Un spectacle volontaire, sans éclairage, sans musique, avec le décor et les vibrations du moment, présent, sans artifices, gratuit, cadeau. Des mots uniques et un moment de partage avec Lucie qui nous insuffle le goût de vivre un peu plus, un peu mieux.
par Olivier Dumas
En cette fin d’été, l’atmosphère est propice à conjuguer le plaisir de trinquer et d’assister à une performance théâtrale relevée. Présenté au Bar Les Pas Sages, la pièce Pourquoi pas moi nous révèle Isabel Rancier, une comédienne pétillante, douée et attachante. Sa générosité et sa palpable fébrilité contribuent beaucoup à la réussite du spectacle.
Assise au comptoir, une jolie brune prend la parole dans un bar qui tout à coup devient silencieux. Sans pudeur, elle raconte les mille et une péripéties d’une journée pas comme les autres. Pour ne pas vendre la mèche, disons simplement que tout a commencé par un sourire dans le métro et que les catastrophes s’enchaînent durant un peu plus d’une heure. Tout au long de la représentation, Isabel Rancier se déplace avec aisance au travers des spectateurs très réceptifs. Son habileté à happer l’attention de ses confidents et confidentes d’un soir nous la rend attendrissante. L’actrice développe ainsi une forte proximité avec le public, en évoquant cette bonne copine que l’on écouterait pendant des heures.
Le texte de Vincent Rivard jongle à la fois sur des faits cocasses et des passages plus dramatiques dans un esprit imprégné de spontanéité. Heureusement, la ferveur de la comédienne permet de camoufler les quelques faiblesses de l’histoire, ou plutôt des histoires, dans le cas présent. La succession d’actions rocambolesques aurait mérité un meilleur fil conducteur pour mieux suivre toutes les péripéties ; il devient facile de se perdre avec autant de détails. Il aurait été plus souhaitable, par ailleurs, de mieux amalgamer l’humour et la tragédie. Cette difficulté se répercute surtout vers la fin de la pièce, au moment où la narratrice rencontre une jeune fille qui doit surmonter la mort soudaine de son frère. La description du deuil paraît trop superficielle et expéditive, alors que la situation se prêtait à des instants plus bouleversants. Par contre, la séquence de la cabine téléphonique avec sa description irrévérencieuse d’une vieille femme désagréable comporte son lot d’observations loufoques. C’est dans des moments comme celui-là que le spectacle est à son meilleur.
Sans éclairage, sans artifice et sans musique, la mise en scène d’Alexandre L’Heureux gagne son pari de rendre réceptif le public dans un lieu aucunement propice à la prise de parole. Les bruits naturels du bar s’intègrent naturellement dans la trame narrative du récit.
Pour rire et s’émouvoir lors des deux prochains lundis d’août, Isabel Rancier vous attend avec sa générosité, sa touchante sincérité et son attachante sensibilité dans Pourquoi pas moi, une pièce sans prétention, mais portée par la voix d’une grande artiste.