Texte et mise en scène : Michel Gatignol
Avec Nicolas Duxin, Monelle Guertin, Dave Jennis, Marie-Claude Therrien, Jonathan Pronovost, Mickson Dubuisson et Michael Richard.
Parfois délirant, parfois acerbe, drôle et émouvant, Portalaphrapon propose du théâtre dans le théâtre à travers l’affrontement psychologique entre un metteur en scène dictatorial et une troupe de comédiens tour à tour névrosés, tourmentés ou franchement serviles. Tous tentent de trouver le chemin de la vérité. Mais laquelle ?
Éclairages Michel Forget
Costumes Roxanne Lessard
Date Premières : du 20 au 28 octobre 2009
Régulier 20$
Abonné 10$
Espace 4001
4001 rue Berri
Billetterie : (514) 572-7615
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Dates antérieures
Festival Fringe en 2006, Maisons de la culture
par David Lefebvre
Du théâtre au théâtre : l'idée n'est pas nouvelle, mais ici, elle plaît beaucoup. L'histoire est simple : un metteur en scène condescendant méprise ses acteurs et les force à reprendre mille fois une scène des plus banales. Il est pourtant un homme adulé, respecté : après avoir remporté plusieurs prix pour un spectacle interminable, proposant même une audacieuse scène qui durait plus d'une quarantaine de minutes, vide d'acteurs, le voilà qu'il prépare un spectacle autour d'une porte. Une porte qu'il a vue en rêve, qu'il nomme portalaphrapon, ou «on frappe à la porte», ou encore «la porte frappe on». La porte, dans toute sa symbolique, sera le sujet central du spectacle avant-gardiste, mais comment interprète-t-on une porte?
L'auteur Michel Gatignol s'amuse ferme avec ses personnages colorés et les stéréotypes tenaces pour peindre et parodier le monde du théâtre dans ses moindres détails. Il en profite pour faire quelques clins d'oeil, dont un très fort à Kubrick, et pour nous entraîner dans quelques scènes au délire contagieux, comme un exercice où les comédiens tentent d’improviser différentes portes. Le metteur en scène, interprété brillamment et avec panache par Nicolas Duxin, au timbre de voix parfait, est un savant mélange de machisme et d'autocratie malsaine. L'homme se lance dans des allocutions lyriques et extravagantes sur son art, des réflexions fantasmatiques qui dépassent l'extrapolation simple, et on en rit franchement. Dave Jeniss, qui joue le rôle d'un acteur foutu à la porte par le dramaturge la veille d'une importante représentation il y a quelques années, revient bousculer l'inatteignable metteur en scène. L'exagération dans le jeu de Jeniss effleure le style tourmenté à l'extrême ; souvent drôle, l'acteur pousse parfois maladroitement son jeu et les spectateurs perdent alors quelques bribes du texte. Notons aussi la présence de Marie-Claude Therrien, qui interprète une amusante journaliste culturelle et celle de Michael Richard et de Mickson Dubuisson qui forment un choeur aux expressions de surprise terriblement comiques. Jonathan Pronovost se glisse dans la peau d'un comédien qui essaie sans succès de se rebeller contre la tyrannie du dramaturge et Monelle Guertin vient compléter la troupe dans le rôle de la jolie Hortense, muse et punching bag psychologique du maître de la scène.
Portalaphrapon est en fait une pièce sur l'abus de pouvoir. Comment mieux explorer ce thème que par le monde du théâtre, où le despotisme règne, où l’on peut aisément détruire l'estime de quelqu'un en deux ou trois phrases amères et assassines? Le verbe, dans ce spectacle, est abondant, le discours souvent moqueur, mais toujours intelligent, et l'humour particulier, frôlant parfois l'absurde ou le burlesque. Et tout ceci dans un environnement totalement dépouillé. Dès le départ, on se laisse embarquer par le récit surprenant ou alors, la pièce devient vite barbante et pénible. Mais si on décide de traverser le pas de la porte, le voyage peut devenir très amusant, malgré une finale qui mériterait une chute beaucoup plus mordante et cynique.