Le mariage imminent du frère aîné réunit la famille. Deux soeurs, autrefois très proches, se revoient après un moment d’éloignement. Delphine, la cadette, arbore un voile et refuse la tenue de demoiselle d’honneur. L’orientation nouvelle qu’elle a voulu donner à sa vie l’a menée à se convertir à l’Islam. L’onde de choc se fait sentir auprès de tous les membres de cette famille « typiquement québécoise ». De la grand-mère catholique dévote, en passant par la mère féministe et souverainiste, la soeur individualiste et libertine et la future belle-soeur aux valeurs américaines puritaines et conservatrices, le choix de Delphine révolte chacune. Au-delà de la question religieuse, c’est l’endoctrinement sous toutes ses formes et les choix de vie qui en résultent qui sont remis en question pour chacune d’elles.
Après La déposition, le Théâtre Misceo affronte de plein fouet son origine (Montréal et sa mixité) et présente 5F, une création. Misceo veut éveiller le spectateur à cette forme artistique et le faire réfléchir à l'importance de la communauté.
Scénographie et accessoires Lino
Cartes Prem1ères
Date Premières : 8 au 12 décembre 2010
Régulier : 20$
Carte premières : 10$
mardi au samedi à 20h; dimanche à 14h
Une production Théâtre Misceo
Théâtre Ste-Catherine
264 Ste-Catherine Est
Billetterie : 514-284-3939
par Sara Fauteux
5F nous présente une famille réunie pour le mariage du frère aîné, un homme qu’on ne verra jamais, puisque l’histoire qui nous est racontée est celle de cinq femmes. Une grand-mère, une mère, une fiancée et surtout, deux sœurs, très proches, séparées depuis un certain et qui se retrouvent à l’occasion de la cérémonie. Ces deux jeunes femmes cherchent activement une façon de remplir le vide qui les habite et à mieux comprendre le monde qui les entoure. La cadette, de retour d’un long voyage, a trouvé des réponses en se convertissant à l’islam.
En choisissant de ne mettre en scène que les personnages féminins de cette histoire, l’auteur Jocelyn Roy nous permet d’entrevoir certaines des questions les plus pertinentes qui habitent les femmes de notre société. Chacune d’entre elles est le produit de la génération qui la précède. On comprend l’impact de leur bagage culturel et le poids de leur héritage dans leur manière de réagir aux différentes situations. Et cette journée sera haute en rebondissement pour ces femmes qui seront confrontées aux choix et à la réalité de celles qu’elles pensaient connaître.
Avec le personnage de Delphine, une jeune femme québécoise qui choisit de porter le voile, Roy s’attaque à un sujet épineux de notre société qui a le pouvoir de soulever les passions. Mais il le fait avec sensibilité et a l’intelligence d’esquiver les débats moraux en évitant de prendre position. Il ne s’agit pas ici de juger ou de décrire la religion musulmane. En abordant la question du point de vue de la jeune fille face à sa famille, il se risque plutôt à dresser un portrait de ce qu’il connaît manifestement très bien, la société québécoise.
5F nous présente effectivement un univers dans lequel une partie de la société québécoise se reconnaîtra très bien. Ces femmes, aussi perdues et seules dans la religion et les croyances que dans l’émancipation et l’indépendance, sont touchantes et drôles. Parce qu’il met en scène de femmes de différentes générations et de culture, ce spectacle nous présente plusieurs perspectives qui ont rarement l’occasion de se confronter aussi directement et qui enrichissent le débat en nous donnant accès à des points de vue multiples.
Roy n’a pas cherché à évacuer les clichés qui entourent les différentes questions soulevées par sa pièce. Mais son texte, comme l’interprétation des comédiennes, ne force pas la note et le ton reste toujours juste. Les comédiennes sont solides et chacune sait révéler habilement au public l’essence de son personnage. La mère des deux jeunes femmes est interprétée avec force et talent par Danielle Fichaud qui n’a rien perdu de sa fougue et est sans doute la plus drôle et la plus intense de ces cinq femmes.
Sans traîner en longueur, le texte s’essouffle un peu à certains moments et comporte des scènes moins bien ficelées qui amoindrissent la force dramatique de la pièce. Même chose pour la mise en scène de Jean Belzil-Gascon, efficace et juste dans l’ensemble, mais un peu maladroite à certains moments. Ces quelques faiblesses ne volent en rien son plaisir au spectateur, mais réduisent tout de même la puissance de certains moments clés du récit, moments qui auraient pu davantage être poussés.
5F reste une pièce très conventionnelle dans sa forme, autant au niveau du texte que de la conception. Le jeu des éclairages nous permet de pénétrer l’univers de chaque femme dans des apartés touchants. L’univers sonore est inquiétant et nous fait sans cesse redouter un nouveau drame. La scénographie, signée Lino, est sobre et réaliste. Les différents concepteurs réunis par le Théâtre Misceo n’ont pas fait preuve d’audace, mais ils ont créé un univers homogène qui sert efficacement le propos et le style du texte.