La pièce met en scène Mathieu Béssette, un propriétaire et câlleur de bingo obèse, accro à la télé, et sans aucunes ambitions. Tout ce qu’il touche, et même tout ce qu’il a touché, se transforme en échec. Un beau jour, il décide de mourir. Anatomicité retrace donc les raisons de son choix, tout en nous entrainant dans les dédales d’un système de santé malade, où les patients sont traités comme des clients.
Dates antérieures (entre autres)
Du 7 avril au 2 mai 2009 - Prospero
par Olivier Dumas
La compagnie Tsunami Théâtre a décidé de reprendre à l’Espace 4001 Anatomicité, une création de 2009. Malgré une vingtaine de minutes retranchées de la proposition initiale et un sujet porteur de sens et de possibilités artistiques diverses, l’ensemble donne surtout une impression générale d’inachèvement.
D’une durée ramenée à 85 minutes, le texte d’Alexandre Lefebvre aborde des thématiques très actuelles qui ont inspiré de nombreux dramaturges ces dernières années, interpellés par la médiocrité d’une société individualiste dont la consommation effrénée s’accompagne d’une croissante vacuité intellectuelle.
La pièce raconte l’histoire de Mathieu, un joueur de bingo qui ne décolle jamais de son téléviseur, obnubilé par les feuilletons télévisés et publicités qu’il consomme aussi avidement que ses sacs de croustilles et ses bouteilles de bière. Une sorte d’Elvis Gratton dans l’âme sans son côté clinquant, il devient spectateur de sa propre existence. Le monde extérieur n’existe pas, les événements sociopolitiques autant nationaux qu’internationaux ne suscitent aucune autre réaction que de l’écœurement ou de l’impuissance. Puis un jour, son épouse le quitte. L’époux se fait hara-kiri. Entre la réalité et l’inconscient, une succession de personnages aussi caricaturaux les uns que les autres défilent devant lui.
La mise en scène de Marie-Ève Gagnon transpose bien cet état d’esprit d’un monde atomisé alors que les comédiens changent de costumes parfois à la vue des spectateurs. Composée de ce divan au centre du plateau comme le seul rempart d’une société sans ancrage profond, la scénographie exprime de manière convaincante le propos de l’auteur.
Mais c’est un texte manquant de force et de pouvoir d’évocation qui empêche la pièce de porter à bout de bras sa critique virulente d’une société consumériste bouffant la pensée critique et l’indignation active des individus. Pour l’auteur de ces lignes, se dégage un sentiment que les idées intéressantes à la base auraient mérité un traitement plus approfondi, plus corrosif. Nous nageons dans un univers qui rappelle beaucoup d’autres œuvres plus fortes dans leur réalisation (entre autres le roman Vu d’ici de Mathieu Arsenault transposé à la scène par Christian Lapointe) pour qu’Anatomicité se démarque avantageusement. Le dramaturge aurait gagné à extirper des lieux communs une pensée subversive à double tranchant qui amalgame la rigolade fantaisiste et le cynisme amer.
Pour les comédiens heureusement, le jeu en vaut la chandelle. Dans le rôle du protagoniste ventru au crâne dégarni, Martin Grenier rend bien le désarroi d’un homme devenu une loque humaine, obèse dans son confort matérialiste. Ses trois partenaires de jeu, Céline Brassard, Marie-Christine Pilotte et Jean-Benoît Archambault, ponctuent l’action en interprétant d’innombrables archétypes avec humour, dynamisme et justesse.
Avec cette reprise d’Anatomicité, le Tsunami théâtre veut secouer les consciences. Si la production nous laisse sur notre appétit, son message, lui, ne peut que susciter notre adhésion.