Du 2 au 20 mars 2010

Mœurs en série 2.0 – Accès illimité

Texte Sébastien Guindon
Mise en scène Normand Lafleur
Avec Annick Beaulne, Martin Boileau, Michel Borduas, Fabien Dupuis, Rachèle Gemme, Bruno Piccolo, Natasha Poirier, Nicole-Marie Rhéault, Julie Ringuette, Marie-Claude St-Laurent, Andrew Shaver

Raymond, secrétaire-adjoint aux communications d’une compagnie de vêtements à la mode, voit son univers familial et professionnel se dérober sous ses pieds. Alors que la sexualité s’affiche outrancièrement autour de lui, Raymond s’évade sur internet à la rencontre d’une jeune fille qu’il veut sauver des griffes de la concupiscence…

Fruit d’un premier travail et présenté au Balcon-Café-théâtre en décembre 2008, Mœurs en série 2.0 continue son exploration des méandres de notre sexualité contemporaine sur fond d’internet et de solitude humaine.

Pour cette création, les créateurs continuent d’investiguer le passionnant univers du jeu bouffonesque: grotesques, vilains, subversifs, irrévérencieux, les bouffons de Mœurs en série 2.0 pataugent dans cette mer de vices qui nous entoure. Et s’y amusent ferme. Nos bouffons vous convient à pénétrer dans leur nef des fous: soyez les bienvenus au cœur d’un spectacle festif, musical et bouffonesque.

par Sara Fauteux

Le bouffon est un personnage classique de toutes les dramaturgies comiques. Il est plus grand que nature, d’une vitalité excessive, déployant une verve flamboyante et une gestuelle démesurée. Par ses caractéristiques caricaturées, le bouffon se situe à l’extérieur du monde réel et peut se permettre de commenter allègrement le comportement de ses semblables.  Ce dont il ne se prive pas dans Mœurs en Série 2.0 - accès illimité, un cabaret théâtral débordant d’énergie, crée en 2008 au Balcon Café-théâtre et repris à l’Union Française jusqu’au 20 mars 2010. 

Depuis sa création en 2001, les cinq membres de la formation Orbite gauche, Normand Lafleur, Sébastien Guindon, Benoît Roussier, Annick Beaulne et Daniel Baigné, s’emploient à explorer diverses formes théâtrales dans un esprit de jeu. Après une pièce épique de longue haleine (Chroniques, 2003), un théâtre pamphlétaire (Enlèvement, séquestration et mise à mort d’un humoriste, 2005) et une pièce futuriste (Alpha du Centaure, 2007), ils se lancent cette fois-ci dans un cabaret burlesque avec une imposante troupe de huit comédiens, trois musiciens et plus d’une dizaine de collaborateurs à la production.

C’est une meute d’animaux en rut qui débarque sur la scène et dans la salle de l’Union Française. Cheval, oiseau, lapin, lézard, lion, pieuvre et chat surgissent de partout. Ils explosent littéralement. Cette faune colorée, dont Marie-Noëlle Klis a créé les costumes originaux et évocateurs, ne manque pas de mordant. On y trouve une femme d’affaires déterminée, un secrétaire sans envergure, une jeune fille découvrant sa sexualité, un réalisateur de film porno et son actrice simplette, une mère qui se meurt de solitude et un compositeur sans le sou qui se voit obligé de s’abaisser aux règles du marché.

Autant de personnages, définitivement modernes, qui reproduisent pourtant, encore et encore, les mythes les plus anciens de la tragédie. Ils s’unissent d’ailleurs dans un étrange chœur grec, profitant de leur statut de bouffon pour parodier la vie contemporaine. Dans une mise en scène éclatée mais homogène, les acteurs se déplacent parmi les spectateurs entre les deux scènes.  Dirty le singe, le maître de cérémonie, orchestre les différents tableaux qui sont entrecoupés de numéros de chant et de danse où les acteurs déploient une énergie communicative.

Si les numéros sont réussis, l’histoire bien ficelée, la mise en scène animée et les gags audacieux et efficaces, c’est surtout cette énergie bouillonnante qui nous charme. On sent les comédiens en pleine maîtrise de leur art, ils s’en donnent à cœur joie dans un jeu excessivement physique, s’amusant visiblement. Dans un tel contexte, rien ne sert de résister, car l’intérêt de l’expérience consiste à s’abandonner à cette énergie. Si vous assistez à ce cabaret théâtral, arrivez donc avec un esprit de jeu et laissez-vous aller.

08-03-2010