Du 29 janvier au 10 février 2008
Quelqu'un pour veiller sur moi
Texte : Frank McGuinness
Mise en scène : Mathieu Marleau
Traduction : Isabelle Famchon
Interprètes : Chantal Bellavance, Jean-Sébastien Courchesne, Étienne Jacques, Mathieu Lepage
Sans trop savoir ce qui leur vaut ce cauchemar, Edward, journaliste de guerre irlandais au caractère bien trempé et Adam, médecin américain, bientôt rejoints par Michael, universitaire anglais spécialiste de la littérature médiévale, se retrouvent enchaînés à un mur, mal nourris, sans aucun contact avec le monde extérieur, avec pour toute distraction la lecture de la Bible et du Coran, la contemplation de leur propre folie, leurs souvenirs, leurs engueulades et leurs rêves. Par-delà leurs divergences nationales et leurs querelles, ils sont soumis à l'absolu de la peur et à la nécessité de la solidarité. La pièce explore la crise quotidienne endurée par ces otages dont la force provient de leur manière de communiquer, de leur humour, de leur imagination, de leur intelligence et de leur foi.
Le Théâtre de L'Ingérence vous invite à vivre une expérience théâtrale singulière où le public est pris en otage dans une cellule quelque part dans Beyrouth. Un huis clos troublant, inspiré de l'expérience de l'Irlandais Brian Keenan et de l'Anglais John McCarthy, retenus près de cinq ans au Liban à la fin des années 80. Un conflit tout à fait d'actualité avec les accommodements raisonnables et les nombreuses prises d'otages qui ont encore lieux de nos jours.
Par leur vision et leur enthousiasme, les jeunes créateurs du Théâtre de l'Ingérence, tous finissants de L'École Supérieure de Théâtre, ont su réunir une équipe riche d'une expérience diversifiée. Ils nous présentent une pièce où théâtre et musique s'additionne et se font écho pour donner une oeuvre aux couleurs vives qui repose sur une surprenante partition musicale.
Décors et éclairages : Mylène Leboeuf
Costumes : Marie-Ève Parent
Conception sonore : Chantal Bellavance
Photographie : Théâtre de l'Ingérence
Design & Construction : Keith Roche and the Stage, Scenery & Lightning Class
Création du Théâtre de l'Ingérence
PÉRIODE PREMIÈRES
toutes les représentations
régulier 20 $
carte premières 10 $
Usine Grover, local 336
2065, Parthenais
Billetterie : 514-712-0877
par Geneviève Germain
Un homme est arraché à son quotidien, enfermé dans une geôle, peut-être aux fins de négociation, ou encore pour être utilisé comme monnaie d’échange, ou alors à des fins d’exemple. Une prise d’otages peut comporter plusieurs buts et diverses issues. Les victimes ne possèdent aucun pouvoir d’action pour en influencer le dénouement, tout reposant sur le monde extérieur auquel aucun accès n’est possible. Dans Quelqu’un pour veiller sur moi, l’auteur irlandais Frank McGuiness aborde amplement ce thème de l’impuissance face à sa propre destinée et toute l’incertitude qui en découle.
Lorsqu’un Américain, un Irlandais et un Anglais se retrouvent ainsi enfermés, pris en otages au Liban, ce huis clos obligé les amène à se serrer les coudes mutuellement. L’un médecin, l’autre journaliste, le dernier professeur d’anglais, nul d’entre eux ne s’attendait à se retrouver prisonnier, sans explications, sans savoir pour combien de temps ni pour quelles raisons. Le premier a failli défaillir, complètement démoralisé par sa solitude avant d’être rejoint par le deuxième avec lequel il se lie fortement d’amitié. Chacun trouve diverses façons de passer le temps : en se remémorant leurs parties de sport préférées, en écrivant des lettres imaginaires à leur famille, en trinquant avec des verres invisibles, en fredonnant des chansons. Toutefois, bien que la cohabitation forcée des trois donne lieu à plusieurs confidences, elle fait également place à de nombreuses confrontations, chacun portant des idées et opinions divergentes des autres.
Dans cet univers particulier, où l’humour oscille entre le cynisme, l’autodérision et la démence pure et simple, l’interprète de Michael (Mathieu Lepage), l’Anglais, démontre une maîtrise étonnante des nombreux sentiments, parfois contradictoires, qui peuvent jaillir chez une même personne rudement mise à l’épreuve. En le regardant trembler dans son coin, il semble presque possible de palper son désarroi, contrairement aux interprètes d’Edward et d’Adam (respectivement Étienne Jacques et Jean-Sébastien Courchesne) qui offrent un jeu fougueux, mais moins nuancé.
La mise en scène de Mathieu Marleau force les spectateurs à se faire rapidement interpeller par l’histoire. D’abord escorté par deux hommes cagoulés munis de mitraillettes, chaque spectateur se retrouve déstabilisé en ne pouvant choisir sa place, ni la personne qui siège à ses côtés. Ensuite, la pièce de l’ancienne Usine Grover où se déroule l’action étant plutôt exiguë, la proximité avec les interprètes est augmentée et oblige chacun à rester collé au récit. Le décor est simple et efficace : une pièce de forme cubique en pierre, ensablée, poussiéreuse, sans fenêtre.
Malheureusement, malgré une interprétation plutôt convaincante, le récit s’essouffle vers les deux tiers de la pièce, là où il commence à avoir répétition de situations. Tout comme pour les protagonistes, le temps semble s’égrainer autrement plus lentement, nuisant à l’impact final de la pièce. Il demeure difficile de ressentir une réelle compassion pour ces personnages au français trop étudié et bien prononcé. Soulignons toutefois l’audace du choix de la pièce qui touche au domaine de l’actualité contemporaine et ajoutons une mention toute spéciale pour Chantal Bellavance (piano et voix) qui met un baume tout spécial sur la pièce avec sa voix mémorablement envoûtante.
06-02-2008