Transthéâtre s’empare du chef d’oeuvre ayant valu le prix Pullitzer à David Mamet et propose une nouvelle traduction / adaptation. Glengarry Glen Ross nous plonge dans le monde des requins de l’immobilier vivant selon les règles d’un capitalisme outrancier : mensonges, intimidation, corruption, fraude et vol - tout est permis. Mais, cette fois-ci, les requins sont des femmes. Brigitte Poupart met en scène, dans une distribution hors-pair entièrement féminine, cette terrifiante course au profit, jalonnée de joutes verbales féroces et d’un humour terriblement astringent. Une intrigue à suspense comme on en savoure peu souvent au théâtre.
Formée au Conservatoire d’art dramatique de Montréal, Brigitte Poupart est une artiste multidisciplinaire exceptionnelle. Depuis 1990, elle a joué dans plus d’une trentaine de productions théâtrales autant sur les scènes institutionnelles que sur les scènes marginales de création. Elle a cofondé en 1991 la compagnie Transthéâtre qu’elle dirige et où elle produit ses propres créations. Elle a réalisé Over My Dead Body (2012), un film sur le chorégraphe Dave St- Pierre. Parmi un nombre prodigieux de projets, Brigitte Poupart a joué pendant cinq ans dans la comédie télévisée Catherine, elle a réalisé les mises en scène et conceptions de performances musicales de grandes envergures, elle a fait la direction artistique de la Fête nationale sur les Plaines d’Abraham en 2014 et 2015, et elle a signé sa première mise en scène au Cirque du Soleil avec le spectacle LUZIA.
Assistance à la mise en scène : Valéry Drapeau
Régie: Sonia Montagne
Lumières : Alexandre Pilon-Guay
Scénographie: Geneviève Lizotte
Conception sonore: Carlos Ferrera Garcia
Musique : Stéphane Boucher
Stylistes: Denis Gagnon et YSO
Accessoires: Carol-Anne Bourgon Sicard
Direction de production: Eve Marchand
Direction technique: Olivier Gaudet Savard
Coordination de production: Mélissa Blais
Durée 1h30
Discussion avec le public après la représentation du jeudi 4 mai
Tarifs : Rég. 38$ | Ainé 35$ | Réduit 30$
Production Transthéâtre
Pour terminer sa saison 2016-2017, l’Usine C présente Glengarry Glen Ross, une pièce écrite en 1983 par l’auteur américain David Mamet, qui lui a d’ailleurs valu un prix Pulitzer. Inspirée de la réalité de la vente immobilière à Chicago dans les années 1960, la pièce rend compte de la pression qu’ont les employés d’une entreprise pour « closer » le plus de ventes possibles afin de se classer dans le haut du palmarès et ainsi éviter d’être mis à la porte. Or, une nuit, la liste des clients « premium » de l’agence se fait voler et une enquête est ouverte pour trouver le coupable.
Partant du constat que « l’appât du gain est asexué », la metteure en scène Brigitte Poupart a choisi de transposer la pièce dans un univers entièrement féminin. Ce bouleversement n’ajoute toutefois pas grand-chose à la pièce, sinon de la rapprocher de la réalité du monde immobilier où les femmes sont désormais majoritaires, ainsi que de montrer que les femmes peuvent être aussi sans pitié que les hommes. Toutefois, les coupures faites dans le texte font en sorte d’atténuer l’intelligence perverse des personnages en plus d’affaiblir la virtuosité de la joute verbale qui s’opère entre les vendeuses.
C’est avec un immense plaisir que l’on retrouve Micheline Lanctôt sur scène, dont la dernière apparition remonte à L’homme laid de Brad Fraser, monté au Quat’sous en 1993. Elle incarne Shelley « The Machine » Levene, ancienne vendeuse étoile maintenant déchue, prête à tout pour rester dans le coup et remonter dans la hiérarchie de l’entreprise. Lanctôt laisse entrevoir la fragilité de son personnage tout en faisant ressentir son passé de requin de la finance. Il faut aussi dire que la comédienne connaît bien l’œuvre de Mamet, pour l’avoir enseignée à ses étudiants de l’Université Concordia. Louise Bombardier, qui a souvent incarné des femmes fortes dans sa carrière d’actrice, interprète Ginette, une femme facilement manipulable qui ne semble pas trouver sa place au sein de son équipe de collègues prêtes à tout pour atteindre ses objectifs de ventes. Son personnage porte en lui une bonne partie du comique du spectacle, notamment lorsqu’elle se retrouve malgré elle à devenir complice des magouilles de Moss (jouée par une Isabelle Miquelon fort convaincante). Malheureusement, le reste de la distribution s’avère plus faible. Un déséquilibre s’opère donc entre des interprètes flamboyantes et d’autres plus hésitantes.
Brigitte Poupart privilégie une direction d’actrices réaliste qui se rapproche de celle que l’on retrouve au cinéma. Les voix des interprètes sont amplifiées afin de leur permettre de rester le plus naturelles possible. Toutefois, loin de passer inaperçu, cet appareillage technique ne fait que renforcer l’artificialité du dispositif. La conception sonore du spectacle de Stéphan Boucher, qui mélange de la musique inquiétante avec des bruitages, accentue le stress que ressentent les vendeuses. L’influence cinématographique se manifeste également dans les éclairages d’Alexandre Pilon-Guay, qui changent radicalement pour chacune des scènes. La représentation du vol de dossiers est particulièrement réussie d’un point de vue visuel, alors que dans l’obscurité, les comédiennes traversent la scène avec des boîtes remplies de papiers qu’elles renversent sur le sol.
La pièce Glengarry Glen Ross est régulièrement présentée au Québec. Il y a tout juste un an, le Rideau Vert en avait présenté une version plus classique qui avait séduit le public. Si la proposition semblait alléchante sur papier, force est de constater que la relecture féministe de Brigitte Poupart n’enrichit malheureusement pas le regard que l’on porte sur l’œuvre phare de David Mamet, bien au contraire.