PIGEONS INTERNATIONAL vous convie à une installation vivante, à une performance, à une pièce mi-théâtre, mi-danse, à un moment de recueillement silencieux. Venez passer quelques moments entourés de bois, en compagnie d’Éric Robidoux, et de quelques-unes des révélations que Sylvain Tesson a colligées dans son roman DANS LES FORÊTS DE SIBÉRIE.
Troquer les multitudes d’autos pour une multitude d’arbres. Échanger le bruit constant de la ville contre l’écho du pic bois sur un fond de vent silant entre les branches. Plutôt que de se déplacer partout, rester dans un seul endroit. Abandonner la lumière des écrans pour celle de la lune ou du soleil. Quitter la ville aux milles possibilités pour le calme plat de la forêt. Ne plus tendre vers, cheminer en vue de, concilier ceci avec cela, manoeuvrer pour arriver, tenter d’atteindre, négocier pour, évoluer dans le but de, aspirer à l’inspiration, prétendre un jour à mieux, convoiter plus, désirer le maximum, ambitionner davantage…
Arrêter tout, plutôt. Et regarder, sentir, écouter. Lorsqu’on n’a nulle part où aller, la seule direction encore logique, c’est vers le bas, sous l’endroit où l’on se trouve –c’est à dire toujours à la même place– et descendre profondément, creuser vers l’intérieur. Ironiquement, cela élève.
Sylvain Tesson s’est imposé durant six mois cet état d’immobilité révélatrice. Parisien et homme de son temps, il a osé le retrait de tout, le recueillement dans la cabane modeste au coeur de la forêt sibérienne à la recherche de lui-même et de la vérité.
Musique Owen Belton
Scénographie Paula
de Vasconcelos
Places limitées. Durée de la présentation, 50 minutes.
Production Pigeons international
Dates antérieures (entre autres)
Du 6 au 17 mai 2014, du mardi au samedi, à 10h du matin au Studio de Pigeons International
par Marie-Luce Gervais
Pigeons international est reconnue pour être une compagnie hybride qui se plaît à éclater les formes traditionnelles du spectacle. Alliant danse et théâtre, leurs créations se distinguent par leurs images poétiques, l’implication des corps et une dramaturgie aux enjeux parfois un peu nébuleux qui laisse beaucoup de place à l’imagination du spectateur.
Leur plus récente création, Dans les forêts de Sibérie, s’inspire du livre du même titre de Sylvain Tesson. Ce livre, c’est l’assemblage des réflexions et observations de l’auteur alors qu’il décide de s’exiler en Sibérie pour six mois : « Je me suis permis de m’installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie. Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j’ai tâché d’être heureux. Je crois y être parvenu. Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu ». Il s’agit de la quête de soi d’un homme moderne, à la fois poétique, touchante et profonde, qui décide de se retrouver grâce à la solitude, à la simplicité de la vie d’ermite et à l’exubérance de la nature. Sylvain Tesson a remporté le prix Médicis essai en 2011 avec ce magnifique texte.
Sur scène, aucune parole n’est prononcée, aucune histoire (au sens dramaturgique classique du terme) n’est racontée… Un homme, seul, évolue dans sa cabane de bois rond. Il n’est pas présenté, il ne se dévoile pas, il ne s’explique pas, il vit, tout simplement, et nous prend à témoin, observateurs que nous sommes, de sa solitude. Les mots de Tesson sont projetés sur un écran, qui sert également de fenêtre à la cabane, et guident le spectateur dans l’évolution et les différents états du protagoniste. Une trame sonore à la fois mélodique et hypnotique englobe le tableau qui, conjugué à la gestuelle précise et à la puissance des écrits, forme une cohésion poétique qui agit à la fois comme une étrange bouffée d’air frais et comme un doux tourment pour le spectateur.
Seul sur scène durant tout le spectacle, Éric Robidoux captive l’intérêt du spectateur du début à la fin avec une gestuelle précise et stylisée, une présence incroyable et une simplicité déroutante. Il est fascinant de voir ce corps massif d’homme des bois donner une impression d’apesanteur et de grâce. Autour de lui, la scénographie de Paula de Vasconcelos nous plonge littéralement au cœur d’une forêt sibérienne ; les nombreux rondins dégagent un effluve boréal qui séduira même les plus urbains.
Dans les forêts de Sibérie est une expérience multisensorielle, une hymne à la solitude régénératrice, un recueillement collectif silencieux, bref, une pause salvatrice dans la cacophonie du monde moderne.