MORIBONDS est né d'une envie de répondre à l'univers de l'auteur argentin Rodrigo Garcia. Ses mots, ses idées, ses sujets nous percutent et mènent indubitablement à une réflexion. MORIBONDS est notre réponse sans équivoque à cette morsure infligée en parcourant son oeuvre. La réflexion et le fruit sont amers et nous écorchent. L'appel est viscéral et inévitable.
Une famille dysfonctionnelle utilise les obsèques du père, pour lui rendre un hommage-saccage. Une dernière rencontre pour honorer cet homme qui a donné sa vie et accepté l'anonymat absolu au nom d'une entreprise multimilliardaire. Prédestiné à de grandes aventures, un père s'est donné corps et âme, s'est plié à toutes les bassesses possibles pour jouer l'emblème et la fierté d'un peuple paradoxal: le clown Ronald. Le seul et unique Ronald.
Cependant, dans un éclair de lucidité, il meurt étouffé.
Les enfants de Ronald ne pleurent pas.
Mais les questions surgissent: Perpétuer ou déconstruire leurs origines? Tout renier ou se vautrer dans une folie dévastatrice? Pour la femme de Ronald, l'impact est foudroyant. Elle reste prise avec des enfants ingrats qui lui refusent toutes preuves de bonté ou d'amour maternel. Ne lui reste que son chien.
C'est la fin d'un rêve.
Des êtres de chairs et de sang qui, à travers leurs souffrances, leurs fantasmes, leur violence, leur appétit du mieux, du plus et du rien, cherchent à se trouver une voix, un soi et un sens qui soient à la fois simple et authentique.
Fable poétique, pathétique, aux accents comico-tragiques.
Ces êtres ne sont pas loin de toucher l'insoupçonné.
Source texte et image - Facebook
Une production Til.T Théâtre et Dave St-Pierre - tilt.theatre@gmail.com
Théâtre de l'Esquisse
650, rue Marie-Anne Est
Billetterie : 514-845-4890
par Daphné Bathalon
I’m lovin’ it… Maybe not.
D’emblée, il faut admettre que Moribonds, cette première création de la Compagnie TIL.T, est une bête bien étrange. À l’image des personnages créés par Sarah Berthiaume, les évènements qui se déroulent sous nos yeux sont surprenants et le cérémonial qui les entoure, tout aussi déstabilisant.
À la mort de leur père, trois enfants n’ont aucune larme pour pleurer celui qui a renoncé à son identité pour devenir le clown Ronald. Dans un hommage-saccage qui s’apparente davantage à une déconstruction en règle de la figure paternelle, ils lui disent adieu à leur manière, sans amour et sans haine.
Pour une création comme Moribonds, le souci est toujours de savoir sous quel angle aborder la pièce ou la considérer. À quel moment doit-on laisser son esprit critique au vestiaire et se consacrer complètement aux émotions que le spectacle éveille en nous? Confronté au travail de Dave St-Pierre, il faut être prêt à faire le vide comme nous y invite justement le chorégraphe, à mettre la pensée critique en veilleuse le temps d’une soirée, décanter ensuite toute une nuit et réfléchir le lendemain aux images qui sont demeurées imprimées sur notre rétine. Comment ensuite ne pas parler à la première personne d’un spectacle qui est en réalité un objet unique pour chaque spectateur? Pour les uns, l’effet est immédiat et percutant, pour les autres, c’est une dégustation de longue haleine.
Mais le spectacle laisse inévitablement des marques, à commencer par le portrait de famille trompeur et figé au début de la représentation. Les répliques répétées, presque martelées, les sons agressants (quel soulagement audible dans la salle lorsqu’ils s’arrêtent!) et l’éveil de la mère suscitent quelques malaises. Ils sont rapidement brisés par les rires impromptus de quelques spectateurs.
Sur scène, parmi les rares accessoires, trois bouteilles de ketchup font aussi leur effet. Dave St-Pierre aime jouer avec la nourriture, jusqu’à la limite de l’écœurement – on se souviendra du gâteau écrasé dans Un peu de tendresse, bordel de merde, notamment. En danse, plusieurs artistes comme Lia Rodrigues ou Rodrigo Garcia travaillent également avec le ketchup, mais l’intense odeur de vinaigre et de sucre brouille les sens des spectateurs et la réception que l’on peut avoir du spectacle. C’est ce qui se produit avec Moribonds, lorsque les enfants aspergent Ronald de cette substance collante, d’un rouge irrémédiablement associé à la malbouffe et à la multinationale que l’on connaît.
Moribonds aurait-il plus d’impact, de force de frappe dans une salle ouverte comme à Tangente ou à Espace libre? Sans aucun doute, car le Théâtre de l’Esquisse enferme le public et la scène dans un coffrage si étroit que pour peu qu’on soit à quelques rangées de la scène, on perd une bonne partie de l’action. L’expérience d’une telle performance est bien différente pour qui l’observe depuis la première rangée : c’est en pleine gueule que le spectateur perçoit la souffrance des personnages, recevant le coup de poing tout autant que les éclats de ketchup et de révolte de cette famille brisée. Tandis que quelques rangées plus loin, distinguant l’action entre deux têtes, on ne parvient jamais totalement à entrer dans la bulle étouffante qui a tué Ronald.