par Geneviève Germain
Soyons francs, chaque jour nous jugeons des gens sur leur apparence. Que ce soit dans le métro, au boulot, en les croisant dans la rue. Dès le premier regard, différentes déductions traversent notre esprit. On se dit que l’un est drôlement grand, ou l’autre bizarrement habillé, ou que l’on aimerait bien copier la coiffure de notre voisine. Dans un univers où la chirurgie esthétique peut parvenir à faire gagner un prix de beauté, où la recherche de la perfection est omniprésente, la réflexion imposée par la pièce de Fat Pig tombe à point.
L’auteur Neil Labute nous a habitués à sa vision unique des relations. Il suffit de penser à la manipulation vicieusement « artistique » d’un nouveau petit ami dans sa pièce portée au cinéma, The Shape of Things (2003), ou encore à la folie amoureuse et délurée dans Nurse Betty (2000). Cette fois-ci, la pièce de Labute s’attaque à un sujet de taille : l’épineuse question du poids, dans une mise en scène de Joe Garque.
Quand Tom (Timothy Diamond) rencontre Helen (Emma Lanza), il est loin de se douter qu’il développera un sentiment amoureux pour cette femme voluptueuse dont il évite d’abord la compagnie. Pourtant, dès le premier contact, il est séduit. C’est par la suite que ça se complique : car quand notre compagne s’habille dans les tailles fortes, c’est dur à camoufler. Devant se soumettre au regard des autres, en l’occurrence son très superficiel collègue Carter (Francis J. Martins) et la plantureuse Jeannie (Rachelle Néron), il hésite, doute, et tente d’éviter toute présentation officielle de son amie de cœur.
Emma Lanza nous fait habilement croire à cette femme aux courbes généreuses qui s’accepte telle quelle. Le texte, la portant de l’auto-dérision aux réponses incisives, mène son personnage avec aplomb et énormément de séduction. En contrepartie, Timothy Diamond illustre bien la dualité qui l’habite entre la volonté d’aimer sa douce, et son incapacité à la soumettre aux regards des autres, ou plutôt de se soumettre lui-même au jugement des autres. Là où ça se corse, c’est qu’on peine à croire à la chimie entre ces deux personnages, les scènes amoureuses semblant plus forcées qu’autrement.
Heureusement, le tout est sauvé par l’humour à tendance sitcom apporté par les personnages de Carter et Jeannie. L’ensemble ressort comme une pièce somme toute légère et agréable à regarder.
Mention spéciale à l’esprit innovateur (et très nouveau média) de Through Line Productions pour leur bande-annonce de la pièce disponible sur YouTube (vous pouvez y avoir accès juste au-dessus de cette critique).