Le schuhplattler (battre la semelle) est une danse folklorique de Bavière et du Tyrol ayant survécu au fil des générations. Alessandro Sciarroni, tête de file de la danse contemporaine, utilise cette forme ancienne comme point de départ pour une étude chorégraphique du rythme, mais aussi de la résistance du corps. À partir d’une séquence obsédante, indéfiniment répétée, l’espace rythmique se redessine au présent : des soli, des duos émergent suivant leur propre logique, et le groupe se transforme tel une matière organique en constante évolution. Éloge de la puissance percussive des corps, Folk-S éprouve six interprètes dans un flux répétitif où le détail et la faille révèlent la sublime fragilité des corps.
Alessandro Sciarroni est un performeur, chorégraphe et metteur en scène, avec une formation en arts visuels et plusieurs années de pratique théâtrale. En 2013, sélectionné pour être le premier artiste italien soutenu par “Modul-Dance”, un projet de coopération entre 19 centres de danses européens, il a été également récompensé par le prix du meilleur espoir par le magazine italien Danza&Danza. Sa création Folk-S a ouvert l’édition 2013 des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis. Éloge de la puissance percussive des corps, Folk-S éprouve six interprètes dans un flux répétitif où le détail et la faille révèlent la sublime fragilité des corps.
Section vidéo
Musique originale Pablo Esbert Lilienfeld
Vidéos et images Matteo Maffesanti
Conception lumière Rocco Giansante
Éclairage et soutien technique en tournée Cosimo Maggini et Valeria Foti
Costumes Ettore Lombardi
Soutien moral Rosemary Butcher
Conseiller dramaturgique et casting Antonio Rinaldi
Directrice de production Marta Morico
Consultante à la chorégraphie Tearna Schuichplattla
Photo Matteo Maffesant
Discussion avec le public après la représentation du jeudi 23 février
Tarifs : Rég. 35$ | Ainé 32$ | Réduit 30$
Une production de Marche Teatro Teatro Di Rilevante Interesse Culturale -- Progetto Archeo.S – System Of Archeological Sites Of The Adriatic Seas
Co-fondé par Ipa Adriatic Cross-Border Cooperation Program
En collaboration avec Corpoceleste_C.C.00#
Supporté par Inteatro, Amat-Civitanova Danza Per “Civitanova Casa Della Danza”, Centrale Fies, Choreoroam Europe : Centro Per La Scena Contemporanea - Comune Di Bassano Del Grappa, The Place / London, Dansateliers / Rotterdam, Dance Week
Festival / Zagreb, Paso A 2 / Certamen Coreográfico De Madrid
Proposer l’interprétation moderne d’une danse traditionnelle austro-bavaroise, il fallait oser. Alessandro Sciarroni l’a fait. L’un des espoirs de la scène artistique italienne, qui a passé dix ans sur les planches avant de mettre en scène ses propres performances, restreint ici la danse à une seule ligne chorégraphique répétée jusqu’à épuisement. Et frôle le génie.
Si Alessandro Sciarroni avait décidé de décontenancer les habitués des salles de spectacle, il ne s’y serait pas pris autrement. C’est que dès l’entame de FOLK-S Will You Still Love Me Tomorrow, l’œuvre s’émancipe des codes de la représentation scénique. Les spectateurs n’ont pas encore pris place et déjà les danseurs, plongés dans la pénombre, tapent des pieds en cercle, ponctuant leurs battements de cris brefs. On ne distingue pas leurs visages, mais l’approche sensorielle n’en est pas moins forte. Est-ce une danse à écouter que nous propose l’Italien ? Voilà que le plateau s’éclaire, et que les six interprètes – bermudas et tee-shirt pour la plupart, un seul porte l’habit traditionnel tyrolien - se lancent dans la chorégraphie typique du schuhplattler, tout en sautillements, claquements de mains, gifles sur les cuisses et sur les pieds. Nouvelle rupture de rythme quand un danseur s’avance pour prendre la parole : la performance prendra fin lorsqu’il ne restera qu’un seul interprète sur scène, ou qu’un seul spectateur dans la salle. Que ceux qui souhaitent partir se sentent libres, mais qu’ils soient avertis que, suivant la formule, toute sortie est définitive.
Quelle étrangeté va bien pouvoir se dérouler sous nos yeux pour que la tentation de s’en aller soit si grande ? Surtout, qui osera se lever et quitter l’Usine C en plein spectacle, au mépris de toute bienséance ? Les règles du jeu sont posées, la compétition d’endurance entre les danseurs et le public peut commencer.
Le schuhplattler reprend donc de plus belle, tandis que les six interprètes restent impassibles. L’effort physique, pourtant, est réel. Les cuisses rougissent, les taches de sueurs s’élargissent sur les chandails. Le titre de la pièce, au regard du sacrifice demandé par Sciarroni, prend peu à peu tout son sens. Mais si la performance est assurément répétitive, elle est loin d’être monotone. À force d’être dupliquée, la seule et unique suite chorégraphique devient presque aussi naturelle qu’une marche, ou qu’une respiration. Et à partir de ce matériau inédit, les danseurs composent un ballet où les lignes se construisent et se disloquent, où les duels meurent aussi vite qu’ils naissent, le tout sublimé par des éclairages variés et une bande-son envoûtante. Au fur et à mesure que les danseurs abandonnent, une surprenante proximité se crée entre les « survivants » et les spectateurs – toujours ancrés sur leurs sièges, malgré l’autorisation de partir. On croit deviner dans un regard la volonté qui flanche, dans une pause un peu trop longue les prémisses d’un abandon. Mais par quel charme, par quelle magie ce groupe de plus en plus clairsemé nous embarque-t-il dans sa transe, au point que l’on voudrait que ça ne s’arrête jamais ? On ne vient pas voir FOLK-S… pour être ébaubi devant les prouesses techniques des artistes, mais pour voir le dépassement de soi à l’œuvre, et pour partager avec eux, pendant 90 minutes, un instant de complicité et finalement d’euphorie pure.