Du 23 octobre au 3 novembre 2007
Le Baiser de la veuve
Texte : Israël Horovitz
Mise en scène : Mario Borges
Avec Élisabeth - Julie Beauchemin, Kevin - Marc-François Blondin, Benoît - Antoine Bertrand
Dire ou ne pas dire…
Le Théâtre À Qui Mieux Mieux III présente Le
baiser de la veuve de l’auteur américain Israël Horovitz
du 9 au 26 novembre prochain à l’espace Geordie, dans une mise
en scène de Mario Borges.
Dans un petit bled perdu,
deux copains d’enfance se retrouvent dans une usine où ils travaillent
à recycler le papier. Benoît (Antoine Bertrand) dit «le
taureau» et Kevin (Marc-François Blondin) dit «le grand
fouette» passent beaucoup plus de temps à se remémorer
leur turbulente adolescence qu’à fabriquer des ballots de papier.
Élisabeth (Julie Beauchemin), une ancienne camarade de classe, est
de retour au village après sept ans d’absence où elle
rend une dernière visite à son frère agonisant. Rassemblés
par le hasard de la vie, ces trois anciens amis font face à leurs vieux
souvenirs et aux traumatismes laissés par une lointaine soirée
bien arrosée.
Horovitz aborde, avec lucidité, cruauté et vérité
des questions chères à toutes personnes ayant été
victime d’une quelconque agression ou d’un abus grave : doit-on
se faire justice soi-même ? Doit-on pardonner où venger un geste
qui atteint notre intégrité ? La souffrance de l’agresseur
a-t-elle la même valeur que celle de la victime ? À qui incombe
la responsabilité de la révolte de nos enfants ?
Élisabeth : Pendant des années, j’me suis posée
la même question, comme une zombie : « Pourquoi moi ? J’l’ai
tu cherché ? J’tais tu trop fine ? J’avais-tu l’air
d’une fille facile ? »
Né en 1939
dans le Massachusetts, aux États-Unis, le dramaturge Israël Horovitz
est l’auteur d’une cinquantaine de pièces, traduites en
plus de trente langues. Le baiser de la veuve fait partie d’une
douzaine de pièces écrites à la fin des années
1970, mettant en situation des personnages issus de la classe ouvrière.
Le Théâtre À Qui Mieux Mieux III a été
formé dans une perspective de collaboration à long terme. Le
projet présenté revêt pour ses membres une importance
capitale, puisqu’il constitue le point de départ de leur démarche
artistique : mettre de l’avant un théâtre hyperréaliste
où la parole agit comme élément déclencheur d’une
catharsis sociétale.
Une création de Rivage, en collaboration avec Théâtre À Qui Mieux Mieux
Espace Geordie
4001, Berri
Réservations : 514.826.4239
www.lebaiserdelaveuve.com
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Dates antérieures
Du 9 au 26 novembre 2005
par David Lefebvre (2005)
Dramaturge, scénariste, nouvelliste, comédien,
metteur en scène, Israel Horovitz (père du Beastie Boy Adam
"King Ad-Rock" Horovitz) connaît une carrière prolifique.
Avec plus de 50 pièces de théâtre à son actif,
sans compter ses scénarios pour le cinéma, il est traduit à
ce jour dans une vingtaine de langues différentes. Il serait d'ailleurs
l'auteur américain le plus traduit en français. Né en
1939 dans le Massachusetts, il écrit sa première pièce
à 17 ans qui est jouée à Chicago. Très grand coureur,
ses textes sont souvent des morceaux qui martèlent, tels des souliers
qui frappent le sol, avec rythme et précision.
Le Baiser de la veuve est la traduction de The Widow's Blind
Date, produite pour la première fois en 1977 à New York.
Dans une petite ville, à l'intérieur d'une usine de recyclage
de papier, deux hommes, Benoît (Antoine Bertrand), l'homme costaud et
Kevin (Marc-François Blondin), un grand maigre venu l'aider, discutent,
blaguent, s'insultent et refont le passé tout en buvant leur bière.
Benoît parle alors d'Élisabeth (Julie Beauchemin), une fille
qu'ils ont connu à l'école, éduquée et maintenant
veuve, qui revient dans le coin à cause de son frère mourrant.
Benoît doit d'ailleurs la rencontrer ce soir-même, puisqu'ils
ont rendez-vous pour souper. Au moment où elle fait irruption à
l'usine pour venir prendre Benoît, l'ambiance change. Soudainement,
les phrases et les sous-entendus macho prennent un tout autre sens, beaucoup
plus dangereux. Les deux hommes se montent littéralement l'un contre
l'autre, avec l'aide subtile d'Élisabeth. Un grand secret les unit,
un cauchemar qui les hante depuis plus de 13 ans, et c'est ce soir que tout
explose avec puissance.
Oubliez la dentelle et les fleurs bleues : Le Baiser de la veuve est une pièce trash, une pièce d'horreur du quotidien. Elle
est d'une rare violence, autant physique que psychologique, que la petitesse
de l'Espace Geordie rend parfois difficile à supporter. Tels des acrobates,
les comédiens marchent sur une mince ligne. Le jeu est très
réaliste, et malgré les coups, les cris, la hargne, on peut
sentir le grand respect qui unit les trois excellents interprètes (car
il en faut pour arriver à jouer de tels personnages, sans craquer).
L'intensité est à son maximum, dès le début, malgré
les petits discours supposément inoffensifs entre les deux hommes.
Dans notre société aux écrans remplis d'atrocités,
de terreurs d'ailleurs, on se croît à l'abri, en sécurité.
Pourtant, des histoires de cauchemars se vivent par nos amis, nos parents,
nos proches. Des histoires qu'on ne veut pas connaître, ni voir ni entendre.
Il faut pourtant les exposer, les regarder en face, les comprendre pour ne
pas qu'elles se répètent. Avec un peu d'alcool et de drogues,
ces adolescents ont posé des gestes abominables, affreux, indélébiles.
Laissés à eux-mêmes, dans une petite ville, sans grande
instruction, sans moyen, sans savoir communiquer, ils doivent vivre avec cette
solitude, avec une plaie béante. Faut-il se faire justice soit-même?
Peut-on pardonner? Comment? Ou alors peut-on arriver à oublier? Ces
réflexions sont amenées dans la mise en scène coup de
poing de Mario Borges, qui ne pose pourtant aucun jugement sur les différents
personnages. Ce sont ici des mal aimés, des mal aimants, et une victime
qui devait parler, extérioriser enfin ce qu'elle vit depuis.
Le décor et les éclairages, très réussis, de
Michel St-Amand, et l'environnement sonore d'Alain Jenkins nous plongent avec
encore plus de facilité dans l'univers de Horovitz et Borges. Le
Baiser de la veuve bouscule, percute, et ça fait mal, même
longtemps après la fin du spectacle. Aucun homme dans la salle, moi
le premier, n'a aimé se voir de la sorte, se reconnaître un tant
soit peu dans ces hommes ou dans leurs propos. Mais il le faut, même
si cela peut être dur à digérer. À voir.
10/11/2005