Texte : Véronique Pascal d’après une conception de Jean Belzil-Gascon, Évelyne Fournier et Véronique Pascal
Mise en scène : Jean Belzil-Gascon
Avec Evelyne Fournier, Véronique Pascal, Frédéric Jeanrie, Pierre Limoges et Myriame Larose
Une femme, fin vingtaine, est retrouvée morte sur ses dossiers. Éprouvés par la nouvelle, ses collègues tentent de se remémorer ses derniers moments. Je : faits divers explore, par le biais de la marionnette, du théâtre d’ombres et du jeu réaliste, la place qu’occupe le travail dans notre société et tente de donner une dimension poétique à ce sujet actuel.
Fondée par Myriame Larose, Annie Durocher et Évelyne Fournier, la compagnie Les Ironistes a connu un franc succès avec sa première création, Ratatatarats ! Elle s’associe maintenant à de nouveaux créateurs en chapeautant Je : faits divers
Scénographie, marionnettes et costumes : Annie Durocher et Valérie Cusson
Lumières : Josiane Fontaine-Zuchowski
Son : Guillaume Sauriol-Lacoste
Régie : Magali Letarte
Crédit photo : Frédérique Ménard-Aubin
Date Premières : du 17 au 21 février 2010
Régulier 20$
Carte premières : 10$
Une création des Ironistes
Espace 4001 (Geordie)
4001, rue Berri
Billetterie : 450 646-6435
par Sara Fauteux
Peut-on mourir d’épuisement? La formule est poétique en tout cas, mourir d’épuisement… Apparemment, oui. Et la réalité est beaucoup moins poétique que la formule. On peut mourir avachi sur son clavier d’ordinateur, vidé de toutes ses forces pour avoir trop travaillé dans le but d’accéder à la carrière dont on avait rêvé. C’est le cas d’une femme dont la mort a été rapporté dans un fait divers et dont s’inspire la pièce Je : faits divers, présentée à l’Espace 4001. C’est également le cas pour plusieurs milliers de personnes partout dans le monde qui, chaque année, se tuent littéralement à l’ouvrage.
Anne Sabourin, une employée d’une grande compagnie, est retrouvée morte sur les lieux du travail. Suite à cet événement, la directrice de la boîte rappelle à ses employés que chaque membre de cette équipe est important pour l’entreprise… mais pas essentiel. Ladite patronne entretient une compétition féroce et attise le désir malsain de l’un de ses directeurs. Pendant ce temps, Anne Sabourin travaille avec acharnement pour faire aboutir les dossiers et accéder au niveau supérieur. Elle se passe en boucle des cassettes de développement personnel et se répète sans cesse que dans dix, dans vingt, elle rira de sa misère actuelle. Les plus ambitieux de ses collègues se font des coups bas pour monter dans la hiérarchie tandis que les moins motivés multiplient les pauses.
Les personnages de Je : faits divers évoluent dans le parfait cliché d’un environnement de bureaux avec ses pauses cafés, cigarettes, ses « ça va ?» lancés compulsivement à toute personne croisée dans un couloir. Cette ambiance morne est d’ailleurs habilement transmise par les panneaux de tissus gris qui se déplacent avec les acteurs pour créer bureaux, salles ou couloirs, ainsi que la conception sonore de Guillaume Sauriol-Lacoste.
Combien de personnes dans le public ont reconnu leur propre lieu de travail? Dans le programme du spectacle, l’auteur et comédienne Véronique Pascal nous invite, à propos de la pièce, à faire mieux que l’aimer ou la haïr : à prendre position. Prenons donc position : nous parlons beaucoup de stress excessif et de compétition dans le monde du travail, trop souvent sans vraiment les dénoncer, en se faisant plutôt un point d’honneur de parvenir à satisfaire ses normes de performance. Il est temps aborder la question de l’épuisement professionnel de manière humaine et cesser de reconduire les principes malsains qui le provoquent dans notre perception même du phénomène.
Du début à la fin, le personnage d’Anne anime une marionnette qui représente des sentiments qui l’habitent et qui exprime à travers elle sa détresse intérieure. Des jeux d’ombres et de lumières sur les panneaux ainsi que d’autres marionnettes sont également utilisés pour créer des passages plus poétiques dans cet univers réaliste. Mais ces effets ne sont pas particulièrement saisissants ni d’adresse, ni de pertinence. Surtout dans le cas de la poupée, l’objet agace et encombre au lieu de révéler quoi que ce soit.
Le groupe Les Ironistes, qui nous présente ce spectacle, est une compagnie toute jeune fondée par trois spécialistes de la marionnette. Elles tentent d’utiliser différents effets visuels dans leur travail pour « offrir une touche de poésie et un supplément d’humanité au spectacle ». Si cet effet est plus ou moins réussi dans Je : faits divers, ce texte habilement écrit propose tout de même une réflexion intéressante et est porté par des acteurs talentueux qui lui rendent justice.