Ce projet philosophico-pop cherche à créer un lien direct entre des réflexions d’ordre philosophique et les chansons de la pop américaine (Shirley Bassey) et de la brit-pop (THE SMITHS). Ce « show » interroge les rapports entre la « culture du narcissisme » et la quête du bonheur. Il relate l’histoire d’un homme (Eric Bernier) qui, au terme de ses élucubrations et divagations sur l’amour et ses défaites, s’achète un chien. Trois danseurs et une danseuse complètent ce tableau d’une dérision tragique.
Texte et mise en scène Angela Konrad
Avec Eric Bernier et Marilyn Daoust, Luc Bouchard Boissonneault, Sébastien Provencher, Nicolas Patry, Emmanuel Proulx
Crédits supplémentaires et autres informations
D’après Alain Badiou, Alain Ehrenberg, Sigmund Freud, Christopher Lasch et Bernhard Stiegler
Assistance à la mise en scène William Durbau
Chorégraphie Marilyn Daoust
Conception lumière Cédric Delorme-Bouchard
Scénographie Anick La Bissonnière
Conception costume Linda Brunelle
Assistance costume Marie-Audrey Jacques
Maquillage Angelo Barsetti
Conception sonore Simon Gauthier
Conceptiomn vidéo Julien Blais
Musique The Smiths + Shirley Bassey
Crédit photo LePigeon
Du mardi au vendredi 20h, samedi 16h
Durée 1h20
Tarifs
Régulier 38$
Aîné 34$
Réduit 32$
Sur invitation d’Angela Konrad, le photographe Le Pigeon exposera à l’Usine C une œuvre murale en lien avec le spectacle. Du 6 octobre au 23 novembre.
Coproduction Usine C + Compagnie LA FABRIK.
En résidence à l’Usine C depuis quelques années seulement, voilà qu’Angela Konrad propose un premier texte de son cru dont elle assure également la mise en scène. Avec Last night I dreamt that somebody loved me, celle-ci dresse le portrait d’un homme empreint d’un narcissisme profond en quête de bonheur qui, au terme de ses échecs amoureux, décidera de combler son manque d’affection avec un chien. Poursuivant son but de représenter la vulnérabilité de l’homme à l’état brut, la fondatrice de LA FABRIK, compagnie qui coproduit le spectacle, offre une hybridation de la culture pop américaine de Shirley Bassey et de la brit-pop du groupe The Smiths, interprète de la chanson thème de la pièce qui lui donne également son titre. C’est donc dans cette ambiance musicale qu’Éric Bernier, grand favori de la metteure en scène pour le rôle, incarne le seul protagoniste auquel s’ajoutent quatre danseurs reflétant, de façon poétique, l’arrogance tragique de celui-ci. À travers des propos assez lourds de sens, une confrontation s’opère entre le naturel égoïste de l’humain à la recherche de son « moi » et son désir d’assouvir un besoin d’amour charnel, tandis qu’une légère pointe d’humour équilibre le tout.
Présentée dans la grande salle du théâtre, la pièce se joue sur une scène presque vide. Long monologue d’une heure et demie, le texte est conçu pour le seul acteur de la distribution qui, avec l’aide des danseurs, réussit étonnement à occuper, sans perte, tout l’espace mis à sa disposition. C’est surtout l’éclairage de Cédric Delorme-Bouchard qui, malgré sa simplicité, habille magnifiquement bien la scène et offre au regard un effet de clair-obscur remarquable. Donnant à voir un jeu d’ombre fort signifiant, un corridor blanc commence à jardin et s’achève au milieu de la scène. Les projecteurs, positionnés sur les côtés, à la vue de tous, suggèrent clairement la scène comme le lieu dramatique et proposent une implication plutôt sympathique du spectateur. D’ailleurs, le travail exceptionnel des différents concepteurs mérite de sincères applaudissements pour avoir élaboré un univers aussi précis avec peu de matériaux. Le plaisir de Bernier à y circuler en toute quiétude ne le rend que plus crédible dans son rôle qui, en éternel adolescent, s’abandonne complètement sur le rythme des chansons. Accompagnant même quelques fois les danseurs, l’investissement physique constant du comédien est à féliciter.
En cette ère de consommation, ironie et pathétisme s’entrecroisent dans l’écriture et la mise en scène d’Angela Konrad. Comme pour illustrer un quotidien qui ressemble de plus en plus à une tragicomédie, la femme de théâtre a choisi de s’orienter vers un jeu corporel tantôt comique, tantôt touchant, qui parait aisément exprimer cette idée sans obligation de préciser par des mots. Il faut admettre que la conception sonore de Simon Gauthier a certainement contribué à nourrir l’inspiration de la metteure en scène. Parfait reflet de l’état du protagoniste en scène, la gestuelle de Bernier semble trouver davantage son sens par la musique. Le public se plait à constater que le mouvement se révèle, parfois, plus habile à transmettre une intention que la parole. Une redondance s’observe, néanmoins, dans le discours et peut, à la longue, nuire à l’appréciation générale de certains même si l’effort d’alléger, par le geste, la densité du discours oral est notable.
L’entrée en scène d’un chien bien vivant est mémorable. Effaçant toute tension, le public ne peut qu’être attendri par cette source sûre de bonheur. Voyant la complicité qui règne entre l’interprète et son partenaire canin, tous n’ont d’autre choix que de quitter la salle avec un large sourire. Vectrice d’espoir, la pièce Last night I dreamt that somebody loved me se termine par une finale des plus « rebondissantes » invitant chacun, même les plus sceptiques, à rêver encore à l’amour nuit après nuit. De quoi se réconcilier avec les défaites passées !
14-10-2017