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18-19-20-26-27-28 septembre 2013, 20h
iShowLe iShow
Le spectacle s’adresse à un public de 18 ans et +.
Scènes de violence et de sexualité.
Cellule création et interprétation Hugo B. Lefort, Emile Beaudry, François Edouard Bernier, Sarah Berthiaume, Maxime Carbonneau, Patrice Charbonneau-Brunelle, Nathaly Charrette, Philippe Cyr, Laurence Dauphinais, Dominique Leclerc, Emilie Leclerc, Chanda Legroulx, Edith Patenaude, Gilles Poulin-Denis, Audrey Talbot
Cellule dramaturgie Sarah Berthiaume, Gilles Poulin Denis, Edith Patenaude
Cellule mise en scène Maxime Carbonneau, Philippe Cyr, Laurence Dauphinais

Après le vif intérêt qu’il a suscité à l’Usine C en février dernier, Le iShow est de retour pour nous plonger dans un univers entre le virtuel et la réalité, le privé et le public, là où le hasard s’invite.

Au-dessous de trois écrans vidéo géants qui retransmettent leurs recherches, quinze artistes naviguent de manière aléatoire sur les réseaux sociaux, tels Chatroulette, mettant en relation des internautes anonymes. Dès lors, tout devient possible ! À travers un enchaînement de tableaux, Le iShow joue de l’imprévisibilité que génère son dispositif et interroge les modes de rencontre modernes.

Jusqu’où sommes-nous prêts à nous dévoiler ? Quel réconfort trouvons-nous dans l’espace virtuel ? Que recherche-t-on dans ces conversations technologiques ? Autant d’interrogations qui nous travaillent au quotidien et desquelles Le iShow s’empare. Une proposition périlleuse et résolument branchée sur son époque.

Les Petites Cellules Chaudes est un collectif d’artistes pancanadien. S’éloignant du théâtre conventionnel, réinventant les liens avec le monde extérieur, les spectateurs et la scène, il crée un laboratoire multimédia à l’intérieur duquel sont explorées la mise à nu et la prise de risques. Entre technologie interactive, spectacle pluridisciplinaire et imprévus circonstanciels, Le iShow est son premier opus.


Section vidéo
une vidéo disponible


Cellule scénographie Patrice Charboneau-Brunelle
Cellule technique Émile Beaudry, Hugo B. Lefort, Maxime Carbonneau, Julie-Anne Parenteau-Comfort
Crédit photo Dimitrios Touloumis

Régulier 30$ / Ainés 27$ / Réduit 24$
Durée 75min

Production Les petites cellules chaudes
Présentation Usine C


Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: (514) 521-4493

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Dates antérieures (entre autres)

Créé dans le cadre du OFFTA 2012
Du 21 au 23 février 2013, Usine C

 
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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Jérémie Battaglia

Résultat d’un laboratoire de création basé sur les réseaux sociaux orchestré par Claude Poissant au Centre national des arts d’Ottawa, puis de quelques représentations lors du OFFTA 2012 aux Écuries, le iShow (ou Je m’occupe de transférer le message à Chanda), présenté pour trois jours seulement à l’Usine C, réunit 15 comédiens sur scène, placés devant leurs ordinateurs portables. On pourrait d’abord croire à un LAN Party, ces réunions de jeux en ligne, si ce n’était de la projection sur le mur à l’arrière-scène de trois écrans parmi les ordinateurs de la salle. Trois diffusions en direct de racolage sur le célèbre réseau Chatroulette, où les comédiens et comédiennes tentent d’entrer en contact avec des gens de partout à travers le monde, de communiquer tout en draguant ouvertement. Alors que le public prend tranquillement place dans la salle, il s’amuse des différents échanges. S’ensuit l’ouverture officielle de la pièce, soit une longue tirade sur la communication ininterrompue, obligatoire, flot de mots imposé jusqu’à ce qu’on y mette un frein.

