Du 20 mars au 4 avril 2009
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Alice sureXposée

Textes: Sasha Grey
Mise en scène: Patrice Tremblay
Chorégraphies: Sarah Lefebvre et Natacha Filiatrault
Avec Frédéric Côté, Natacha Filiatrault, Valérie LeRoy, Sarah Lefebvre, Mathieu Marleau et Michelle Parent

Autour d’une fable librement inspirée de la chute d’Alice, les interprètes se mettent à nu. On tente ici de se dire, de se dévoiler, de se confronter à travers la fragilité du corps. Croisement entre la danse, le théâtre et la performance, l’univers de notre Alice n’est certes pas le Pays des Merveilles. Notre Alice est celle au corps incontrôlable, au désir inassouvi : une insoumise qui brise l’icône Lolita pour reprendre possession de son image. Cette série de dix tableaux de théâtre dansé est ponctuée avec aplomb par les soliloques de Sasha Grey.

Théâtre pluridisciplinaire, TCO place le corps au centre de sa création. Ainsi, il encourage la prise de risque pour outrepasser ses frontières intimes/sociales. Dans la continuité de La Chambre noire (Théâtre Prospero, 2003), Alice SureXposée travaille un théâtre chorégraphique. Le mouvement devient le révélateur de l’âme. Après L’Araignée (Théâtre MainLine, 2008), TCO revient à la charge avec une parole forte, une parole physique.

Éclairages: Sylvain Ratelle
Costumes: Marie-Ève Parent
Conception sonore: Les Têtes Folles

Carte Prem1ère
Régulier : 22$
Abonnés : 11$
Dates Prem1ères : 20 au 27 mars 2009

Productions Théâtre Caméra Obscura

Espace Geordie

4001, Berri
514 678.0304

par Mélanie Viau

On l’a prénommée Alice pour avoir chaudement été conçue dans un décor du Disney World, par une femme qui fut sa mère et une mascotte dont on doit taire ici le nom. Il fut alors une belle Alice parmi les Petite Sirène, Blanche Neige, Cendrillon et toutes les autres reines de beauté immortelle que les petites lolitas guerrières aiment dévorer pour s’approprier le secret de leur charme plastique. Librement inspiré du très célèbre conte de Lewis Carroll, Alice SureXposée nous renvoie de l’autre côté du miroir pour nous présenter non pas une réunion chaste à boire du thé en discutant philosophie, mais bien pour nous faire vivre la chute du personnage dans ce que son corps a de plus vulnérable. En dix tableaux, ponctués par plusieurs soliloques de la toute jeune et trop connue actrice porno Sasha Grey, cette nouvelle création du Théâtre Camera Obscura garde l’image et le corps dans sa ligne de mire pour en faire une performance pluridisciplinaire où le mouvement est maître. Audacieux, cynique, cruel jusqu’au sadisme, vous aurez la preuve qu’il y a encore des choses susceptibles de vous déranger… et on aime ça.

On connaît le metteur en scène Patrice Tremblay pour ses œuvres « charnelles » et son incroyable talent à faire émerger la poésie dans tout ce que la bienséance qualifie de pervers et de grossier. Sans surexposer les clichés de la nudité sur scène, ni tomber dans la facilité commerciale de l’imagerie pornographique, le point de vue qu’il offre aux spectateurs demeure ouvert à toutes interprétations, permettant ainsi à chacun d’y lire et d’y retrouver – avec un esprit critique bien entendu - une certaine part de soi-même. Le tout avec originalité, plaisir et, croyons-le, une bonne dose de rigolade dans le processus de création.

Les dix tableaux se présentent comme des cadres non rigides dans lesquelles les six comédiens-danseurs-performeurs ont le loisir de s’éclater comme des petits fous. Que ce soit pour nous exhiber leur sexe en portant des masques de carnaval, pour déguster des gummies sur le corps d’une comédienne ou bien pour se livrer à des duels de claques sur les seins, chacun d’eux a véritablement réussi à dépasser les limites de sa propre intimité pour franchir la frontière du social et nous atteindre. Dans le jeu, le contact est fort, franc, il atteint la cible et fait réagir. Et il n’y a pas que la clownerie pour exalter les dessous du vice : il y a l’impact, l’impact du corps nu sur la matière solide, sur le mur, le sol, il y a la violence du choc, de la chute, la prise de l’autre et le relâchement, le rejet, et l’accroc, encore. Alice, en homme, en femme, est une Alice en corps, en corps incontrôlable, en corps rêvé, désiré, arraché, avec un sexe banal et un ventre occupé par une Barbie dévorée. Sans avoir de ligne directrice clairement définie dans la suite « chronologique » du spectacle, chaque tableau est une citation d’un autre, soit par la répétition de patrons dansés, soit par le retour d’accessoires tel qu’une tête de mascotte poilue, soit par les liens que les performeurs tissent entre eux dans la dramatique. Il en résulte une œuvre organique, cohérente, efficace, jouant du zapping et de la contemplation avec un doigté bien expérimenté.

Sans être une critique de l’hyper sexualisation mondialisée et normalisée, ou bien un débat sur les relations de pouvoir homme/femme, Alice SureXposée est l’expression vive et crue d’une parole physique revendiquant sa place sur la scène contemporaine. Une œuvre artistique portant fièrement le sceau d’un jeune théâtre voué à la recherche et à la découverte d’un potentiel scénique en dehors de la marge. Ouvrez grands les yeux !

23-03-2009
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