Blanche, Douce, Belle et Rose ont chacune les cheveux mi-longs, un garçon de douze ans qui performe à l’école, un tailleur de bonne qualité acheté à bon prix, un adorable bébé fille, un travail respectable dans un bureau respectable avec un patron respectable et une liste interminable de fantasmes… inassouvis. Avec la férocité dont seules les femmes sont capables, les quatre protagonistes se livreront à d’épouvantables séances de tortures psychologiques. Pour garder sa faveur auprès du patron et sa place dans la hiérarchie, tous les moyens sont bons.
Isabelle Sorente signe avec Hard Copy une comédie sanglante, devant laquelle on ne peut s’empêcher de frissonner tant l’absurdité et la méchanceté surgissent de la petite séance de commérage et du travail d’équipe qui n’ont qu’un but : la destruction massive de cette collègue pourtant semblable aux trois autres.
Isabelle Sorente trace avec justesse et mordant le portrait de femmes qui doivent concilier tous leurs rôles sociaux, vivre avec leurs convictions personnelles et lutter contre leurs démons au quotidien.
Scénographie : Maude Ledoux
Conception sonore : Francis Gagnon
Conception des éclairages : Jeanne Fortin L.
Assistance à la mise en
scène : Yannick Chapdelaine et Sara Fauteux
Illustration : Saada El Akhrass
Billet: 20$
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Production Théâtre Passé Minuit
par David Lefebvre
L'action se déroule dans un bureau d'une grande société française, au retour du week-end. Quatre secrétaires échangent entre elles, papotent. On prépare le café comme si c'était un breuvage divin. On parle du mari, des enfants, du voyage en Loire. Les conversations bifurquent : gym, régime, patron, sexualité, cellulite, mode. On détecte alors le maillon faible du groupe. La vantardise et la condescendance sont de mise. On s'acharne sur son cas, on se défoule, on médit. La pression augmente, on craque. Les mots deviennent de petits assassins qui ne demandent qu'à toucher leur cible.
Hard Copy, d'Isabelle Sorente, parle de harcèlement moral et dénonce la pression sociale que les femmes subissent tout autant qu’elles alimentent entre elles. Le texte cumule et utilise les nombreux clichés des microgroupes féminins. D’un côté la perfection : être une bonne mère de famille, une amante qui séduit toujours son conjoint, se garder belle et en santé et performer au travail. De l’autre, l'appropriation du pouvoir par tous les moyens, les coups bas, les attaques personnelles, mais toujours avec le visage haut, la compréhension, l'empathie. Le texte choral est grinçant et n'hésite pas à plonger dans le langage cru et méprisant, voire impitoyable. Ces femmes que l'on perçoit tout d'abord comme de simples secrétaires aux vies rangées laissent entrevoir des petites merveilles de sadisme et de cruauté, à la sexualité sèche ou complètement déviante, mais acceptable ou acceptée, jusqu’à en parler en suivant des règles précises. Et la pauvre victime des critiques mesquines de ses collègues - victime, d'ailleurs, pourquoi ce mot est-il féminin? souligne l'un des personnages - finira par se sentir coupable et sauter un plomb.
La mise en scène de Gaétan Paré propose la bonne dose de cynisme et d'hystérie pour que nous appréciions les situations sans que nous nous sentions mal à outrance. Pourtant, les scènes pourraient être encore plus oppressantes, moins caricaturales. Les quatre comédiennes, Romy Daniel, Myriam Fournier, Catherine Legresley et Isabelle Sasseville, sont vêtues du même type de jupe et de chemisier, et maquillées exactement de la même manière, sans subtilité. Elles sont ainsi d'une obsédante similarité et pourraient aisément se confondre. Les espaces de travail sont tout aussi identiques, pour attirer l'attention sur une standardisation malsaine d'un type d'entreprise ou de manière de penser qu’on impose aux employées et qui devient la norme.
Si chacune des comédiennes s'en tire plutôt bien, impressionnant parfois lors de quelques moments de délire, leur niveau de langage, basculant du normatif non appuyé au québécois, agace l'oreille, quand il est clair, grâce à certains indices du texte, qu'elles se situent à Paris. Un accent purement français ou une légère adaptation du texte aurait été souhaitable et nullement contraignant.
Hard Copy démontre d'une manière tristement crédible, jusqu’à un certain point, les effets néfastes, dommageables et pervers de ces univers féminins, où la performance et le pouvoir sont au coeur de la dynamique de groupe, et où les personnalités plus faibles n’ont que peu de place.