Déconcertant, dérangeant, de facture beaucoup plus impressionniste que conventionnelle, le iShow aborde sans aucune retenue des thèmes d’une extrême contemporanéité : notre désir de plaire, qui se transforme en besoin irréfléchi de s’offrir en spectacle, de se révéler sans censure, de s’exhiber impunément. Celui de communiquer, de parler, de déjouer l’ennui de toutes les façons possibles. Avec intelligence, on tangue entre l’hommage et l’autodérision. Ce laboratoire technologique navigue ainsi sur plusieurs plateformes et réseaux sociaux : on discute de choses légères avec un homme en Espagne (-Elle est belle ta barbe… avez-vous Movember chez vous?), on reproduit certains vidéos viraux de YouTube, dont le « double rainbow » (plus de 36,5 millions de visionnements au moment d’écrire cette critique), le « David after dentist » (117,5 millions de visionnements) ou encore « Tequila, Heineken… » ; inutile d’écrire la suite, tout le monde connaît maintenant cette réplique culte. On se moque de Stephen Harper en créant un mashup, on montre ce garçon obèse jouer avec ses sabres laser, on explore la pornographie sur des live chats ; si la liberté semble sans limites, on découvre également que le concept d’intimité se veut totalement inexistant. Le nombre et l’accessibilité des sites pornographiques le prouvent bien, mais la troupe y va de façon encore plus sournoise, en lisant quelques statuts Facebook de gens dans la salle. Un voisin de siège, qui fut nommé, a candidement avoué que ceci était tout de même troublant. Preuve irréfutable que les réseaux sociaux ne sont pas des salons privés, mais bien des lieux publics et ouverts. Leçon à retenir : nous ne sommes jamais trop prudents.

Si le côté ludique prend souvent le dessus lors du iShow – le monde virtuel est tout de même un endroit d’évasion, entre autres choses –, certaines scènes, totalement troublantes, voire réellement choquantes, frappent de plein fouet le public. On ira jusqu’à rendre l’expérience immersive : alors qu’on diffuse sur écran les SMS échangés entre une mère et sa fille lors de la tuerie en Norvège du 22 juillet 2011, on utilise Google Earth pour se transporter sur l’île d'Utoeya, où est prisonnière la jeune femme. Un sentiment paradoxal nous immerge : le graphisme en trois dimensions rappelle les jeux vidéo, les paroles échangées sont parfois futiles, manquant même d’urgence vue la situation, mais malgré tout, notre cœur se broie au souvenir de ce jour funeste et désolant. Plus tard, on invitera une personne du public à visionner une certaine vidéo d’un Canadien tristement célèbre, d’une barbarie insoutenable – lors de la première, la foule a manifesté ouvertement son mécontentement en exprimant sa désapprobation. Si le but de l’exercice était d’éprouver le public, c’est tout à fait réussi ; l’indignation ressentie prouve que nous ne sommes pas encore totalement tombés dans cette indifférence de plus en plus grandissante face aux images explicites et sordides du Net.


Crédit photo : Jérémie Battaglia

Quelques moments de théâtralité s’immiscent au travers des expériences des jeunes gens, dont un échange d’aveux entre un homme et une femme, sur le désir et le choix de vivre ensemble, une chorégraphie enjouée et colorée, quelques élans de poésie « kitsch » (dont les paroles d’une chanson de Johanne Blouin) ainsi que la momification d’une des comédiennes, disparaissant sous d’innombrables petits bouts de papier qu’on colle sur ses vêtements et son visage. Moment fort comique aussi que fut cette tentative de jouer une scène de Cyrano de Bergerac avec l’aide d’un participant volontaire sur Chatroulette, qui devait lire les répliques qu’on lui balançait, y allant alors d’un retentissant « c’est quoi ce texte à la con? » ; une occasion en or de se poser de sérieuses questions sur la place de l’Art et des grands classiques dans cet univers virtuel où l’éphémère est trop souvent roi.

Le spectacle ne serait pas du tout le même sans l’audace de ses interprètes qui se mettent carrément à nu, faisant preuve de courage et d’inconscience volontaire, poussant l’expérience jusqu’au bout, incluant effeuillages et répliques (trop) suggestives des internautes. Et la plupart se débrouillent plutôt bien avec les différents logiciels, malgré les problèmes techniques qui surviennent immanquablement ; loin de nuire à la pièce, ceux-ci rendent le tout plus humain et plus sympathique.

Fascinant, ce iShow provoque de multiples réactions au sein du public, qui devient à la fin la vedette du spectacle, toutes les webcams braquées sur lui. Une des expériences les plus saisissantes et troublantes de l’année.

21-02-2013