Du 14 au 31 mai 2008, mardi au samedi, 20h
Terminus Solitude
Texte et mise en scène : Luc Bouffard
Assistance mise en scène : Valérie Parent
Avec Luc Bouffard, Marc Donati, Fred-Éric Salvail
Terminus Solitude est une pièce sur l’homme d’aujourd’hui, dans toute sa complexité et sa sensibilité. C’est l’histoire d’un individu uni et divisé qui lutte pour trouver sa place dans ce monde désabusé. C’est aussi l’histoire de trois entités qui tentent de s’évader de ce monde de surconsommation, d’individualisme et d’exclusion. Des personnages aux accents névrosés s’entremêlent dans les désordres de notre société et les dédales de leur esprit. Ils se croisent, se parlent, mais se voient-ils vraiment ? Un texte actuel qui jette sa poésie urbaine en plein visage et qui saura sans doute toucher plusieurs personnes.
Les Ouvriers sont d’abord et avant tout des travailleurs acharnés et passionnés du théâtre. Les Ouvriers Théâtre sont nés du désir de prendre parole et de poser un regard personnel sur le monde qui nous entoure. La compagnie a été fondé à l’été 2006 et est composée de quatre artistes et amis : Luc Bouffard, Philippe Cyr, Stéphanie Julien et Valérie Parent. Leur première production Les Escaliers du Sacré-Cœur, mis en scène par Philippe Cyr, a eu lieu en avril 2007 au Théâtre Prospero. À l’automne prochain, vous pourrez assister à la nouvelle création de Philippe Cyr, Et si je n’étais pas passé par là ?, présentée dans la salle intime du Théâtre Prospero.
Conseillères artistiques : Virgine Brault, Marie-Ève Pageau
Graphisme : Mona-Dominique Régnier
Une création de Les Ouvriers Théâtre
Espace Geordie
4001, rue Berri
Téléphone: 514 678-5088
par Mélanie Viau
Société atomisée, crise d’altérité, «dévolontarisme» aigu, culte de l’objet de consommation, perte de toute forme de transcendance et de désirs … les discours philosophiques portés sur l’homme à l’apogée du (post) modernisme tels qu’on les conçoit chez Baudrillard, Taylor, Lyotard (pour ne citer que ceux-là) trouvent au sein de la jeune relève artistique une voix assurant la pérennisation de ces réflexions sociales avec tout le pessimisme et l’espérance utopique qu’elles comportent. Avec Terminus Solitude, les Ouvriers Théâtre s’emparent de la scène de l’Espace Geordie pour en faire un lieu de parole engagé, investi d’un point de vue choc comme témoignage d’une génération à la lucidité désarmante. Plus qu’une critique sociale, c’est le regard d’un homme sur l’homme avec un grand H, pour qui la force, l’infaillibilité, la puissance et la dureté transmises par filiation depuis des siècles ajoutent à la déshumanisation générale une terrible douleur : celle de ne pouvoir arriver à trouver sens et mots sur les sentiments qui font de lui non seulement un homme, mais un être humain. Et qu’est-ce qu’un être humain aujourd’hui ?
Le texte, écrit et mis en scène par Luc Bouffard, nous dépeint avec un humour jaune les dédales psychiques et émotifs de trois hommes dont la condition de vie résulte d’un mal collectif, un mal d’être face au monde et ses violences, des plus banales aux plus monstrueuses. Tous fils de pères dont on ne garde que nostalgie du hockey, des balades, de la crème glacée et des chips au ketchup, leurs discours se juxtaposent, s’entremêlent, se brouillent, se répètent. Que chacun détienne une parole et un univers qui lui sont propres, il reste qu’à plusieurs moments, on sent dans la bouche des personnages la plume de l’auteur, teintée d’un lyrisme sans courbettes, un lyrisme évocateur, imagé. La temporalité déconstruite ponctue les changements de tableaux, donnant à l’ensemble une ouverture qui déborde la simple structure dramatique pour cadrer, à chaque instant, une idée précise sur le concept social que l’auteur développe avec force, énergie, et toujours sans prétention.
Les appels au public lancés par Max (Luc Bouffard), Whiz (Marc Donati) et Pep (Fred-Éric Salvail) proviennent du fond d’un moi en perdition, un moi en perte de sens dont les affects en disent long sur leurs angoisses : tics, hallucinations, crises d’hystérie, penchants névrotiques, mégalomanie… Leur désir commun d’établir un rapport avec la Femme et cette solitude alarmante qui finit par les rattraper tous devient le tremplin d’où se déversent toutes les insanités du monde vues par leurs yeux marginaux. On questionne les causes des paradis artificiels, du monde virtuel (on pense à la fameuse société du spectacle), de l’éducation par les drogues (le monologue de Pep à propos du Ritalin et de toutes ces pilules engouffrées par l’être humain pour calmer les conflits potentiels et faciliter l’adaptation sociale se pose comme un moment extrêmement fort de la soirée). Rageusement, on fait siéger les baby-boomers et le règne du médiatique au banc des accusés (la trame sonore concoctée par Virginie Brault, mêlée de musique pop, de vieux succès et de bulletins de nouvelles ajoute une touche qui enrichit le propos de la pièce). Mais toute cette critique, on la fait avec plaisir, un plaisir fou du jeu et un esprit ludique garantissant l’amusement de pouvoir, bien sûr, rire de soi un peu. Après tout, nous faisons tous partie de cet Occident pointé du doigt. Avec une pointe d’humour, la pilule passe mieux…
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Une chose est claire, c’est que l’équipe de création sait se faire comprendre. Toutefois, dans ce décor archi underground (poubelles de ruelle, plancher de linoléum, matelas au sol, éclairages glauques) qui colle en tout point à la pièce, une précision sur la mise en espace serait la bienvenue, histoire d’éviter les multiples confusions que la structure du texte peut entraîner.
Terminus Solitude se présente comme une exploration scénique autour d’une réflexion qui nous concerne tous, d’un besoin de dire ce qui est terré dans les bas fonds de ce monde qui va trop vite, qui va trop mal. Et cette damnée télévision, aurez-vous le courage de l’allumer sitôt après le spectacle, une fois de retour dans votre précieux confort ?
24-05-2008