Éric et Rosa, deux anciens militants socialistes opposés à Pinochet, ont fui le Chili en laissant derrière eux leur fils alors âgé de 7 ans. Vingt ans plus tard, leur couple est à la dérive et Éric entretient une relation adultère avec un jeune homme, Luca, qui bientôt leur révèlera sa véritable identité. Cette tragédie toute contemporaine, portée par la langue frontale et l’humour acide de l’auteur suédois Lars Norén, est d’une puissance bouleversante.
Brigitte Haentjens est réputée pour ses productions originales et avant-gardistes et son approche du théâtre contemporain inspirée et poétique. En 40 ans de carrière, elle a mis en scène plus de 50 productions et reçu de nombreuses distinctions. Elle est directrice artistique de la compagnie Sibyllines qu’elle a fondée et du Théâtre français du Centre national des Arts.
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène et régie Jean Gaudreau
Scénographie Anick La Bissonnière
Lumière Alexandre Pilon-Guay
Musique Bernard Falaise
Costumes Julie Charland
Vidéo Antonin Gougeon
Accessoires Julie Measroch
Maquillage et coiffures Angelo Barsetti
Recherche dramaturgique Andréane Roy
Collaboration au mouvement Mélanie Demers
Mise en espace sonore Frédéric Auger
Photo Angelo Barsetti
Durée 1h30
Discussion avec le public
après la représentation du jeudi 30 janvier
Bord de scène le jeudi 6 février
Brigitte Haentjens rencontre Véronique Cnockaert
Tarif
28 JANV → 1 FÉV 35 $ 32 $ 30 $
4 → 8 + 11 → 15 FÉV 40 $ 36 $ 34 $
Une création Sibyllines en coproduction avec le Théâtre français du CNA en codiffusion avec l’Usine C.
Après avoir monté Le 20 novembre en 2011, Brigitte Haentjens replonge dans l’écriture de l’auteur suédois Lars Norén avec Sang, une réécriture d’Œdipe Roi de Sophocle. Si sa réputation de metteure en scène n’est plus à faire, elle offre avec cette nouvelle création l’un des spectacles les plus aboutis de sa carrière.
Dès le départ, les repères du public sont réduits à néant alors que l’entrée en salle se fait par le sous-sol de l’Usine C plutôt que par les portes habituelles. Les spectateurs empruntent des couloirs labyrinthiques et de longs escaliers avant d’atteindre la salle où quatre gradins sont disposés autour d’une arène rectangulaire. Le décor quadrifrontal d’Anick La Bissonnière sert à la fois de plateau télé et de ring où se déchireront les personnages. Un système de sécurité muni de quatre caméras donne accès aux corridors de la bâtisse que les comédiens parcourent avant leur entrée en scène, sous l’œil intrigué des spectateurs. Une fois le public assis dans les gradins, le régisseur Jean Gaudreau (qui assume aussi l’assistance à la mise en scène de la pièce) prend plusieurs minutes pour sortir tous les accessoires cachés dans la rambarde qui encadre la scène (livres, bouteilles de vin, coupes, chaîne stéréo). Les comédiens entrent, déambulent, puis un signal marque le début d’une entrevue télévisée entre une animatrice interprétée par Alice Pascual (crédible et convaincante) et Rosa, une journaliste ayant dû fuir le Chili suite au coup d’État du 11 septembre 1973. Le quatuor de comédiens est complété par Sébastien Ricard (un psychanalyste torturé) et Émile Schneider (un étudiant en médecine ayant perdu la mémoire de son passé). Tous offrent une performance remarquable axée sur une gestuelle précise. Certaines scènes chorégraphiées par Mélanie Demers donnent lieu aux moments les plus saisissants de la pièce, dont une scène sadomasochiste pratiquement insoutenable.
...les thèmes chers de Haentjens que sont l’identité, la sexualité et le pouvoir s’entrelacent pour donner lieu à un spectacle d’une rare cohérence, défendu par une brochette d’acteurs et d’actrices au sommet de leur art.
La mise en scène de Brigitte Haentjens ne cesse d’afficher la théâtralité du spectacle. Les interprètes restent par exemple présents tout au long du spectacle, se retirant simplement en périphérie lors des scènes où leurs personnages sont absents. Ils se retrouvent alors à quelques centimètres des premières rangées de spectateurs, dans une intimité rarement poussée aussi loin au théâtre. Leur posture redouble alors celle du public, alors qu’ils assistent à leur propre drame auquel ils ne pourront pas échapper. Tel l’oracle de Sophocle, Sang met en évidence l’omniprésence des médias de la société contemporaine. La pièce s’ouvre et se ferme d’ailleurs avec une entrevue télé où le traditionnel coryphée adopte les traits d’une animatrice d’enquête volontairement caricaturale se passionnant pour les récits de vie atypiques.
Le texte de Norén multiplie les références explicites au mythe d’Œdipe. Non seulement le fils baisera et tuera à la fois sa mère et son père, mais l’auteur a fait le choix de camper sa pièce durant les années 1990, en pleine crise du sida, rappelant l’épidémie de peste de l’histoire originale. Seule la fin s’écarte un peu de ce mythe millénaire, alors que le personnage central sort de l’aveuglement dont il a été victime au profit d’une lucidité et d’une prise de conscience salvatrices. Les dialogues froids, intellectuels et réfléchis de Norén contrastent avec la tension sexuelle dangereusement palpable entre la mère, le père et le fils. Ainsi, les thèmes chers de Haentjens que sont l’identité, la sexualité et le pouvoir s’entrelacent pour donner lieu à un spectacle d’une rare cohérence, défendu par une brochette d’acteurs et d’actrices au sommet de leur art.