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Du 11 au 21 août 2010, à 20h30, sauf 21 août 14h
Les bonnesLes Bonnes
Texte de Jean Genet
Mise en scène et conception sonore Gaétan Paré
Avec Émilie Cardin, Julie De Lafrenière, Jacinthe Parenteau
Deux bonnes. Solange et Claire. Jouer, voilà qui est pour elles un acte de vie, d’affirmation et d’existence. Ces dévouées jettent donc leur venin sur le symbole de leur humiliation : leur adorable maîtresse. « Sacrées ou non, ces bonnes sont des monstres, comme nous-mêmes quand nous rêvons de ceci ou cela... »

Gros Bison explose pour la première fois, pour les abonnés de Carte Premières, avec Les bonnes de Genet. Délinquante, actuelle, absorbante et débordante, cette œuvre transporte trois femmes sur scène. La direction, sa signature en fait, ose explorer. Fouiller. Ici, on ne frôle pas le raisonnable, on côtoie la tempête

Assistance à la mise en scène Sara Fauteux 
Scénographie Gaétan Paré
Costumes Martine Lamarre
Éclairages Tanya Pettigrew 
Direction de production Donat Béland et Tanya Pettigrew

Carte Premières
Date Premières : 11, 12 et 13 août 2010
Régulier: 16,50$
Abonné: 8,25$

Une production Gros Bison

Balustrade du Monument-National
1182, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-871-2224

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Dates antérieures

Du 21 au 30 janvier 2010, jeudi au samedi à 20h30, sauf 30 janvier 14h, Balustrade du Monument-National

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 Critique
Critique
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par David Lefebvre

Écrite peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Les Bonnes de l'auteur dramatique français Jean Genet est une pièce aliénante et perverse, où l'auteur, tout comme le spectateur, sublime et condamne tout à la fois. Il mélange cérémoniel sacré et rite profane, sexualité incestueuse et jeux masochistes. La pièce avait été fustigée lors de sa création dans les années 40, peut-être parce qu'elle était en avance sur son temps. Savant mélange de théâtre classique, par l'unité d'action et de temps, et de théâtre absurde, ici démontré par la perte des repères et l'emprisonnement et la souffrance métaphysique, Les bonnes continue de fasciner un public qui se scinde en deux : on aime ou on déteste.

Inspirée d'un fait réel, soit l'histoire de deux servantes qui ont assassiné leur maîtresse et ont ensuite dormi dans le même lit, Les bonnes dépasse le simple fait divers policier pour nous faire accéder à l'histoire privée de son auteur, ainsi qu'aux thèmes qu'il adore aborder : la perversion, l'érotisme ambigu, le mal-être, l'ambivalence ou la sanctification de certains gestes criminels.

Le jeune metteur en scène Gaétan Paré rêvait depuis un bon moment de s'attaquer à ce texte monument. S'il réussit ici son coup, c'est grâce à son analyse et à sa compréhension aigüe du texte et du sous-texte de Genet. La mise en scène se nourrit essentiellement des mots de l'auteur pour explorer toute leur violence, toute la hargne et le mépris, frôlant souvent le surjeu, se maintenant sans cesse à la limite de la schizophrénie, balançant toujours entre le réel et le fantasme, tout aussi sexuel que violent. Il expose tout le rituel brutal de ces deux femmes, en quête identitaire, enfermées dans le plus profond malheur de n’être que des bonnes, prêtes à tout pour s’élever plus haut, avec autant de rudesse que de sophistication. Les comédiennes qui incarnent Solange et Claire, Émilie Cardin et Jacinthe Parenteau, empoignent leur personnage sans les juger, les purifier ou les enjoliver pour chercher une certaine acceptation du public. Elles ne décrochent pas de leur folie commune, assumant tout, sans réel compromis.

Paré semble aussi s'inspirer du monde du cinéma, allant puiser certaines ambiances et images du style français ou du film noir. Exemple frappant, les scènes de Madame (Julie de Lafrenière): toupet carré, éclairage en contre-plongée, regards dans le vide. Le rideau fabriqué de pellicule vient confirmer en un sens cette pensée, et renforce la mise en abîme, le jeu dans le jeu. C'est le cinéma de deux âmes perdues et douloureuses dans le théâtre de notre propre conscience.

Pourtant, cette version des Bonnes ne ralliera pas tout le monde. Le décor s'éloigne de la classique chambre baroque pour adopter un salon kitsch et éclectique hors de toute époque définie ; les accessoires sont même anachroniques. Mis à part le désir possible de toujours référer au monde fantasmatique des deux femmes, on comprend mal ce choix. La rage qui se dégage des personnages handicape la tension qui aurait pu rendre certaines scènes encore plus intéressantes. De plus, l'action devance souvent le propos, ce qui crée un étrange décalage. La musique choisie est souvent appuyée, voire clichée, et la chanson qui accompagne la scène finale ruine l'ambiance, qui nous détache radicalement de la détresse des servantes pour rendre ce moment ultime plus pathétique que douloureux. Mais encore ici, peut-être voulait-on se détacher et contaminer la beauté de la mort, la fin trop classique d'une héroïne coupable qui s'autodétruit en croyant tuer la source de son désarroi.

13-08-2010

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