre à la hauteur du défi.

Dans ce solo, un discours fait trembler l’interprète. Si on n’entend pas un traitre mot, la sourdine laisse filtrer l’émotion. L’éloquence et l’énergie de l’orateur sont perceptibles tout comme le ton qui séduit, persuade et intimide l'auditoire. Alors que le corps de la danseuse se laisse porter dans un crescendo de convulsion, alors que le son du discours grimpe, le climax de la pièce explose sur des violons retentissants. La musique remplace le discours et la jeune femme exulte, saute, sourit dans un élan d’espoir ahurissant.

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