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Du 29 septembre au 10 octobre 2015, 20h, 30 septembre et 7 octobre 19h
Macbeth
Texte Shakespeare
Traduction Michel Garneau
Concept, adaptation et mise en scène Angela Konrad
Interprétation Philippe Cousineau, Alain Fournier, Gaetan Nadeau, Dominique Quesnel et Olivier Turcotte

Enhardis par les prédictions des sorcières, Macbeth et Lady Macbeth, s’engagent dans un cycle meurtrier qui fera dérailler l’Histoire.

Avec ce capharnaüm-rock politico-existentiel, Angela Konrad s’empare du célèbre mythe shakespearien afin d’en extraire les mécanismes du pouvoir, autant de rouages qui mèneront le vieux couple stérile dans une quête irraisonnée et suicidaire de jouissance éternelle. Cette adaptation, dans la puissante traduction québécoise de Michel Garneau, jette une lumière terriblement révélatrice sur la logique néolibérale au coeur du couple maudit.

D’origine allemande, Angela Konrad a immigré au Canada après avoir étudié et travaillé pendant une vingtaine d’années en Allemagne et France. Elle fonde sa compagnie LA FABRIK et présente en 2013 à l’Usine C, Variations pour une déchéance annoncée, adaptation saisissante de La Cerisaie de Tchekhov, reprise ensuite au FTA 2015. Cette mise en scène lui a valu les éloges de la presse qui a souligné la pertinence de sa relecture des oeuvres, son esthétique théâtrale et sa direction d’acteurs. Angela Konrad est professeure à l’École supérieure de théâtre de la Faculté des arts de l’UQÀM.


Dramaturgie et assistanat à la mise en scène William Durbau
Conception lumière Cédric Delorme Bouchard
Scénographie Laurence Boutin-Laperrière
Costumes Marie-Audrey Jacques
Travail de diction Marie-Claude Lefebvre
Administration Sophie Lecathelinais

Durée environ 2h

Discussion avec le public après la représentation du 1er octobre

Production Compagnie La Fabrik Angela Konrad avec le soutien de l’UQAM

Présentation Usine C
Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: 514-521-4493

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Critique

Crédit photos : Vivien Gaumand

Pas évident de s’attaquer à un classique aussi joué que Macbeth. Pas évident non plus de tenter de l’actualiser tout en gardant l’essence même du texte original. La vérité est qu’Angela Konrad, metteure en scène d’origine allemande, n’a pas peur des défis. Après avoir présenté Variations pour une déchéance annoncée, adaptation de La Cerisaie de Tchekov, et Auditions ou Me, Myself and I, une réappropriation de Richard III de Shakespear, on peut dire que Madame Konrad est passée maître dans l’appropriation et la relecture de grands classiques du répertoire. Si celle-ci a l’habitude de créer à partir des grandes œuvres, elle s’est, cette fois-ci, laissée inspirer par une tradaptation déjà existante, celle du poète Michel Garneau datant de 1978, pour laquelle elle a eu un grand coup de foudre : « Et je me suis rendu compte que toutes les traductions françaises que je connaissais n’étaient que des versions édulcorées. Garneau a fait un travail d’une très grande envergure sur l’archaïsme de la langue, et il rend à Shakespeare ses dimensions politique, poétique et pulsionnelle.» L’utilisation d’un français du 17e siècle aux allures très imagées crée un intéressant parallèle entre l’Écosse, pays de Macbeth, et le Québec, ce qui permet une identification au récit.

Classique parmi les classiques, Macbeth raconte l’histoire d’un héros de guerre et de sa femme qui, influencés par la prémonition de sorcières, complotent afin de tuer le roi et de prendre sa place. Partagés entre remords et ambitions, ce nouveau pouvoir les mènera à leur perte. Dans ce « capharnaüm-rock politico-existentiel », tous les interdits semblent être franchis pour laisser place à une sorte de sabbat expiatoire jouissif. La performance des acteurs y est renversante : Philippe Cousineau (Macbeth) et Dominique Quesnel (Lady Macbeth) ont un retournement de personnages prodigieux, alors qu’Alain Fournier, Gaétan Nadeau et Olivier Turcotte (les sorcières, en plus de tous les autres personnages) font preuve d’une polyvalence surprenante et d’une exquise folie. La scénographie (Laurence Boutin-Lapierre), d’abord assez épurée, se transforme au gré de la folie des protagonistes pour devenir, à l’image de leur esprit, un véritable fouillis. L’ambiance sonore (Simon Gauthier) et les éclairages (Cédric Delorme-Bouchard) plongent dans un univers étrange, hypnotique et mystérieux. Une projection en direct permet de multiplier les points de vue sur l’action dramatique en affichant la théâtralité, en créant un espace « voyeur » et intime, et en montrant les démons qui possèdent et manipulent les personnages.

Que ce soit par l’utilisation de tabous théâtraux (de vieilles superstitions qui, au théâtre, empêche l’utilisation d’une corde, la prononciation de Macbeth et les éclairages verts, notamment), par la masculinisation des sorcières, par l’actualisation du classique grâce aux nouvelles technologies et à la musique moderne, par la richesse et la complexité de la langue utilisée, ce Macbeth d’Angela Konrad fait preuve d’une audace, d’une originalité et d’une profondeur qui risque de vous donner qu’une seule envie : revenir voir ce spectacle déjanté !

02-10-2015