Du 2 au 13 octobre 2007
Les Quatre Morts de Marie
Texte de Carole Fréchette
Mise en scène : Jean-François Poirier
Avec Hugo Laflamme, Sofi Lambert, Annie Lemarbre, Luc Pilon, Antoine Portelance
Déjà abandonnée par son père qui a quitté le nid familial à sa naissance, Marie devra accepter la perte d’une mère éprouvée, incapable d’assumer ses responsabilités. Tout au long de sa vie, Marie meurt quatre fois : d’attachement, de révolte, d’absurdité et de solitude.
Le Théâtre Porte-Moi, fondé en 2006, a pour mission de promouvoir la dramaturgie québécoise. Il souhaite devenir une vitrine de choix pour les créateurs de chez nous, tout en créant des ponts entre Montréal et les régions.
Assistance à la mise en scène Florence Lelièvre Larochelle
Conception
Jean Bard
Photographie Caroline Laberge
www.theatreporte-moi.com
Une production du Théâtre Porte-Moi
PÉRIODE PREMIÈRES
toutes les représentations
régulier 20 $
carte premières 10 $
Espace Geordie
4001, rue Berri
Billetterie : 514 699 3301 ou
514 523 3303
par David Lefebvre
« On peut tout inventer quand on est toute seule… »
L'écrivaine, comédienne, enseignante et auteure de près de 14 pièces en 20 ans, Carole Fréchette, a remporté de multiples prix tout autour de la planète et a pu voir la plupart d'entre elles être traduites dans plus de 14 langues. Il suffit de nommer quelques titres pour comprendre à quel point elle est reconnue dans le milieu théâtral québécois : La peau d’Élisa, Les sept jours de Simon Labrosse, Jean et Béatrice, Violette sur la terre, Le collier d'Hélène... Mais il est fort à parier que l’un sinon le premier texte à frapper l’imagination des spectateurs québécois fut Les quatre morts de Marie (monté à l’époque par un jeune et brillant metteur en scène, Martin Faucher) : la jeune Marie, orpheline d’un père parti avec ses valises, vit avec sa mère toujours triste, mais aux nombreuses histoires intéressantes. Un jour de souliers neufs et brillants, de départ en retard vers l’école, elle va mourir une première fois, en perdant sa mère, partie elle aussi voir si elle était ailleurs. Puis elle vendra des souliers sur une avenue de Montréal, écrira des questions sur les murs de la ville, sourira pour la loto à la télé et dormira beaucoup, au nom de la science. Marie, jeune femme téméraire, s’enlisera dans sa vie, qu’elle voulait pourtant explosive, tumultueuse, et fuira sous la pluie, des années plus tard, sur un petit bateau flottant sur une mer de solitude.
Le texte de Carole Fréchette joue sur différents styles, puisant allègrement dans la comédie, l’absurde, le drame, la poésie et la métaphore. C’est sans contredit la force de ce récit, où chacun d’entre nous peut se retrouver; dans la naïveté, la perte d’un être cher, la solitude, la rébellion, le désir de changer le monde, de trouver la personne parfaite, de se caser, de vivre une petite vie normale et paisible. Mais Marie porte en elle une fissure si grande que la vie elle-même est fêlée dans ses veines, sous sa peau. Sa quête d’amour, aussi immense soit-elle, la conduira dans des impasses et vers des illusions meurtrières.
La compagnie Théâtre Porte-moi présente Les quatre morts de Marie jusqu’au 13 octobre 2007 dans la salle intime de l’Espace Geordie, rue Berri. L’une des grandes surprises de ce spectacle se trouve au niveau du jeu des comédiens : celui, enflammé, senti, d’Annie Lemarbre (Marie), la chimie entre cette dernière et Antoine Portelance (Pierrot/Pierre/Pierre-Jean), d’Antoine Portelance (Pierrot/Pierre/Pierre-Jean [la chimie entre ces deux premiers comédiens est à noter]) celui d’Hugo Laflamme, Sofi Lambert (la mère de Marie et la meilleure amie) et Luc Pilon. La mise en scène de Jean-François Poirier comporte son lot de bons flashs, comme le changement de costumes au style “poupée”, sur une musique techno (passage de Marie révolutionnaire à la femme d’intérieur, qui dort pour gagner sa vie), mais quelques situations ou scènes sont mal ou sous-exploitées. Par exemple, le choix d’une voix trop « radiophonique », sans naturel, qui détonne, pour un personnage qui se parle à lui-même ; un rythme inégal, des transitions parfois boiteuses, longues, pratiquement à vue et sans trame sonore pour la plupart du temps. L’eau, à la signification tout aussi métaphorique (fuite, tristesse) que concrète (larmes, mer), occupe une grande part dans l’histoire. Alors qu’au départ, cet élément est bien utilisé (une fuite goutte à goutte du plafond, tombant dans un bol), on se retrouve au dénouement avec une bruine (devant reproduire la pluie), sortant d’un tuyau, qui fait un bruit agaçant ; l’effet est malheureusement raté. Le son vient d’ailleurs passablement déranger le long monologue de Marie qui, pour contrer le silence de la solitude qui la submerge, parle sans arrêt. L’effet dramatique est alors amoindri, dilué.
La musique originale, au piano, qui accompagne bien l’esprit de la pièce, est l’œuvre d’Hubert Langelier et comporte quelques notes rappelant le travail de Yann Tiersen. Le décor, de Jean Bard, se compose d’une table, quelques meubles d’appoint, lavabo et d’une toile de fond, reproduction d’un ciel nuageux, réalisée par Guillaume Seff.
À la facture tout aussi irréaliste que le texte, mais aux images moins poétiques et frappantes qu’il le permet, Les quatre morts de Marie du Théâtre Porte-moi offre la chance aux spectateurs de découvrir ou de plonger de nouveau dans ce texte assurément québécois et contemporain, parlant de la quête de l’amour, des structures familiales rudes, du matérialisme et de la désintégration de la société d’aujourd’hui.
04-10-2007