Depuis sept ans, Ritsuko prépare soigneusement sa vengeance et la voici enfin aux portes de sa libération… Voilà une audacieuse histoire épique délicieusement ingénieuse. Un délirant voyage au cœur d'un japon médiéval déjanté. Vous en perdrez votre japonais!
À mi-chemin entre la bande dessinée et le cinéma d’animation japonais, Manga est une succession ininterrompue de tableaux qui composent une trame narrative mystérieuse, poétique et où l’image prime sur la parole. Mais Manga n’est pas une pièce de théâtre Zen et méditative! Au contraire! Dans ce spectacle, le band de théâtre Belzébrute explose dans une énergie rassembleuse et dans un rythme et un esprit complètement fous.
À travers ses créations, Belzébrute explore, avec une folie lumineuse et une désinvolture contagieuse, le théâtre d’objets, la marionnette, le jeu masqué, la poésie de l’image et le théâtre d’ombres. Une approche audacieuse qui lui a permis de recevoir de nombreuses critiques élogieuses et plusieurs distinctions.
Scénographie Mathieu Poirier-Galarneau
Musique Amélie Poirier-Aubry
Costumes et accessoires Caroline Fortin
Vidéos Jocelyn Sioui
Éclairage et régie Clémence Doray
Cartes Prem1ères
Date Premières : 18 au 23 janvier 2011
Régulier : 23$
Carte premières : 12$
Une création de Belzébrute
par David Lefebvre
Le mot «manga» est utilisé au Japon principalement pour désigner une bande dessinée. Dans la société occidentale, sa définition prend un sens beaucoup plus large, englobant la plupart des produits visuels dessinés nippons (bd, dessins animés et romans graphiques). Ses origines sont millénaires, et les catégories qui le composent sont très diversifiées. Il serait erroné de considérer ce genre littéraire comme mineur, ou marginal. Le manga est extrêmement populaire : on comptait, en 2008, 3,2 milliards de publications vendues au Japon, et 40% des bandes dessinées achetées en France étaient des mangas.
Le band de théâtre Belzébrute, qui nous avait offert il y a quelque temps Shavirez le Tsigane des mers, l'un des meilleurs spectacles au Fringe édition 2008, revient avec un projet qui s'inspire très ouvertement du monde de l'imagerie japonaise et du manga. Avec des perruques rappelant les chevelures des Naruto ou Dragon Ballz, des costumes traditionnels riches en couleur et en texture, des maquillages blancs aux lèvres rouges, Manga puise ses idées dans toutes les sources possibles du pays du soleil levant, du moins celles connues en Occident.
Second volet de la Trilogie sur la vengeance entamée par Belzébrute, Manga raconte l'histoire de la jeune Ritzuko, témoin chez elle de l'assassinat de ses parents des mains du Shogun. Sur les traces de grands maîtres, elle lutte, tel un bushido, et parvient jusqu'au général ; mais combien de fois devra-t-elle le tuer pour que sa vengeance soit totalement assouvie? Quelle histoire se cache réellement sous les traits de ce Shogun?
La mise en scène imaginée par le band réunit ingénieusement plusieurs influences artistiques, du kabuki à l'art clownesque, de la marionnette au théâtre d'ombres, jusqu'aux projections vidéo des plus modernes. On ne fuit pas le cliché, on l'utilise, on l'amplifie, on s'amuse avec lui. Plusieurs références cinématographiques s'immiscent subrepticement : Karate Kid, Shogun, Kill Bill, Godzilla, Ringu (Le cercle), même Batman, grâce à quelques pancartes de bruit. Les ombres et les projections animées se marient fort bien, formant de jolis tableaux projetés sur un triple paravent. La marionnette vient aider certains mouvements des comédiens - les jambes de Caroline Fortin sont manipulées pour une scène d'arts martiaux des plus rigolotes - ou ajoutent un personnage amusant, comme un ninja apparu de nulle part qui ne garde pas sa tête très longtemps, sang en prime.
L'une des belles réussites du spectacle est sans contredit le langage pseudo japonais qu’usent les interprètes Caroline Fortin, Éric Desjardins et Jocelyn Sioui. Travaillés avec soin, on peut facilement se faire berner par les dialogues incompréhensibles, mais crédibles ; par contre, si notre oreille est attentive, on perçoit ici et là certains mots qui n'ont aucun rapport dans la conversation (sudoku, kamikaze, Sapporo) ou, encore, quelques rares phrases en français ou en anglais, ce qui déclenche invariablement le rire de l'auditoire. Manga est une pièce qui expérimente et met de l'avant la poésie visuelle, le jeu de l'acteur et la volonté de raconter une histoire qui fait sens, plus complexe qu’elle n’y paraît, sans utiliser la langue française comme principale assise. Par contre, dû essentiellement à l'espace de jeu et au budget, le concept atteint rapidement ses limites, malgré une certaine ingéniosité. De plus, un rythme légèrement plus soutenu et plus précis serait bénéfique lors de quelques scènes chorégraphiques, la rapidité d’exécution étant l’une des caractéristiques reconnues des personnages de mangas.
La musique, omniprésente, est l'un des atouts du spectacle. Composée et interprétée admirablement bien par Amélie Poirier-Aubry, elle accompagne les émotions et les actions de chaque personnage lors des différents tableaux de la pièce. Tambours, bol chantant, luth japonais, shamisen, flûtes, c'est une véritable trame sonore complexe et mélodieuse, jouée en direct, qui nous est proposée.
Imaginatif et sans prétention, Manga propose une histoire de vengeance aux péripéties multiples, dans laquelle on plonge avec plaisir et qui donne envie de découvrir ou redévorer les classiques du genre.