Texte: Nicolas Billon
Mise en scène: Jérôme BP
Avec Michaël Harvey, Philippe Molitor, Perle Lefebvre
Nous sommes dans l’asile d'une petite ville ontarienne, dehors le vent souffle fort, c'est la veille de Noël. Tout le monde est sur la corde raide, tant inquiet qu'exaspéré. Le docteur Lawrence, psychiatre, a disparu. Michael, l’un de ses patients, est la dernière personne à l’avoir vu. Le docteur Greenberg, le directeur de l’hôpital, s’acharne à interroger Michael sur la disparition du docteur Lawrence, malgré les avertissements répétés de l’infirmière de garde, Miss Peterson. Mais le patient s’entête à parler d’éléphants, de meurtre, d’opéra et d’agressions sexuelles…
À propos du Théâtre Meka
Le Théâtre Meka est la réunion d’artistes aux expériences et aux horizons variés. La troupe a pour objectifs la promotion de leurs talents et l’exploration du théâtre d’aujourd’hui. Ses créateurs désirent offrir un divertissement unique et empreint de la dimension humaine.
Direction artistique: Jérôme BP
Décors et costumes: Perle Lefebvre
Une création Théâtre Meka
Espace 4001
4001 rue Berri
Billetterie articulée: 514-844-2172 ou Admission
par Daphné Bathalon
Un hôpital tout en blancheur, un docteur de bois, une infirmière bien en chair, un patient et beaucoup de pachydermes, voici les éléments de base de La chanson de l’éléphant, pièce de passage à l’Espace 4001 jusqu’au 6 mars. Dans la petite salle de la rue Berri, les spectateurs sont installés de part et d’autre de la zone de jeu. Il faut d’ailleurs contourner celle-ci pour éviter de salir le sol blanc : sofa, bureau, chaises et bibliothèque sont également victimes de la même absence de couleur. Immaculé, l’espace s’offre dès lors pour accueillir une horde d’éléphants.
Michaël, le patient, fait face à l’impatient directeur de l’institut psychiatrique dans lequel il est enfermé. Le Dr Lawrence, son psychiatre, est porté disparu depuis quelques heures. On ne sait où le trouver et sa voiture a disparu du stationnement. Le directeur tente donc de faire parler un Michaël pas du tout coopératif et qui n’a de cesse de le lancer sur de fausses pistes. À force de circonvolutions, et contre les avis répétés de l’infirmière, le directeur amène peu à peu Michaël à se confier sur ses sentiments, ses rêves et son passé.
Il est difficile d’apprécier le texte de Nicolas Billon entre les répliques trop bien posées et les mots qui trébuchent lorsque les comédiens veulent aller trop vite. Difficile aussi de goûter à l’habile dévoilement de la folie de Michaël et de ce qui l’a causée. La mise en scène un peu faible ne parvient malheureusement pas à imposer un rythme de thriller psychologique à La chanson de l’éléphant qui en a pourtant toutes les apparences. De plus, les saillies humoristiques manquent de mordant : si le public sourit, ce n’est jamais franchement.
À souligner néanmoins, le beau travail d’interprétation de Michaël Harvey dans le rôle du fou d’éléphants. Regard fuyant, mains tremblantes, dos légèrement courbé et comportement lunatique ajoutent au réalisme du personnage dont les instants de lucidité alternent avec les délires obsessifs. Tant la brusque plongée dans les souvenirs douloureux que les regards fréquents lancés au public nous rapprochent du désespoir du jeune homme. Harvey se démarque nettement de ses camarades de scène au jeu souvent inégal.
De cette production, on déplore aussi l’inconstance du niveau de langage utilisé par les comédiens dans cette production : l’un s’exprime en français normatif sans déroger à la règle, tandis qu’un autre laisse filtrer son accent québécois à quelques reprises. Plusieurs répliques se retrouvent ainsi à mi-chemin entre le normatif et le langage parlé, ce qui nuit beaucoup à la montée dramatique de certaines scènes. Ces décrochages sont d’autant plus dommageables qu’ils surviennent, comme dans la séquence finale, à des moments-clefs de la pièce. De fait, ce qui devrait être un moment poignant se transforme en un instant de malaise auquel les applaudissements mettent fin.
La chanson de l’éléphant est un texte adroit, un thriller qui nous surprend par ses méandres et l’étrange lucidité d’un fou, mais la maladresse de la mise en scène nous laisse sur notre faim.